Extrait du livre « Hussein Chalayan », éd. Beaux Livre Rizzoli NY

(…) Les déclarations de Hussein Chalayan proviennent d’entretiens avec Pamela Golbin, du catalogue de l’exposition du musée d’Art moderne d’Istanbul de 2010 et de dossiers de presse du styliste.

THE TANGENT FLOWS, Juillet 1993

Collection de fin d’études à Central Saint Martins. (…) Chalayan a basé sa collection de thèse sur la dualité de l’esprit et de la matière, à partir de recherches sur les travaux d’Isaac Newton et de René Descartes, ainsi que de Carl Jung. (…) « C’était sur la vie d’une scientifique essayant d’intégrer la philosophie orientale dans la vision cartésienne du monde, et des révoltes qu’elle rencontrait dans son voyage. Dans l’histoire, il y a des danseuses vêtues de vêtements aimantés interactifs, qui reçoivent de la limaille de fer qu’on leur lance en signe de protestation, puis elles se font kidnapper, tuer et enterrer avec leurs vêtements intacts. J’ai reproduit cette action et enterré les vêtements de cette performance de danse imaginaire (…). » Bien que le système narratif que Chalayan met en place lui permette d’exposer ses idées, il est conscient, en tant que styliste, que le résultat est dans les vêtements. Il déclarait alors : « Je pense que les processus sont là pour le styliste. Le résultat est le plus important pour les gens, et ils ne doivent pas connaître le processus. »

BETWEEN, Printemps-été 1998

(…) La collection explorait plus avant la notion de culte et déconstruisait la manière dont nous définissons notre territoire à travers des systèmes de croyance. (…) Chalayan a exploré et interrogé la notion d’identité qui peut facilement être effacée par l’occultation du visage. Des mannequins vêtus de rouge portaient des capsules en forme d’œuf qui recouvraient entièrement leur visage, offrant une certaine protection des regards des autres mais retirant tout sens de leur individualité et éliminant leur personnalité. D’autres portaient un casque conçu dans des miroirs qui permettaient aux spectateurs de voir et d’être vus dans son reflet. Le défilé se terminait avec six mannequins vêtus de tchadors noirs de différentes longueurs. La première sortait complètement nue, portant seulement un voile qui lui cachait le visage. Les suivantes portaient des tchadors qui dissimulaient progressivement leur corps nu. Controversé mais pas conflictuel, Chalayan était intéressé par le fait de montrer comment « dans le code religieux on est dépersonnifié ».

PANORAMIC, Automne-hiver 1998

Chalayan a exploré le langage et ses limites. (…). En partie costumes ethniques, en partie uniformes, il a créé des vêtements hybrides qui camouflaient l’individu pour le fondre dans son environnement, aboutissant volontairement à un anonymat désastreux. Les miroirs étaient des éléments importants dans le défilé, fournissant plusieurs vues ou échos de réalité différents et simultanés, explorant à la fois le territoire physique de l’individu et du spectateur ainsi que leurs rôles respectifs. Chalayan concluait le défilé avec des mannequins tenant de grands cubes colorés qui étaient de la même couleur que les images de paysages pixellisés projetées dans le défilé et qui (…) symbolisaient des éléments de base pour construire la réalité quotidienne.

GEOTROPICS, Printemps-été 1999

Intégrant la notion de nature et de ses forces, la collection (…) réfléchissait sur le rôle de particularités topographiques naturelles, comme les montagnes et les rivières, aussi bien que des actions humaines, comme les guerres, dans la formation de la définition d’une nation. Chalayan utilisait le corps pour créer une micro-géographie. Dans un film d’animation par ordinateur, il rassemblait des costumes nationaux de différents endroits et de différentes périodes le long de la route de la Soie, vieille de deux mille ans, de la Chine jusqu’à l’Ouest. (…) Deux robes monumentales étaient présentées lors du finale. Dans l’une, la tête et les accoudoirs constituaient un fauteuil qui était intégré dans l’habillement du mannequin, faisant de la silhouette et de celle qui la portait une entité unique.

