L’époque Art nouveau (1890-1910)

Tour à tour autoritaire, opportuniste, radicale, modérée ou anticléricale, la IIIe République est secouée par une série de crises : scandales politiques comme l’affaire des décorations ou l’affaire de Panamá, crise boulangiste, affaire Dreyfus en 1897, troubles liés à la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905. Les combats sociaux liés à la revendication de la journée de huit heures sont durement réprimés par Clemenceau, président du Conseil entre 1906 et 1909.

Commencé sous Charles X, l’empire colonial français s’est agrandi sous Napoléon III et la République de Jules Ferry. En 1914, l’influence française s’étend à l’Afrique du Nord, l’Afrique occidentale, l’Afrique équatoriale, l’Indochine, Madagascar, les Antilles, l’Océanie et les comptoirs de l’Inde. À Paris, les Expositions universelles de 1889 et 1900 s’affirment comme la vitrine d’une civilisation industrielle triomphante. Paris inaugure son chemin de fer métropolitain.

La révolution de l’électricité et de l’automobile bouleverse les modes de vie. L’architecture commence à employer le béton armé. En 1894, l’ingénieur Hennebique construit en Suisse le premier pont réalisé dans ce matériau. Au musée d’Ethnographie du Trocadéro, les artistes d’avant-garde découvrent « l’art nègre ».

En 1907, Picasso et Braque peignent les premiers tableaux cubistes. En 1910, Kandinsky peint sa première aquarelle abstraite. Dans un paysage symphonique transformé sous l’influence de Wagner, Paris dispute à Vienne le titre de capitale musicale de l’Europe. Pelléas et Mélisande de Claude Debussy y est créé en 1902. Monté par Diaghilev et ses Ballets russes, Le Sacre du printemps d’Igor Stravinski provoque en 1913 un scandale retentissant.

L’époque Art déco (1910-1930)

En 1918, à la fin de la Grande Guerre, la France est décimée : 1.400.000 morts, 750.000 invalides. États-Unis et Grande-Bretagne se montrent réticents à exiger l’application stricte du traité de Versailles affaiblissant l’Allemagne.

À la faveur de la reconstruction et de l’élan de croissance amorcé au début du siècle, les années 1920 connaissent un essor économique évident. Dopée par la publicité et le crédit, la consommation progresse. L’Occident, et tout particulièrement les États-Unis, première économie mondiale, croient en une prospérité sans fin. L’Exposition coloniale de 1931 témoigne de l’apogée de l’« empire français ».

Le krach de Wall Street le 24 octobre 1929 entraîne une crise mondiale du capitalisme. Le commerce international s’effondre. En Allemagne, le système bancaire est anéanti. Les états totalitaires s’engagent dans une politique d’expansion territoriale.

En 1920 apparaissent les premières émissions régulières de TSF. Hitler sera le premier à utiliser la radio comme moyen de propagande politique. L’époque témoigne des progrès considérables de l’aviation : en 1920, les 10.000 mètres d’altitude sont dépassés ; en 1922 a lieu le premier vol de nuit. À Weimar, en 1919, Walter Gropius fonde l’école du Bauhaus, abolissant les frontières entre architecture, arts décoratifs et beaux-arts. Mies van der Rohe conçoit les premiers gratte-ciel européens en 1919.

Avec le Plan Voisin de Paris (1925), Le Corbusier développe sa conception d’une métropole moderne, faite d’alignements de hautes tours cruciformes. Alors que la mode s’empare des découvertes de Freud sur l’inconscient, André Breton publie en 1924 le Manifeste du surréalisme. Galaxie d’écrivains et de peintres, le mouvement affirme la nature poétique de l’homme et la puissance de l’inconscient.

Gallé, magicien du verre

Émile Gallé (1846-1904) reçut sa formation initiale en Lorraine au sein de l’entreprise familiale de commerce de d’édition de céramiques et de verreries.

Parallèlement à ses activités de faïencier et de créateur de meubles, il mena avec la verrerie de Meisenthal, puis dans la manufacture qu’il créa à Nancy en 1894, d’innombrables expériences pour accroître les possibilités artistiques du verre. D’abord, il élargit la gamme de couleurs des émaux peints et du verre dans la masse, se faisant fort d’obtenir les nuances les plus fugitives.

À partir de 1884, il travailla sur la coloration par adjonction en cours de soufflage de poudres, copeaux et autres « salissures ». Ses verres doublés et triplés superposaient des couches de couleurs différentes ensuite gravées à la roue ou à l’acide. Il introduisit des feuilles d’or ou de platine entre deux couches, apprivoisa des effets fortuits tels que bulles et irisations.

En 1898, il brevetait sa technique de « marqueterie de verre », insertion à chaud de fragments d’épaisseur et de formes variables. Ces innombrables innovations visaient à donner au verre « les visages aimables ou tragiques » dont l’artiste avait rêvé.

Mère Nature

Pour l’Art nouveau, l’étude des formes naturelles est d’abord la quête d’une vitalité nouvelle. L’objet, le meuble, la maison sont conçus comme des organismes en pleine croissance, et non plus comme des structures sur lesquelles vient se plaquer un décor.

