Piero Fornasetti : la Folie pratique

du 11 mars au 14 juin 2015

Présentée dans la Nef du MAD, l’exposition Piero Fornasetti : la Folie pratique regroupe plus de mille pièces de Piero Fornasetti (1913-1988), puisées au cœur de ses incroyables archives. Cette rétrospective brosse le portrait de ce créateur qui fut peintre autant que décorateur, imprimeur et éditeur, collectionneur et marchand.

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Exposition co-organisée et coproduite par
• Les Arts Décoratifs, Paris
• Triennale Design Museum, Milan
• Immaginazione srl/Barnaba Fornasetti, Milan

Commissariat
• Barnaba FORNASETTI
• Olivier GABET directeur des musées du MAD

Scénographie
• Giulio ALBERTAZZI

Présentation

Dans l’univers décoratif théâtralisé de Fornasetti, les sujets empreints de poésie et de fantaisie jouent de trompe-l’œil d’illusions, de paysages métaphysiques, de figures décalées de la Commedia dell’Arte et de visages énigmatiques et lunaires déclinés en de multiples variations. Piero Fornasetti recouvre de ses motifs aussi bien les foulards que le mobilier, les murs que les paravents, les assiettes, les plateaux que les porte-parapluie. Il imagine notamment, en collaboration avec l’architecte Gio Ponti, des meubles, des aménagements et des décors complets pour des demeures privées, des paquebots, des casinos.

Grand lecteur et grand dessinateur dès l’enfance, Piero Fornasetti affirme être autodidacte de formation, ne se laissant guider que par ses seuls choix. Il s’inscrit, contre l’avis de son père à l’Académie des beaux-arts de Brera en 1930, mais en est exclu deux ans plus tard pour insubordination. Il forge alors son apprentissage du dessin et celui de la lithographie dans les livres. La presse mise à disposition dans l’atelier de son père lui permet d’exercer et d’expérimenter toutes les techniques de gravure et d’impression. Il crée la Stamperia d’Arte Piero Fornasetti, et édite ses dessins, ses almanachs mais aussi les œuvres des plus grands artistes de l’époque : Carlo Carrà, Giorgio de Chirico, Marino Marini, Lucio Fontana. Sa virtuosité lui permet de travailler sur tous les types de supports : papier, céramique, verre, cuivre, textile. C’est d’ailleurs en 1933, à l’exposition de ses foulards à la Triennale de Milan, que Gio Ponti repère son talent. Leur collaboration débute réellement en 1940, autour d’une série de luminaires. Ensemble, ils réalisent les projets les plus fous : les couvertures des revues Domus et Stile, du mobilier tel que le cabinet Architettura de 1951, et de nombreux décors : les fresques du Palais Bo de Padou (1942), le réfectoire de la caserne de la Place Sant’Ambrogio, le Casino de Sanremo, la Casa Lucano (1951), ou encore les cabines et les salons du paquebot Andrea Doria (1952).

Extrêmement prolifique, Piero Fornasetti, dans sa fascination pour l’objet comme multiple et pour « l’imprimé sous toutes ses formes » (Patrick Mauriès), crée aussi bien des affiches, des produits publicitaires, des logos que des accessoires de mode qu’il conçoit généralement en série. La plus célèbre est celle des assiettes dont le motif est une variation du visage rond de la cantatrice lyrique Lina Cavalieri. Il en existe pas moins de trois cent cinquante versions.

Piero Fornasetti fonde la Galerie des bibliophiles en 1970. Là sont exposées des oeuvres d’artistes contemporains aux côtés de ses propres productions. Fort de cette expérience, il ouvre plusieurs boutiques, à Milan et à Turin, dans lesquelles on retrouve toutes ses productions.

Il sait être aussi metteur en scène et scénographe : en 1970, il répond à l’invitation de François Mathey, alors directeur du Musée des Arts Décoratifs et endosse le rôle de commissaire général de l’exposition « Bolide design » dont il conçoit même la maquette.

Aux formes simples et épurées du modernisme de l’époque, Piero Fornasetti répond, comme indifférent aux dogmes du design en vigueur, à coup d’imaginaire sur fond d’humour, de rêve et de jeux d’illusion. Qu’ils se déclinent en séries ou qu’ils se dévoilent dans des décors, les objets Fornasetti couvrent tout un monde de références et de styles : l’Antiquité romaine, la Renaissance italienne, les architectures de Palladio… Dans les années 1990, il devient source d’inspiration pour certains designers tel que Philippe Starck. La première monographie que consacre Patrick Mauriès et l’implication de son fils Barnaba qui poursuit l’œuvre de ce père si prolixe et inventif, ont contribué à la redécouverte de l’œuvre dont on prend désormais toute la mesure.