BEFORE MINUS NOW, Printemps-été 2000

(…) Il explorait les pouvoirs de l’expansion, du magnétisme et de l’érosion, et comment ils pouvaient être appliqués aux vêtements de manière à créer une forme. Afin d’exprimer l’expansion, Chalayan utilisait la chaleur pour modifier la forme d’une robe rouge évasée. Revenant à la silhouette New Look des années 1950, la robe féminine était gonflée sur scène, où elle se déployait et s’amplifiait en volume. Ensuite, la robe-avion en fibre de verre, télécommandée, de Chalayan se transformait par la pression d’un bouton. Le corps était ainsi métamorphosé par une force artificielle qui combinait les éléments de magnétisme et les avancées technologiques. Pour incarner l’action de l’érosion, Chalayan a rasé une balle de tulle rose informe en lui donnant les contours d’une robe. De la même manière que la formation des montagnes se fait par l’érosion naturelle, Chalayan a bâti ses propres monuments par le découpage progressif du tissu. Dans le finale, cinq mannequins étaient présentées, vêtues de corsets déconstruits de couleurs vives avec des jupes plissées assorties. (…)

AFTERWORDS, Automne-hiver 2000

(…) Afterwords fait allusion à la manière dont les Turcs chypriotes ont subi un nettoyage ethnique à Chypre antérieurement à la division de l’île en 1974. (…) Chalayan explorait les réactions des gens qui sont confrontés à la guerre et leur besoin de dissimuler leurs biens ou de les transporter avec eux dans leur exode. Chalayan a mis en scène sa collection dans un espace blanc minimaliste aménagé comme une salle de séjour, avec quatre fauteuils, une table, une télévision et une étagère pleine d’objets. D’abord, une famille ordinaire entrait sur scène : la mère, le père, la grand-mère et les enfants. Puis, par une porte cachée, des mannequins apparaissaient dans des vêtements apparemment simples et commençaient à saisir, un par un, les objets dans la pièce, les remisant dans des poches de leurs vêtements spécialement conçues à cet effet. Enfin, des mannequins vêtus de robes grises toutes simples entraient, ôtaient les housses des fauteuils et s’en habillaient. Un dernier mannequin mettait les pieds à l’intérieur d’une table de bois, qu’elle soulevait autour de ses jambes et de sa taille, la transformant en une jupe volumineuse. Les fauteuils étaient pliés de sorte à devenir des valises, puis les mannequins quittaient la scène.

MEDEA, Printemps-été 2002

S’inspirant du Dictionnaire des superstitions, Chalayan utilise la sorcière Médée et ses pouvoirs magiques comme personnage central de sa collection. « Le stylisme est un vœu ou une malédiction qui projette les vêtements et celle qui les porte dans le passé à travers des périodes historiques, comme une chute brutale dans des fouilles archéologiques », expliquait Chalayan. Les vêtements (…) étaient faits de différentes couches de soie et de coton, déconstruits, parfois mis en loques, (…) pour représenter les vœux et/ou les malédictions. (…). « Le vêtement est un fantôme de toutes les vies multiples qu’il peut avoir eues, poursuivait Chalayan. Rien n’est brillant et nouveau ; tout a une histoire… Ainsi, une robe des années 1960 est découpée pour révéler son passé de robe médiévale ; ou, à l’inverse, un corset victorien est découpé pour révéler une veste moderne en jersey ; une robe des années 1930 est découpée pour dévoiler son passé de robe Edouardienne. » (…)

AMBIMORPHOUS, Automne-hiver 2002

« Le but de ce projet est d’explorer le territoire sombre entre le réalisme et le surréalisme, la puissance et l’impuissance. J’essaie d’examiner les rapports entre Alice au pays des merveilles en tant que représentation d’une entité surréaliste et la guerre en tant que force de vie réelle. » Pour illustrer le thème (…), les mannequins de Chalayan sortaient à travers des piliers d’échelles différentes, pour les faire paraître surdimensionnées à une extrémité du podium et minuscules à l’autre. Il commençait son défilé en envoyant un mannequin asiatique vêtue d’un costume traditionnel richement brodé de l’est de la Turquie. Les autres mannequins suivaient, vêtues de créations « ethniques » de telle façon que les jupes et les tailleurs-pantalons « occidentaux » de couleur noire supplantaient de plus en plus complètement le costume originel. Ensuite, la métamorphose s’inversait. De nouveau, les détails ethniques étaient lentement intégrés aux silhouettes noires, et la dernière tenue était le costume qui avait entamé le défilé.

