Emprunter pour inventer, Philippe Barde revisite Paul Bonifas

du 21 mars au 18 août 2013

Les Arts Décoratifs proposent, dans la galerie d’actualité du musée, une exposition des œuvres récentes du sculpteur-céramiste suisse Philippe Barde. Ce projet se concentre sur les trois dernières années du riche parcours créatif de celui-ci, consacrées a une revisitation très libre de l’œuvre moderniste d’un des grands potiers suisse des années 30, Paul Ami Bonifas.

LA PREMIERE EXPOSITION PERSONNELLE DE PHILIPPE BARDE DANS UNE INSTITUTION FRANÇAISE

Philippe Barde (né en 1955), vit et travaille à Genève. Il s’est formé à l’école des Arts décoratifs de cette ville. Depuis 1989, il est en charge du département céramique dans cette même école devenue en 2006 Haute école d’art et de design (HEAD). Il a initié la création du CERCCO, un centre de ressources et d’expérimentation aux compétences incontournables dans le domaine de la création céramique en Europe, dont il est aujourd’hui le directeur et l’animateur.

Dès le début des années 2000, l’œuvre de Philippe Barde a été reconnue au niveau international comme celle d’un sculpteur de premier plan, apprécié pour son expérimentation continuelle, sa capacité à repousser sans cesse les limites du médium céramique, et pour le choix qu’il a fait d’emprunter les stratégies conceptuelles de l’art contemporain.

À partir de 2009, en lien avec une exposition rétrospective qui lui a été proposée par le Musée Ariana à Genève, Philippe Barde commence à s’intéresser de plus près à l’œuvre du potier moderniste genevois, Paul Ami Bonifas. La possibilité de travailler dans et à partir des moules d’estampage originaux de Bonifas conservés dans ce musée a constitué le point de départ d’une réflexion sur la filiation dans le domaine artistique. L’occasion également de s’interroger sur la tradition – son respect et sa transgression – et d’aborder la question de la contemporanéité et de la personnalité d’une œuvre, lorsque celle-ci prend comme prétexte l’histoire. L’usage des moules de Bonifas a constitué pour Philippe Barde, un « prétexte » à la relecture poétique et dynamique de cette figure emblématique de la céramique moderne.

Philippe Barde tronque les moules initiaux, en recomposant ou en isolant certaines parties, ce qui lui permet de créer de nouvelles formes. Il reprend seulement une partie ou un quart de chaque moule, son choix se portant principalement sur le détail des anses, motif récurrent et emblématique de l’œuvre de Bonifas. Ses émaux craquelés et le noir à l’oxyde de fer si caractéristiques du potier des années 30 sont également réinterprétés par le céramiste. Mais Barde entraîne le « formalisme » strictement géométrique de Bonifas vers des formes hybrides très organiques, grâce à une texture émaillée « sur-craquelée » qui recouvre progressivement la surface de ses pièces telle une gangrène.

PAUL AMI BONIFAS (1893-1967), UNE FIGURE EMINENTE RAREMENT EXPOSEE EN FRANCE

Né à Genève, Bonifas fut actif à Paris de 1920 à 1922, où il s’est imprégné de l’atmosphère des arts décoratifs d’alors. Si ses céramiques sont marquées par le style Art Déco en vigueur, leur simplicité témoigne surtout des relations qu’il a entretenues avec des artistes d’avant-garde importants tels que l’architecte Le Corbusier et le peintre Amédée Ozenfant. Sa démarche fut en outre très influencée par la théorie du Purisme élaborée par ce dernier. Soucieux de mettre en valeur les procédés mécaniques de façonnage pour pouvoir éditer certaines de ses formes, il eût souvent recours au moulage par estampage et au calibrage de ses pièces. Ses émaux de prédilections sont le noir de fer et à l’oxyde de manganèse, pour un effet lustré. Il est également célèbre pour ses émaux blancs à couvertes craquelées. Sa période de production fut assez courte, de 1920 à 1940, dans son atelier de Ferney-Voltaire en France (tout près de la frontière suisse), mais suffisamment prolifique et novatrice pour l’imposer comme une figure importante du patrimoine céramique suisse et international. Arrêtant sa production au seuil de la guerre, il s’exila aux Etats-Unis, à Seattle, à partir de 1946 pour enseigner, jusqu’à son décès en 1967.

Une douzaine de pièces emblématiques de l’œuvre de Paul Ami Bonifas seront présentées dans l’exposition, principalement celles dont Philippe Barde a choisi de revisiter les moules. Trois œuvres importantes, conservées dans les collections du Musée des Arts Décoratifs, seront vues dans ce contexte. Les autres pièces, ainsi que les moules d’estampage, seront prêtés par le musée Ariana de Genève et par le galeriste et collectionneur genevois Lionel Latham.

Une soixantaine d’œuvres de Philippe Barde seront exposées dans une scénographie du coloriste et créateur de matières Pierre Bonnefille, mettant en valeur les « familles » créées à partir des développements formels très libres imaginés par Barde autour d’un détail particulier issu des moules originaux de Bonifas.

EMPRUNTER POUR INVENTER, UN FILM DOCUMENTAIRE REALISE PAR MARTIN VERDET

Un film documentaire conçu et scénarisé par le réalisateur Martin Verdet sera intégré de façon inédite à cette scénographie, diffusé au cœur de l’exposition sur deux écrans simultanés. Il permettra aux visiteurs d’avoir une meilleure compréhension des différentes étapes de réflexion de l’artiste, en assistant aux multiples opérations de moulages et surmoulages liées à son processus de travail. La forme originale que le réalisateur a donné à son film est celle d’une conversation-jeu très libre avec l’artiste, entouré des objets qui composent son univers physique et mental, ouvrant ainsi de nombreuses pistes d’interprétation sur l’œuvre et la personnalité de Philippe Barde.

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