« Un jeu de récoltes anonymes, face aux inventaires reconnus des grandes élégantes. Ça a commencé par une tombola des déclassés. Une histoire de reliques. Que reste-t-il de nous autres ?

Ce qui nous quitte, ce que nous quittons, abandons d’armoires, de semainiers, de placards, linge et parures. Le tissu et l’os, le suaire et le tibia. Furta sacra : la capture d’objets sacrés. Epingler des ex-voto , les « sans-suite », pièces fanées, retirées des circuits. Comme une victoire ! On la loge, on l’habille, on la soigne, la sainte relique ! Immanquablement, côte à côte, les fausses et les vraies, se mêlent, s’exhibent. Ces poupées habillées en ligne sur l’autel, ces troncs perchés, les présentoirs, les niches affectueuses, les petits tabernacles accueillants pour un moment de triomphe, un sanctuaire joyeux, le culte de nos dépouilles aimées. Mélange et réconciliation, métissage des trophées dans un lieu imaginaire, loin du pratique, du rangement.

« Qu’est-ce qui mourra de moi, à n’en plus finir, quand je mourrai ? » Ce qui frappe à l’ouverture d’un placard à habits, c’est qu’il n’y a personne, plus de corps, plus de chair, plus de peau, chemises tellement vides, pantalons pliés, cardigans informes… Ce vaste reliquaire parce que nous avons perdu ses traits : l’absent, l’absente. De ce qu’on a retrouvé d’elle, de lui, on fait un inventaire spectaculaire, de ce qui est défait, l’ultime abandon de son attirail, de ses quelques compositions sociales. Pour une légende contemporaine et si fragile, l’intime brûlant en public.

Porteur inventé, dressing de fiction fait de recalés de l’élégance, objets désastreux de notre identité flottante pour dire l’escroquerie du trousseau avec lequel on se couche dans sa catacombe, on s’expose, on se pavane dans sa mort, accroché à une identité de soie ou de coton, à un mouvement de la mode, une humeur du siècle.

On se rappelle l’involucrum c’est-à-dire ce qui enveloppe le corps disparu, gaze et velours avec pierreries et dentelles et ors ! Et la poussière insistante, à Palerme. Ces habits, ils nous ont respirés, ils respirent nos doutes, nos ferveurs, l’ennui, les peines, la trahison et ses peurs, ils ont l’odeur attachée de nos colères. Et les tissus, le lin, le voile, la laine, disent si bien nos fibres de chair, nos os, nos tendons, nos muscles. On aurait envie de mettre les nerfs et les tendons, ou leurs représentations de cire ou de résine, la peau, les viscères brillants, côte à côte avec les étoffes, les doublures, autres traces de ce qui a été porté, textures du dedans. La robe jaune à présent est vide, vidée de nous autres ; plus de genoux, de bras et d’avant-bras, de nuque, de rotules, de côtes, de seins, d’épine dorsale, de clavicules, de mollets, de pubis, de hanches, d’oreilles, d’ongles, de cernes, de fossettes, mais des plis, des nœuds, des mailles, des points, des crevées, des festons, des ourlets, des ganses, des piqûres, des fentes, des surjets, des lisières, des fils.

Félicité ou infortune ? Une rédemption sensuelle et un peu de recueillement pour vanités et merveilles, célébration sans épouvante, le surnaturel dans le quotidien. Rechercher la beauté, celle des mis au rebut, partout, par terre et en haut des murs, collée, jaunie, détrempée, déchirée, répandue, meurtrie. Je la traque. En attente – toutes ses traces sont mes espoirs. Elle saurait nous sauver car tout part à l’oubli. Je rêve alors de chapelles ici et là, pleines de ces fragments, de ces reliques de laine et d’acrylique, de cultes profanes et attentifs… ».

Macha Makeïeff

Expositions

1992/93/94
« LE GRAND ORDINAIRE ET LE PETIT MENAGER »
Grande Halle de la Villette (7 avril au 14 juin 1992/1er décembre au 3 janvier 1993)
Carré d’Art - Nîmes (12 avril au 18 mai 1994)

1995
« VESTIAIRE ET DEFILE »
Fondation Cartier (29 avril au 11 juin 1995)

1997
« LA FUITE »
Festival des Jardins de Chaumont, juin 1997

1999
« CAGIBI DES CURIOSITES »
Le Printemps : Pantalon, affaire de liberté, octobre 1999
« DES NOËLS », RECUP

2000
« DECOR »
FIGARO DECORATION

Livres écrits par Macha Makeïeff

Deschamps-Deschiens
Librairie SEGUIER/ARCHIMBAUD, mai 1989

Le Grand Ordinaire et Le Petit Ménager, catalogue de l’exposition
DESCHAMPS ET DESCHAMPS, novembre 1992

Les Pieds dans l’Eau
ACTES SUD-PAPIERS, juillet 1995

Les Deschiens l’album
LE SEUIL/CANAL+ EDITIONS, septembre 1995

C’est Magnifique
ACTES SUD-PAPIERS, avril 1996

Au Chic Deschiens
LE SEUIL, février 1997

Les Précieuses Ridicules
ACTES SUD-PAPIERS, décembre 1997

Bréviaire pour une fin de siècle
EDITION DU CHENE, novembre 1998

Beaux-Restes ACTES SUD, en préparation

Inventaire d’un spectacle
Les pensionnaires
ACTES SUD, en préparation

Vidéos

1994
LES DESCHIENS 1
Réalisation Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff.

1995
LES DESCHIENS 2
Réalisation Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff.
Disque Laser et coffret : LES DESCHIENS 1 ET 2.

1998 LES DESCHIENS SPÉCIAL COUPE DU MONDE
Réalisation Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff.

1999
LES DESCHIENS INEDITS
QUI VA M’AIMER

Réalisation Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff. Films

1985
TAM-TAM
Réalisation : Jérôme Deschamps, Guy Girard, Macha Makeïeff.
Production : INA/FR3/AFAA.

1987
C’EST DIMANCHE
Réalisation : Jérôme Deschamps, Macha Makeïeff. Production : Filmarco, la SEPT.
Diffusion le 8 mai 1987, jour de l’inauguration de la Sept.

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