Faire le mur. Quatre siècles de papiers peints

du 21 janvier au 12 juin 2016

Présenté dans les galeries d’études, cet événement révèle le fonds exceptionnel du département des papiers peints, en rendant publiques trois cents pièces emblématiques de la collection qui compte aujourd’hui plus de 400 000 œuvres en réserve.

L’exposition juxtapose et compare des productions issues d’origines et de périodes différentes afin d’illustrer un large éventail de styles et de savoir-faire en usage du XVIIIe siècle à nos jours. L’ensemble exposé met ainsi en lumière la place majeure du papier peint dans l’histoire du MAD, tout en insistant sur les points forts de cette collection qui est la plus importante conservée au monde.

Commissariat
• Véronique DE LA HOUGUE, conservatrice en chef au département des papiers peints

Scénographie
• Philippe RENA

Hashtag : #FaireLeMurMAD

Exposition réalisée avec le soutien de :
The Friends of the Musée des Arts Décoratifs

Partenaires médias

Présentation
Lendemain de fête, 1948
Société française des papiers peints SANITEX, dessinateurs : Léonore Fini et Jacques Hincelin, collection « Édition d’art », papier à pâte mécanique, impression au cylindre.
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Le titre de l’exposition, « Faire le mur », fait référence aux différents usages permis par le papier peint qui participe à la construction et à l’ornementation d’une paroi murale. À travers plusieurs thématiques développées dans six salles dédiées à l’événement, techniques et époques se mêlent sans ordre chronologique. Des papiers anciens côtoient des pièces contemporaines afin d’illustrer les méthodes de production, les typologies et les formes se répètent, qui changent ou évoluent au rythme de l’histoire de l’art. Le papier peint n’est pas juste une surface couvrante. Il crée des univers nouveaux, des sensations ou encore des ambiances nécessitant des procédés de fabrication complexes. Les motifs, les rendus chromatiques et lumineux, transforment notre perception de l’espace, jusqu’à même laisser apparaitre des architectures fictives et des effets de trompe-l’œil. Ces différents types de papiers sont, certes, les témoignages d’une richesse créative, mais ils sont avant tout des acteurs iconiques dans l’histoire des styles et des tendances, reflétant ainsi le goût et les mœurs d’une époque.

La première salle, au titre évocateur « Anoblir le mur », renvoie à une expression utilisée par les spécialistes qui définissent « l’anoblissement » comme étant un procédé d’embellissement des tissus. Dans le cadre de l’exposition, ce terme est cette fois-ci appliqué au papier peint, afin d’insister sur la capacité de ce dernier à enjoliver les parois murales. Ces attributs de l’ornementation sont illustrés par des pièces maîtresses, telles que les impressions en arabesque du XVIIIe siècle réalisées par la célèbre manufacture Réveillon ou encore par des créations contemporaines du Studio Job et Timorous Beasties. En respectant les normes esthétiques établies, le papier peint est non seulement un objet décoratif, mais il est plus généralement le reflet d’une culture et d’un art de vivre.

Sans titre, 1905
Henri Sauvage, dessinateur et éditeur, papier teinté, impression au pochoir
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

La deuxième salle, « Imaginer le mur », met l’accent sur les genres artistiques inventés et réinterprétés au fil des siècles, avec des papiers peints tels que ceux d’André Groult, Émile-Jacques Ruhlmann, André Mare, René Fumeron et Léonor Fini. Ces œuvres évoquent certains savoir-faire traditionnels, mais également des approches novatrices offrant un nouveau souffle à la décoration d’intérieur.

Tout en répondant aux goûts et aux critères de beauté d’une époque, le papier peint a également la capacité de solliciter l’imagination, voire même d’altérer notre impression spatiale d’un lieu. « Déguiser le mur », est une salle qui rend hommage au trompe-l’œil à travers des créations des XVIIIe et XIXe siècles, comme celles des manufactures Desfossé & Karth, mais aussi Dufour & Leroy. Dentelles et draperies peintes donnent ainsi l’illusion d’un jeu de textures et de volumes qui transforment la planéité du mur. Dans cette même veine, « Raconter le mur » réunit des papiers peints qui renvoient à différents courants stylistiques de l’histoire de l’art. L’étrusque, le néo-classique, le néo-gothique ou encore l’orientalisme, sont des références essentielles pour des manufactures de renoms telles que Délicourt ou Desfossé & Karth, Lapeyre, Sanderson ou encore Zuber. Appliqués sur la paroi, ces ornementations et structures architecturales peintes créent des effets d’optique en ouvrant le mur vers des horizons pourtant factices. Ces recherches autour du dessin et du motif, vont également de pair avec des expérimentations dédiées aux matières et textures.