MANIFEST DESTINY, Printemps-été 2003

Manifest Destiny renvoie à la doctrine utilisée au milieu du XIXe siècle pour légitimer la soif d’expansion américaine. (…) « Je m’intéresse aux implications psychologiques et physiques de l’expansion impériale, la façon avec laquelle cette force essaie de civiliser notre état animal… Dans Manifest Destiny, je voulais considérer le corps dans son état anatomique et la façon dont les vêtements qui le couvrent (…) pouvaient se réapproprier l’anatomie, parfois jusqu’au point de le rendre méconnaissable (…) » (…) Chalayan explorait la signification des vêtements qui ont servi à couvrir, lacer ou déformer le corps, et comment ces standards peuvent imposer les idéologies occidentales. (…). Il présentait une collection de vêtements construits et déconstruits, avec des découpes complexes, et de mini robes suggestives aux imprimés abstraits. Les robes du finale offraient des « trous décoratifs » révélant le ventre des mannequins, comme si leurs organes avaient été arrachés, ne laissant que des lambeaux de peau. (…)

TEMPORAL MEDITATIONS, Printemps-été 2004

(…) Utilisant l’anthropologie génétique comme clé pour déterminer les mouvements ethniques dans l’espace et le temps, Chalayan retrouvait des exemples de migration historique des Grecs et des Turcs chypriotes. L’image d’un avion à grande échelle servait de toile de fond à ce défilé (…). Des vêtements de travail décontractés, en toile beige, étaient montrés avec des robes, des shorts et des pantalons monochromes de coton blanc ou noir. Des robes froissées très féminines était coupées dans des tissus à motifs. Ce qui semblait être des imprimés hawaïens colorés était en fait des images de la côte chypriote dans les années 1950, une des périodes les plus troublées et violentes dans l’histoire de l’île. Des scènes de batailles historiques étaient représentées autour d’une piscine d’hôtel sur fond de palmiers, avec un avion prêt à décoller à proximité. Les tenues, disait Chalayan, « peuvent être vues comme un talisman archéologique, qui métamorphosait des éclats de passé et de présent, devenant finalement un fragment gelé de sa propre quête archéologique. »

BLINDSCAPE, Printemps-été 2005

(…) « Blindscape était à l’origine inspirée par la façon dont une personne voyante (…) peut tenter de voir le monde à partir du point de vue de personnes aveugles ». Pour le styliste, les états de sommeil et de rêve sont les seuls moments où les mondes du voyant et de l’aveugle se chevauchent. Chalayan s’est bandé les yeux pour dessiner la première partie de cette collection, créant les basiques d’une garde-robe sous une forme simplifiée. Inspirés par le sommeil, les chemisiers, les shorts et les robes d’été légères étaient en coton à fines rayures blanches et bleues. Symbolisant un cauchemar, des imprimés spectaculaires de monstres marins étaient utilisés comme motifs pour les groupements de la troisième partie et du finale. Tandis que la mer houleuse s’apaisait, des « robes-eau » bleues ornées de perles imitaient l’eau calme et sereine après un rêve orageux.