L’œuvre des plus grands créateurs, les Guimard, les Gallé, les Majorelle, est parcourue par ce flux vital. Certains, tel Gallé, sont de véritables botanistes s’aidant des moyens d’investigation de la science moderne : microscope, macrophotographie. À l’observation directe des formes animales ou végétales s’ajoute la multiplication des recueils tels que Les Formes artistiques de la nature, d’Ernst Haeckel. Ceux-ci mettent à la disposition des artistes un répertoire aux beautés insoupçonnées : invertébrés, crustacés, méduses, système reproducteur des plantes...

Ainsi, la porte monumentale de l’Exposition 1900 conçue par l’architecte René Binet devait sa forme épineuse à un radiolaire, être microscopique des fonds marins.

L’architecture à l’Exposition de 1925

Aux yeux du visiteur qui en franchissait une des quatre portes monumentales, l’Exposition internationale des arts décoratifs apparaissait avant tout comme un fantastique répertoire architectural. Il s’agissait d’être « moderne », et ce credo conférait une certaine unité à l’ensemble. Tous les pavillons adoptaient donc les volumes cubistes et la géométrie à la mode.

Mais beaucoup, tels ceux des grands magasins ou celui de la Compagnie des Arts français, habillaient ces structures rigides d’une profusion ornementale. Plus dépouillé, l’Hôtel du collectionneur de Ruhlmann, élevé par Patout, imposait son classicisme épuré.

Outre les réalisations de Mallet-Stevens, le courant moderniste était brillamment représenté par le Pavillon de Lyon, élevé par Tony Garnier, et par le pavillon de l’Esprit nouveau, de Le Corbusier, Jeanneret et Ozenfant, entièrement réalisé avec des éléments standardisés. Il choqua par sa « pauvreté ».

Quant au groupe d’avant-garde De Stijl, il avait été exclu par la commission néerlandaise qui opta pour un pavillon plus traditionnel qualifié par Van Doesburg de « ferme noire, absurde, sombre comme une église ».

Haute Couture et Art déco

Trois grands noms de la couture marquèrent de leur griffe le style Art déco. Couturier de la « femme ornée » 1900, Jacques Doucet simplifia les lignes de ses robes vers 1910. Mais surtout, dès 1912, renonçant à son hôtel particulier XVIIIe, il décidait d’emménager dans un décor avant-gardiste. « Croyez-moi, nos contemporaines ne peuvent être jolies que dans un décor moderne », disait-il. S’entourant de quelques-uns des créateurs les plus prometteurs comme Legrain, Iribe ou Coard, il définissait ainsi son rôle : « Séduire aux joies du risque quelques jeunes gens bien doués. » Son audace alla jusqu’aux Demoiselles d’Avignon, de Picasso, qu’il acheta.

Marqué par l’esthétique des Ballets russes, Paul Poiret voyait la femme en sultane alanguie. Il supprima le corset mais entrava le bas des robes. En 1911, il fut le premier couturier à posséder sa maison de parfums, Rosine. La même année, marqué par l’influence des créateurs viennois du Wiener Werkstätte, il créait l’atelier Martine, renouvelant les arts du décor : papier peint, broderie, tapisserie, porcelaine, mobilier… Surnommées « les Martine », les jeunes femmes qu’il avait formées contribuèrent avec Dufy au décor des trois péniches que Poiret présentait à l’Exposition de 1925.

Cette année-là, Jeanne Lanvin figurait parmi les rares créateurs à avoir les honneurs du pavillon de l’Élégance. Incarnation de « l’excellence française », elle présidait alors, il est vrai, la « classe XX » de l’Exposition, consacrée au vêtement. Avec Armand-Albert Rateau, qui aménagea son hôtel particulier, elle créa Lanvin Decoration. Elle en fut l’unique cliente, à l’exception de l’actrice Jane Renouardt qui fit redécorer en « bleu Lanvin » le théâtre Daunou… Rateau, dont elle partageait le goût de la ligne antique et des matériaux rares, dessina pour elle le fameux flacon sphérique des Parfums Lanvin.

Un luxe exotique

Les formes austères, la construction rationnelle du mobilier Art déco, le rôle accordé aux jeux volumétriques, aux surfaces planes semblent avoir poussé en contrepartie certains grands créateurs vers les matériaux les plus riches.

De même que le mobilier Empire accordait un rôle de premier plan à l’acajou richement veiné, l’Art déco fit « chanter » les sombres stries du palissandre, du bois de violette, du palmier et de l’ébène de Macassar, les moirures du citronnier, le mouchetis de la loupe d’amboine. L’éclat profond du laque parlait des mystères de l’Extrême-Orient, l’épiderme fragile du parchemin, le grain du galuchat introduisirent un luxe barbare dans les intérieurs.

Un des pionniers dans l’utilisation des matériaux précieux, le tabletier Clément Mère, alla jusqu’à teinter l’ivoire ou le dorer, quand il ne le tatouait pas d’étranges abstractions. Ces richesses naturelles provenaient de l’empire colonial français, dont l’Exposition de 1931 fut l’ultime et somptueuse vitrine.

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