L’exposition présente les grands thèmes de l’œuvre du designer : ses débuts, mal connus, comme peintre, permettent de revenir sur le contexte artistique italien et européen des années 1930, ceux du Novecento et du Retour à l’ordre, son activité d’imprimeur qui sous-tend toute son œuvre, les séries Tema e Variazioni et sa collaboration avec Gio Ponti. Seront mis en scène et à foison, des ensembles de plateaux, des porte-parapluie, des trumeaux… Certains décors seront évoqués avec et toujours en perspective le dessin et la peinture, pièces maîtresses de son univers.

Cette exposition, présentée en 2013 au Triennale Design Museum de Milan, est la première rétrospective jamais consacrée à Fornasetti en France. En présentant l’ensemble des facettes de la personnalité riche, singulière et atypique de Piero Fornasetti, l’exposition s’inscrit au cœur d’une discussion critique et théorique sur l’ornement comme élément structurel du design.

« Vies de Fornasetti », Olivier Gabet
Extrait du catalogue

(…)
« Artiste universellement curieux, artiste éclectique, Fornasetti a connu un certain purgatoire dans les années 1960 et 1970. L’histoire de l’art, et celle des arts décoratifs et du design en particulier, a une certaine propension à privilégier les grandes épopées, styles ou écoles, et reste souvent mal à l’aise pour parler des singuliers de l’art, des à-côtés savoureux de ces épopées, ces rameaux un peu originaux que l’on ne manque pas de trouver dans les généalogies bien ordonnées. Longtemps, on a mal compris et mésestimé l’imagination inextinguible de Fornasetti, sa capacité à aborder les influences les plus diverses, Picasso, De Chirico et la Métaphysique, le compagnonnage avec Ponti ou Eugene Berman, son enthousiasme à repousser les limites du possible, son courage salutaire à passer par-dessus bord le bon goût qui signe très souvent la mort du goût tout court. En France, jamais une exposition rétrospective n’a été consacrée à cet artiste-monde, cet autre homme-chêne, comme l’est Verdi aux yeux de Savinio : certes une exposition « Objets et meubles décorés de Fornasetti » se tient en novembre 1956 à la galerie Bernheim-Jeune, sans pour autant qu’une manifestation muséale vienne rendre grâce à sa prolixité artistique. Piero dut en souffrir, pour lui la France était un second pays, et Paris aussi essentielle que les villes italiennes chères à son cœur, Milan bien sûr, mais également Venise, Vérone ou Turin. Au printemps 1970, Fornasetti avait signé l’affiche de l’exposition « Bolide design » organisée par François Mathey au Musée des Arts Décoratifs, assurant une sorte de direction artistique à un choix de voitures de compétition mis en œuvre par un comité où siégeaient Roger Tallon, Joe Colombo, Pio Manzu, Jean Tinguely, Robert Delpire et Victor Vasarely. Fornasetti, la folie pratique et le sens de l’inattendu…

(…)
Autant dire qu’il était grand temps, et naturel, de rendre hommage enfin à Piero Fornasetti au Musée des Arts Décoratifs, après l’exposition que lui consacra le Victoria and Albert Museum à Londres en 1991, trois années après sa mort. Depuis les années 1980, de nouveaux regards se sont posés avec justesse sur une œuvre protéiforme que notre époque rend plus sensible encore, l’œuvre d’un artiste qui se définissait lui-même comme un « pré-post-moderne ». »
(…)

« Les masques et le visage », Patrick Mauriès

(…)
« L’approche artistique de Fornasetti reste indéfectiblement marquée par le formalisme que cultivèrent certains artistes dont il fut proche dans l’Italie des années 1930. Il insistait aussi sur l’importance fondatrice de deux livres dans son trajet : le Giott de Carlo Carrà et le Piero della Francesca de Roberto Longhi ; lectures qui enracinent l’expérience métaphysique des premières décennies du XXe siècle dans une mémoire « primitiviste » de l’art italien et font entrer en résonance le « purisme » du Quattrocento avec les diverses expressions du « retour à l’ordre » qui traversent alors l’Europe. Les volumes épurés, un chromatisme sourd, une gamme restreinte, le goût d’une certaine monumentalité, un espace sans profondeur, le recours à une gestuelle et une thématique classicisantes, dans le prolongement des recherches plastiques du Picasso des années 1920, convergent dans l’atmosphère raréfiée des fresques du Palazzo Bo, à Padoue, qui furent le premier travail d’envergure de Fornasetti en 1942.