GENOMETRICS, Automne-hiver 2005

(…) « La collection s’est développée à partir de la question de savoir comment des individus vivant à Londres s’intégreraient dans une vie londonienne dépendant de la réaction de leurs séquences ADN au paysage sonore, à travers un programme développé spécialement, expliquait Chalayan. Chaque lettre de leur séquence ADN était tracée sur le vêtement et “sensibilisée” pour réagir à différents sons qui complétaient le paysage sonore. Les formes vues à l’intérieur de l’animation étaient figées à un sommet en action créant la base pour le stylisme. » Des éléments de tapisserie, des tissages de tapis rasé en cotons enduits et velours à côtes énormes étaient utilisés pour donner vie aux formes sculpturales impressionnantes prises directement dans les expériences de test sonore. L’ADN est aussi le thème du film Absent Presence, que Chalayan a réalisé en 2005.

HELIOTROPICS, Printemps-été 2006

Chalayan a exploré dans son travail différents archétypes de femmes. (…) En dissimulant ou en révélant des parties du corps, il créait des silhouettes sculpturales qui accentuaient la féminité. Terme de biologie, héliotropisme se réfère à la façon dont s’orientent les plantes et les fleurs, en réaction aux rayons du soleil. Chalayan établissait la relation entre les êtres humains et la nature en explorant un mélange de genres esthétiques comme l’Art nouveau et le rococo, qui présentent une stylisation ornementale de la nature. Les robes ivoire ou noires et les imprimés multicolores reproduisent la forme féminine comme de magnifiques fleurs. Faisant penser à des tiges de fleurs, un passepoil trace les contours et structure les vêtements, de plus en plus imposants dans les robes du finale, pour constituer des éléments en forme de corde délimitant des frontières jusqu’aux cordons de velours VIP utilisés pour séparer les gens.

REPOSE, Automne-hiver 2006

Chalayan continuait d’explorer les idées de voyage et de mouvement. (…) Il présentait des appuie-tête et une robe-avion comme métaphore de la vitesse, et y mélangeait une référence domestique. Des éléments de mobilier de maison étaient incorporés dans des silhouettes pour combiner voyage et cadre domestique. Des soies dévorées imprimées de veine de bois, des lignes de cou exagérées – rappelant des fauteuils club –, des motifs de housse de fauteuil et des tissus d’ameublement victoriens faisaient allusion au confort du foyer. Le corps pouvait être en mouvement, mais l’attirail d’une vie sédentaire confortable était enraciné dans ces créations. Après les rêves orageux présentés dans Blindscape, Repose offrait une pause réparatrice.

AIRBORNE, Automne-hiver 2007

Présentée en quatre parties : Printemps, Été, Automne et Hiver, Airborne montrait combien les cycles de climat ont des parallèles avec les cycles de vie et de mort du corps. Chalayan s’est constamment intéressé au climat en tant que puissance externe qui contrôle nos vies (…) Grâce à la magie de 15 600 ampoules LED, combinées à des affichages de cristal, la première robe sur le podium décrivait une forme de vie sous-marine représentant l’été. Il y avait également un équipement high-tech dans des chapeaux conçus pour émettre un rougeoiement dans l’obscurité de l’hiver. Des structures protectrices inspirées par les armures des samouraïs japonais aux robes à rayures blanches et bleues assorties à des leggings de caoutchouc brillant, Chalayan explorait, d’une manière poétique, tout à la fois la résistance à la nature et l’harmonie avec celle-ci.

READINGS, Printemps-été 2008

(…) Readings se concentre sur le cycle d’énergie entre l’objet de dévotion et son public : comment les icônes sont fabriquées, la rapidité avec laquelle elles sont aujourd’hui acceptées dans le monde moderne et comment elles survivent. » Des centaines de formes issues de cultures diverses étaient métamorphosées et réduites à deux silhouettes composites : « Grec » et « Jarad » (Juif/Arabe). Ces composites fournissaient les histoires-clés de la collection, accompagnées de deux sous-thèmes : Print, obtenu par la superposition de tissus imprimés, et Pois, par référence aux mousselines de soie à pois dont ses vêtements étaient faits. Le finale présentait, « les origines de la collection dans le culte du soleil, reproduisant l’énergie reçue et émise par une icône au moyen de lasers ». Ornés de cristaux Swarovski, les vêtements étaient équipés de deux cents lasers mobiles qui émettaient des rayons rouges à haute intensité, créant une performance spectaculaire de lumières. (…)