Porte trompe-l’œil MMM – Ligne 13, 2010
Éditeur : Maison Martin Margiela, intissé, impression numérique
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Les deux dernières salles venant clôturer l’exposition ‒ « Inspirer le mur » et « Jouer le mur » ‒ réunissent des productions où le papier laisse place à d’autres matériaux. Le carton, le cuir, ou encore des substances métallisées, libèrent le mur des formes et des méthodes classiques. De nombreux créateurs participent au renouvellement des motifs, comme c’est le cas des éditeurs de Piero Fornasetti, Jean-Charles de Castelbajac et Christian Lacroix. Le papier peint n’est plus juste un ornement, il est une installation murale, jusqu’à même être une œuvre d’art à part entière.

« Introduction », par Véronique de la Hougue
« Les éventails », Manufacture Sanderson Chiswick Angleterre, années 1930
Papier continu à pâte mécanique, fond rouge brossé, impression à la planche de bois
© MAD / photo : Jean Tholance

Ce projet nous a conduits à nous interroger sur la nature même du papier peint. La réponse peut se résumer ainsi : c’est la combinaison d’une matière (le papier ou l’intissé pour l’époque la plus contemporaine), d’un dessin et de couleurs. Il sert à parer les habitations, où il se fait décor ou support selon les périodes. Élément quasi incontournable de la décoration intérieure, il fait partie de l’architecture de la demeure. Il accompagne meubles et objets d’art qu’il met en valeur. Reflet d’un art de vivre, il réfléchit les goûts et les tendances d’un moment donné.

« Chinois », Société anonyme des Anciens établissements Desfossé & Karth, Issy-les-Moulineaux, 1904
Papier continu à pâte mécanique, fond noir brossé à la main, impression à la planche de bois, verni
© MAD / photo : Jean Tholance

Le papier peint participe à l’élaboration d’un chez-soi, havre de paix ou manifeste social, selon les cas, qui ne se livre qu’à celui qui est invité à pénétrer dans la demeure. Il est affirmation d’une identité appartenant au monde de l’intime, contrairement à la mode qui envahit la rue. Dans les pays occidentaux, il est apparu simultanément aux premières gravures qui, elles aussi, ont quelquefois embelli les murs, et auxquelles il a emprunté techniques d’impression et vocabulaire iconographique. Décor partiel dans les premiers temps, le papier peint est devenu parure totale, ce qui a généré une évolution des techniques et a conduit au papier peint stricto sensu qui contrairement à ce que pourrait laisser supposer son appellation est imprimé et non pas peint, dans la majorité des cas tout au moins.

Forts de ces hypothèses, la démarche adoptée fut de regarder le plus grand nombre de papiers peints conservés au Musée des Arts Décoratifs, de les confronter, de les opposer parfois, de choisir enfin ceux qui paraissaient à la fois les plus représentatifs des collections du département et les plus adaptés pour illustrer la cause des papiers peints. De là est né le titre de l’exposition « Faire le mur ». Car le papier peint construit le mur, le décore, permet de s’évader de la pièce qu’il habille.

« Anoblir le mur », par Jean-Louis Gaillemin

« Anoblir le mur » : jolie expression de l’industrie textile, utilisée ici pour évoquer le pouvoir magique du papier peint. Car de quoi s’agit-il sinon de nous faire oublier les quatre murs de la cellule, morne carré où nous dormons, mangeons, pensons et rêvons. Déjà Edgar Poe, dans sa philosophie de l’ameublement, imaginait une chambre « modeste » où tout était fait pour gommer l’espace, oublier la pesanteur, rendre les murs à la fois transparents et légers sans les abolir pour autant par un enduit uniforme et permettre au rêveur, peut-être sous l’effet du laudanum, de s’évader.
(…)