Nulle sécheresse pourtant dans son propos, parce que cette netteté, ce goût d’une maîtrise plastique n’étaient à ses yeux que l’envers ou le moyen du rêve (c’est sa fameuse follia pratica : la volonté de mettre la « raison » au service de la « déraison »). L’artiste dont il fut en cela, et par bien d’autres points, le plus proche fut sans doute l’impressionnant Alberto Savinio, frère de Giorgio De Chirico, autre touche-à-tout virtuose dont Fornasetti fut l’ami et illustra plusieurs livres ».

(…)
« Seul un moderne aussi cultivé et curieux que Ponti pouvait donner sa place, en plein triomphe de l’angle droit et de la cage de béton, à celui qu’il désignait lui-même comme un maître de l’ornement. (« À notre époque de mépris affiché pour la décoration, affirme tranquillement Ponti en 1962, Fornasetti témoigne heureusement de son importance […] Il nous apprendra à lire l’ornementation sous toutes ses formes »).

(…)
Et nul mieux que Fornasetti ne pouvait savoir comment appliquer ses jeux graphiques sur les meubles et surfaces mis en place par Ponti, jouant des effets d’échelle et de profondeur en une sorte de gigantesque et ludique trompe-l’œil. Leçon que Fornasetti mit ensuite à profit dans son magnum opus : une véritable architecture d’illusion, composée de paravents et de praticables, adaptable d’un lieu à l’autre, qu’il imagina entre 1955 et 1958 et baptisa Stanza Metafisica. On y voit comment le jeu des motifs – des motifs appliqués – vient véritablement subvertir le sens de la profondeur, cherche moins, ou autant, à décorer ou rythmer qu’à contester la profondeur, l’inscrire au registre du faux-semblant, provoquer le spectateur au vertige et à l’incertitude ».

(…)
« Par la variété de son registre, ses choix stylistiques et l’affirmation de ses partis pris, Fornasetti appartient en fait de plein droit à un courant du goût artistique en Europe, entre les années 1930 et 1960, dont il reste à prendre la mesure. Tissu d’individualités, tant artistiques que littéraires, dont le point commun serait d’avoir résisté très tôt aux formules hégémoniques du modernisme, pour lui opposer un imaginaire néo-baroque ou néo-romantique, et réévaluer des courants et des œuvres jusque-là déconsidérés.

(…)
Nul lien direct entre ces figures, si ce n’est celui parfois d’une amitié ou de collaborations occasionnelles, mais des prédilections partagées. Il faudra dresser un jour la cartographie de cette discrète esthétique de la fantaisie où prendraient place, parmi d’autres, tant les Sitwell, Clough William-Ellis, Cecil Beaton ou Rex Whistler en Angleterre, Christian Bérard, Emilio Terry, les Noailles ou Charles de Beistegui en France, Fabrizio Clerici, Leonor Fini, Lila de Nobili ou Eugene Berman, dernière période, en Italie… Architectures fantastiques, jeux de cartes, saltimbanques et arlequins, ruines et obélisques : nombre des motifs qui constituent le registre décoratif de Fornasetti se retrouvent, sous des inflexions diverses, chez la plupart de ces protagonistes (il n’est que de songer, par exemple, aux fresques de Gino Severini pour le château des Sitwell, à Montegufoni, peuplées de ces arlequins pensifs dont Fornasetti exploite la thématique dès 1924, avant d’en faire le motif clé du cinéma Arlecchino en 1949 ; ou aux superbes lithographies du Viaggio in Italia d’Eugene Berman en 1951, livre dont il fut le typographe et le maître d’œuvre) ».