INERTIA, Printemps-été 2009

Le concept de vitesse était au cœur de cette collection. Chalayan notait : « La vitesse est devenue l’essence de toutes les facettes de la manière dont nous vivons nos vies aujourd’hui, où les opérations quotidiennes sont accélérées pour atteindre les délais les plus rapides possibles… Le crash représente le résultat de ce mode de vie au pas de charge et de l’urgence croissante. La référence au corset représente la thérapie. Les parties (du corps) tiennent ensemble grâce à des corsets chirurgicaux. » Conçue en trois séquences, Inertia utilisait des images de « cavités du corps » et de « tombeaux de voitures » imprimées sur du jersey avec des bordures de mousse gris métallique et rouge Porsche. Les formes organiques dans la construction des silhouettes symbolisaient le monde naturel, qui était frappé par les violentes images des paravents brisés, des broderies et des bordures caoutchouc. « À la fin, ajoutait Chalayan, le corps devenait l’“événement” d’un crash où les vêtements attrapés au milieu de la vitesse incarnaient simultanément la cause et l’effet d’un crash. » Avec le fracassement en direct de dizaines de vitres alignées dans un cartouche, le finale rassemblait cinq mannequins figées sur un podium tournant et vêtues de spectaculaires minirobes moulantes en latex, avec des images d’automobiles accidentées peintes à la main.

EARTHBOUND, Automne-hiver 2009

(…) Chalayan utilisait l’architecture, les méthodes et les matériaux de construction pour traduire le paysage urbain de Londres en vêtements. Il écrivait : « Des fondations concrètes sont évoquées dans du tissu molletonné gris réalisé spécialement, tandis qu’un tissu sculptural en fin tissage noir, blanc et gris est travaillé dans une mini robe drapée organiquement qui suggère le béton dans son état liquide. (…)… À la fin, des imprimés d’échafaudage et de pierre turquoise et corail lumineux se décalent dans une série de bustes et de fesses en cuir moulant et vivement coloré, créés spécialement, fixés à des robes de cuir à imprimé de béton. Ces éléments sont incorporés pour créer l’impression d’architecture, brouillant le fossé entre réalité et imaginaire.

DOLCE FAR NIENTE, Printemps-été 2010

Avec l’air d’un chef de bande des années 1950, Chalayan est apparu sur la scène en maître de cérémonie pour présenter sa collection Dolce Far Niente. Portant une perruque, lissée en arrière, une fine moustache et exhibant un costume sombre Yves Saint Laurent, Chalayan décrivait en français chacun des sept groupes de styles qui composaient la collection : « Silhouettes années 1950 et références mongoles », « Robes du soir sobres et détails masculins », « Les imprimés », « Les années 1950 vues à travers les années 1990 », « Vers la plage… », « Dolce Far Niente à Deauville » et « L’échelle de Jacob ». Progressant à travers cinq décennies de style, Chalayan donnait un tranchant moderne aux classiques du glamour. (…)

MIRAGE, Automne-hiver 2010

(…) La collection s’est développée à partir du concept d’un voyage sur la route en Amérique, en se demandant comment un voyage peut façonner la garde-robe d’une femme. Il notait : « Je suis intéressé par l’identification des détails qui attachent un vêtement à un lieu et au dialogue entre identité et lieu, qui sont les thèmes actuels de mon travail. (…). » À travers une batterie d’États et de reliefs, (…) le voyage commence à New York, puis s’oriente vers la communauté Amish de Pennsylvanie, pour s’en inspirer. Le glamour des concours de beauté texans était présent dans des éléments tels que de larges ceintures à nœud tordues et coincées entre des couches de dentelle et de mousseline de soie, drapées comme si elles avaient rencontré un ouragan, fréquent dans cette zone. Il était fait allusion à la proximité de la frontière mexicaine par l’utilisation de laines rouges, lilas et jaunes aux tons vifs qui avaient été tricotées pour former des fronces, ou travaillées au crochet. Une combinaison de chapeau et de cape en cuir évoquait l’exploration des grandes étendues de l’Utah. Arrivant à Hollywood, Chalayan suggérait « l’élégance des starlettes de cinéma avec des robes longues de crêpe noir fendues jusqu’aux cuisses et envahies d’ajouts plissés qui deviennent une interprétation conceptuelle de la robe de tapis rouge ».