« Tabora », dessinateur : Paule Leleu, Manufacture Follot, Paris, vers 1972
Papier continu à pâte mécanique, impression au cylindre
© MAD / photo : Jean Tholance

Le papier peint au motif répétitif est l’instrument du rêve, de l’évasion, parfois de l’hallucination. C’est l’infini apprivoisé, qui vient animer et transcender les limites. Échappant aux limites, le bon motif est difficile à cerner ou à cadrer, même s’il est cantonné au plus élémentaire vocabulaire.
(…)
Les dominos se cantonnent à la répétition de motifs élémentaires, fleurettes schématiques, fruits réduits à un simple cercle orné d’une virgule, taches ordonnées par un réseau de tiges végétales. Réduction minimaliste qui aboutit à des jeux naïfs de formes géométriques pures : rayures, cercles, carrés qui plaisent au regard moderne et évoquent l’Op Art. Aussi était-il tentant de les confronter avec des créations des années 1920 qui reprennent cette géométrie élémentaire et nous rappellent que « l’Art déco », comme on l’appelle depuis les années 1960, n’est pas né dans un environnement beige ou grège, comme voulaient nous le faire croire les antiquaires et les décorateurs dans les années 1970, mais aimait les jeux de formes et de couleurs. En témoignent ici Francis Jourdain ou Éric Bagge et Adrien Garcelon pour Desfossé & Karth en 1929. Une composition géométrique de Paule Leleu pour les fêtes de Persépolis en 1971 montre également la persistance de ce goût géométrique dans le cadre de l’Op et du Pop Art.

« Imaginer le mur », par Jérémie Cerman
Papier peint, lé, dessinateur : Jean Lurçat, Paris, 1925/1930
Société française des papiers peints Balagny-sur-Thérain. Papier continu à pâte mécanique, fond gris brossé mécaniquement, impression au cylindre, gaufrage
© MAD / photo : Jean Tholance

En 1919, se souvenant de ses débuts artistiques aux côtés des nabis, Jan Verkade (1868-1946) écrivait par exemple dans son autobiographie, Le Tourment de Dieu : « Des murs, des murs à décorer. Le mur doit rester surface, ne doit pas être percé par la représentation d’horizons infinis. ». Si ces propos concernaient la question de la décoration murale de façon très générale, il n’en demeure pas moins que les développements des avant-gardes décoratives incitèrent les dessinateurs de papiers peints à préférer la stylisation et la suggestion à l’imitation.
(…)

Papier peint à motif répétitif à raccord sauté, Manufacture, Follot, Paris, vers 1960
Papier à pâte mécanique, fond jaune brossé mécaniquement, impression au cylindre
© MAD / photo : Jean Tholance

N’est-il d’ailleurs pas tout à fait significatif de constater que le papier peint fit partie des supports qui permirent à certaines personnalités, appelées à devenir des ensembliers majeurs de l’entre-deux-guerres, de se faire remarquer dès cette époque ? Ainsi en est-il d’André Groult (1884-1966) qui, dans les premières années de sa carrière, s’attelle à l’édition de papiers et de toiles imprimés, dont certains aux motifs qu’il dessine lui-même, comme le décor de treille et de grappes de raisin ornant la salle à manger qu’il montre au Salon d’automne de 1911.

« Déguiser le mur », par Philippe Renaud
Treillage, volubilis, Edouard Müller, Manufacture Desfossé et Karth, 1869
Papier continu à pâte mécanique, fond bleu brossé à la main, impression à la planche de bois
© MAD / photo : Jean Tholance

Faire de son appartement un théâtre du monde, repousser les limites du mur aux confins de l’exotisme tout en restant chez soi, telle est la promesse des papiers peints panoramiques imprimés par les manufactures françaises dès la fin du XVIIIe siècle. Le genre connaît un succès considérable dans la première moitié du XIXe siècle, avide de dépaysement et d’exotisme.
(…)

« L’Eden », papier peint panoramique, Joseph Fuchs, Manufacture Desfossé, 1861
Papier continu à pâte mécanique, fond bleu brossé à la main, impression polychrome à la planche de bois
© MAD / photo : Jean Tholance