« Aphorismes », Piero Fornasetti

« Je suis féru de précision qui aime l’incertain. »

« J’ai rassemblé des milliers de documents sur ce que l’on appelle « les arts décoratifs » ; trouver, puis disposer au sein de la collection, pour pouvoir l’utiliser au moment voulu dans mes créations, une référence esthétique, voilà quelque chose de fondamental et qui donne un sentiment de tranquillité, autre plaisir du « collectionneur »

« L’accueil fait à mes créations m’a montré que ce que je faisais était plus que de la décoration. C’était une invitation à la fantaisie, à la réflexion, à l’évasion de ce qui nous entoure, et qui est si mécanisé, si peu humain. C’était autant de billets de voyage vers le royaume de l’imagination. »

« J’ai vécu dans une pièce où le lit prenait toute la place ne laissant qu’un passage de 32 centimètres. Je restais au lit du matin au soir, je restais au lit à dessiner. C’est ainsi que j’ai couvert des restes de rêves céramiques, meubles et objets, et que j’ai déposé dans chaque œuvre un message, un petit récit, parfois ironique, et muet bien sûr, mais audible par qui croit en la poésie. »

« Il se dit que mes objets sont le résultat de procédures secrètes… Je ris sous cape… Mon seul secret est la rigueur avec laquelle je poursuis mon travail, la clarté de mes choix ; j’espère seulement ne pas voir mon sens critique s’émousser avec le temps. »

« Autre point fondamental : tout mon travail se fonde sur le dessin : le dessin comme discipline, comme mode de vie et façon d’organiser son existence, et comme étude ininterrompue des choses, dans leur essence. Je suis pour l’ordre, ce qui ne veut pas dire que je ne sois pas fasciné par le hasard et l’imprévu. »

« Pour un slow design », Barnaba Fornasetti

En série

Il ne s’était jamais vraiment soucié de signer, de limiter, d’authentifier, d’inventorier. Cela n’avait guère d’importance à ses yeux : ses objets s’imposaient d’eux-mêmes – c’était en somme autant de pièces uniques. Une fois encore, et face à la demande nouvelle qui se profilait, j’ai dû repenser les choses : nous avons commencé à tenir le registre exact des pièces produites, année par année ; nous les avons datées et numérotées, et nous avons ajouté aux simples étiquettes collées des marques à l’intérieur du décor même des objets.

Comme il n’était pas du genre à déléguer, et qu’il voulait avoir la main sur tout, Piero avait très peu collaboré avec des firmes extérieures (pour le verre et le tissu essentiellement). C’était là une dimension qu’il me semblait intéressant d’explorer. Ayant entendu mon père exprimer le souhait de travailler un jour, pour les objets en porcelaine, avec la maison Rosenthal, nous nous sommes associés avec eux pour lancer les premières lignes de production. Et j’ai fini par comprendre que cela avait été une erreur. Car ce type de production venait faire concurrence à celle que nous faisions en propre et avait pour effet, pour ainsi dire, de la décrédibiliser. Les porcelaines que nous continuions à faire, pièce à pièce, à l’atelier, ne pouvaient égaler, en termes d’offre et de prix, celles que Rosenthal produisait en série. Qui plus est, la gamme Fornasetti de Rosenthal était proposée à côté de celles de marques commercialement plus importantes, Versace par exemple, et ne bénéficiait pas de l’attention nécessaire. C’était vraiment se tirer une balle dans le pied. J’ai collaboré, au fur et à mesure, avec d’autres firmes pour créer des cravates, des gilets, des foulards (puisque c’est par-là que mon père avait commencé), mais aussi des lampes, des abat-jour, de petits objets.

J’ai aussi cherché à explorer d’autres matériaux, comme le méthacrylate, pour des luminaires ou des objets d’un nouveau style. Mais je n’ai pas tardé à comprendre que cela entrait, une nouvelle fois, en contradiction avec l’esprit de notre production, faite à la main, en série limitée, avec un soin particulier. Il y avait quelque chose d’un peu cheap dans les objets ainsi produits ; ce qui arrive souvent – mais pas nécessairement – avec les plastiques ou le Plexiglas. Mais le jour où l’on me montrera une résine ou un plastique d’une qualité remarquable...

Applications

Le premier mouvement de mon père a été au fond d’appliquer sa culture et sa technique d’imprimeur à des objets en trois dimensions. Il a commencé par utiliser la lithographie sur des foulards (ce qui était une technique assez inhabituelle pour l’impression sur soie), puis il a découvert un procédé de transfert à partir d’un papier humidifié, sur lequel il avait reporté son dessin, et qu’il pouvait appliquer ensuite à toutes sortes de supports, avant de le stabiliser, le relever de couleurs, le vernir, le polir, etc. Aujourd’hui, nous utilisons avant tout la sérigraphie, qui est un peu plus simple, mais l’atelier travaille encore peu ou prou comme il le faisait au temps de mon père. Je veille essentiellement à maintenir un juste équilibre entre les améliorations technologiques et le savoir-faire artisanal qui est le nôtre, du point de vue écologique tout particulièrement. Nous n’utilisons plus, par exemple, que des couleurs à l’eau, et j’essaie d’obtenir de nos fournisseurs qu’ils améliorent sans cesse les produits que nous employons. Ce fut le cas avec la firme qui nous fournit en laques et en vernis : il s’agit d’une entreprise très importante et nous ne représentons pas grand-chose pour eux en terme de chiffre d’affaires, mais j’ai un jour écrit à son propriétaire pour le convier à voir ce que nous faisions, et qui n’avait aucun rapport avec les industries pour lesquelles il travaille habituellement. Depuis, nous entretenons une relation privilégiée, il suit tout ce que nous faisons et il a mis à notre disposition tous les moyens de recherche qui sont les siens.