SAKOKU, Printemps-été 2011

(…) Chalayan, au lieu de présenter un défilé de mode, a réalisé un film. Intitulé Sakoku ou « pays fermé », du nom de la politique d’isolement du Japon qui, jusqu’au milieu du XIXe siècle, interdisait à presque tous les étrangers d’entrer dans le pays et à tout Japonais d’en sortir, sous peine de mort. Chalayan explorait comment l’ombre, l’eau, l’architecture, la technologie, le théâtre, le costume, la poésie et l’isolement ont affecté la culture japonaise. Il expliquait : « Le Japon est saturé d’expériences désincarnées dans un espace décentré où l’événement naît de la chorégraphie de la cérémonie et de la simulation de la pensée. » En six thèmes, Chalayan présentait un portrait abstrait du Japon : « Décentré », « Enveloppement en transition », « Lecture d’ombre », « Imminence de l’eau », « Haïku » et « Corps flottant ». (…) Des tissus à mailles rappelaient les portes coulissantes qui divisent les espaces intérieurs japonais. Vert jade, rose fuchsia, olive ocré, moutarde et beige clair sont appliqués par blocs selon la tradition des couleurs du kabuki.

KAIKOKU, Automne-hiver 2011

Si la collection de la saison dernière, Sakoku ou « pays fermé », renvoyait à la politique de fermeture du Japon aux étrangers, au milieu du XIXe siècle, Kaikoku, « pays ouvert » désigne la période d’ouverture du pays à la culture occidentale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. (…) Au lieu d’organiser un défilé, Chalayan réalise un film. La collection, qui se rapporte à l’hybridation des cultures, est axée sur sept thèmes : manches taillées en biais, découpe, ombre prémonitoire, cocoon, feutre taillé en biais, écharpes/tours de cou travaillés et structure intermédiaire. Des manteaux aux épaules rondes sur des vestes croisées sont représentatifs du style austère et décontracté de la collection. Des robes et des vestes sont assorties à des pantalons à la coupe franche, qui jouent sur le contraste entre des motifs orientaux et une structure occidentale. (…) Le clou de la collection, la Floating Dress est une robe tressée, en résine de polyester et fibre de verre, télécommandée, peinte en doré très métallique. Elle est somptueusement décorée de « pollens » en cristal, que la personne qui la porte peut à volonté libérer et qui flottent alors dans l’air, symbolisant la pollinisation des idées et la quête d’un nouveau commencement.

2 COMMENTAIRES
  • Pamela Goblin quelle femme ...!
    24 mai 2013 13:27, par Annabel

    J’ai lu un article sur Vogue.fr, qui fait une petite interview de Pamela Goblin, et elle nous donne son avis sur les 5 livres indispensables à lire, je me permets donc de les énumérer ici pour vous faciliter la tâche si vous avez envie de lire de bon livre :
    • « Diana Vreeland : Bazaar’s years », ed. Universe.

    • Andy Warhol : « Ma philosophie de A à B », ed. Flammarion.

    • Bernard Marcadé : « Marcel Duchamp », coll. Grandes Biographies, ed. Flammarion.

    • Jean Cocteau : « Opium », ed. Stock.

    • Stefan Zweig : « Le joueur d’échecs », ed. Le livre de Poche

    Voila pour vous lecteur de lesartdecoratifs.fr.

    J’espère que mon commentaire vous sera utile ;)


    Annabel de Referencement

  • Remerciement !
    23 mai 2013 15:52, par Hanna

    Je tenez à vous dire merci de m’avoir fait découvrir ce livre magnifique ! Je suis ravie d’etre tombé sur votre site et merci Google :p

    Hanna from Chapeau

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