Autre grande manufacture, celle de Jules Desfossé, créée en 1851 (devenue Desfossé & Karth en 1863), imprime en 1861 L’Éden, puis en 1863 Le Brésil sur un dessin de Louis Joseph Fuchs : de la luxuriante forêt brésilienne s’échappent sans permission oiseaux et papillons qui très vite font le mur à eux seuls et se posent sur le papier peint pour transformer les espaces en volières et cages de fantaisie. Aux plafonds s’envolent passereaux et colibris et les murs ne soutiennent plus les toits. Ces deux thèmes sont universels et s’inscrivent à toutes les époques. Les papillons inspirent : en 1789, Réveillon édite un papier peint répétitif à carreaux et papillons, bien plus tard Sacha de la maison Lacroix libère des nuées de papillons sur les murs baroques des appartements des années 2000.

« Illusion et trompe-l’œil », par Astrid Arnold
Papier peint à motif répétitif à bordures, France, 1810/1820
Papier rabouté, fond gris brossé à la main, impression à la planche de bois
© MAD / photo : Jean Tholance

À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, la manufacture Jacquemart & Bénard était déjà célèbre pour son rendu très réaliste des éléments architecturaux tels que les colonnes, les frises, les bas-reliefs et les entablements. Certains papiers peints de ce fabricant figurent des balustrades ou des colonnades, d’autres des murets en pierre couverts d’herbes folles. On notera que ces murets renvoient au premier style pompéien imitant les murs grecs, les originaux du IIIe-IIe siècle av. J.-C. étant toutefois beaucoup plus colorés que les papiers peints de Jacquemart & Bénard.
(…)
Outre les murs, les plafonds pouvaient eux aussi être ornés de papiers peints, ceux-ci figurant alors des caissons en trompe l’œil inspirés de l’architecture romaine.

Papier peint à motif répétitif à raccord sauté, Suzanne Fontan, Manufacture Paul Dumas, Paris, vers 1945
Papier continu à pâte mécanique, fond noir brossé mécaniquement, impression au cylindre
© Les arts Décoratifs / photo : Jean Tholance

Aujourd’hui encore, jouer avec l’illusion continue de susciter l’enthousiasme des artistes, comme l’illustrent divers papiers peints réalisés en impression numérique et très appréciés du public. Citons entre autres le papier montrant une porte dans le goût du style Louis XV produit en 2010 par la Maison Martin Margiela, ou encore le modèle Procurratie e Scimmie de la série Fornasetti II fabriquée par Cole & Son, dont les arcades rappelant le Colisée s’animent de petits singes croquignolets, marchant ou assis sur leur séant.

« De lignes en artifices : jeux de papier », par Marco Costantini
« Falaises », Alain Le Foll, Zuber & Cie Rixheim, France, 1974
Papier continu à pâte mécanique, fond irisé brossé à la main, impression au cadre
© MAD / photo : Jean Tholance

(…) vers 1950, la manufacture Cole & Son a introduit dans son catalogue un papier peint reprenant un motif minéral créé par Piero Fornasetti. Malachite présente les ondulations graphiques distinctes de cette pierre verte fréquemment utilisée à des fins ornementales, comme on en trouve dans la salle de Malachite du Palais d’hiver de Saint-Pétersbourg ou le salon des Malachites au château du Grand Trianon à Versailles. Les motifs largement agrandis et quasi psychédéliques du papier de Cole & Son transforment en lieu d’apparat tout espace qui l’accueillerait.

« Plume », Nobilis, Paris
Intissé, fond imprimé au cadre rotatif, impression au cadre rotatif
© MAD / photo : Jean Tholance

L’usage de simples lignes ou de formes en noir et blanc est très répandu dans les papiers peints qui veulent jouer justement sur cette idée de répétition obsessionnelle ou de provocation hallucinatoire. Ainsi, lorsque Simon Pillard dessine pour Jean-Charles de Castelbajac le papier Zèbres imprimé par Lutèce en 2009, nulle représentation ici d’un paisible troupeau dans la savane. Non, Castelbajac a, à l’instar de Maurits Cornelis Escher et ses formidables dessins mathématiques, imbriqué des zèbres en les réduisant à des lignes serpentines, où le jeu optique se joue de l’exotisme des quadrupèdes.

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