Trumo

De Piero, j’ai hérité la volonté d’imaginer, d’inventer, de rêver pour ainsi dire tout éveillé. Et j’aimerais bien pouvoir, comme lui, passer mon temps à rêver les choses, sans trop me soucier, comme il le faisait, des conséquences réelles, mais je ne le peux pas ; les lois du design vous imposent même le contraire, il faut d’abord réaliser, et voir ensuite si cela fonctionne, aussi bien techniquement que commercialement.

De lui, j’ai également hérité tout un imaginaire, un lexique, un répertoire de formes. C’est à la fois une contrainte et un perpétuel challenge. Je dois effectuer un travail infini de réinvention, de réinterprétation : trouver comment adapter sans les dénaturer ses dessins et ses projets. Prenez ce qu’en Italie nous appelons trumò et qui correspond chez vous à la crédence ou au buffet. C’est le symbole même d’une forme de convivialité, d’un rite de socialisation familiale, d’un mode de vie où l’on se réunissait encore pour le déjeuner et le dîner, qui a aujourd’hui pratiquement disparu. C’était l’une des pièces phares de la collaboration entre mon père et Gio Ponti dans les années 1950. Et l’un de mes premiers gestes aura été de lui donner une nouvelle destination, un nouvel usage : par exemple dans un prototype de 1999 où, en modifiant très légèrement les proportions, il pouvait contenir une télévision et l’un des premiers ordinateurs (mais songez à la différence entre les téléviseurs d’alors et les écrans plats actuels, entre les premiers Mac et les portables d’à présent… : il faudrait encore réadapter ce prototype).

Je l’ai aussi transformé en meuble de milieu, qui s’ouvrait des deux côtés, avec un éclairage intérieur, et qui pouvait servir pour exposer des objets de collection : je me suis inspiré de la forme du gratte-ciel Pirelli de Gio Ponti, et le décor reprenait celui d’un ancien paravent, comme reflété sur la façade vitrée de l’immeuble noyé dans la brume milanaise. J’avais appelé ce prototype À Piero et Gio. Cela dit, nous continuons à produire le modèle historique, quitte à l’adapter aux besoins ou aux désirs des uns et des autres, et c’est là une autre forme de défi qu’il me plaît beaucoup de relever.

Les frontières du quotidien : huit minutes de « stop motion » onirique de Toni Meneguzzo

Toni Meneguzzo, photographe depuis quarante ans, poursuit un travail créatif caractérisé par la recherche et l’innovation. En développant des techniques photographiques uniques, il réalise des projets tels que les Polaroids de grands formats pour l’industrie de la mode, ou encore des vidéos en « stop motion » actuellement montrées dans l’exposition « Piero Fornasetti : la folie pratique ». Son travail, mondialement reconnu, s’inscrit dans les sphères du quotidien, de la mode et du design.

« Un chapelet mantrique de la patience dans la sélection des favoris » C’est ainsi que le photographe, Toni Meneguzzo, décrit son film dédié au monde de Piero Fornasetti. Réalisée pour les expositions de la Triennale de Milan et des Arts Décoratifs de Paris, cette œuvre rend hommage au centenaire de la naissance du designer italien.

Un travail intense et créatif a permis la production de ce court métrage de 8 minutes et 5 secondes, réalisé image par image à partir de photographies, en « stop-motion ». L’ensemble a nécessité 22 jours de tournage, dans l’univers de Piero Fornasetti (maison, atelier, boutique), ainsi que 12 400 clichés faits en studio. Dans chaque photographie, les déplacements des objets et de la lumière rythment la scène en donnant une impression de mouvement. En sélectionnant 4000 images pour composer 102 scènes, Meneguzzo illustre ainsi le monde alchimique de Piero Fornasetti.

Le catalogue de l’exposition
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