L’exposition Déboutonner la mode est l’occasion de dévoiler une collection unique au monde de plus de 3000 boutons avec une sélection de plus de 100 vêtements et accessoires de mode féminine et masculine choisis parmi les couturiers les plus emblématiques tels que Paul Poiret, Elsa Schiaparelli, Christian Dior, Jean Paul Gaultier ou encore Patrick Kelly… Acquise en 2012, cette collection a reçu le statut d’œuvre d’intérêt patrimonial majeur par la Commission consultative des Trésors Nationaux.

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Commissariat
• Véronique BELLOIR, historienne de la Mode, chargée des collections XXe siècle, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris

Scénographie
• Éric BENQUÉ

Exposition réalisée avec le soutien de :

Madame Mouna Ayoub
Madame Ly Nha Ky
The Friends of the Musée des Arts Décoratifs
Courrèges
Saskia De Brauw
Vincent Van De Wijngaard
Julien d’Ys
Amanda Harlech

Présentation

Datées du XVIIIe au XXe siècle, ces pièces, petites par leur taille, sont de véritables objets d’art par la préciosité des matériaux et techniques qui entrent dans leur fabrication. Réalisées par des artisans issus de disciplines diverses : passementiers, brodeurs, orfèvres, verriers, céramistes ou paruriers, elles cristallisent à elles seules la mémoire et l’évolution des savoir-faire. Elles ont aussi suscité l’intérêt de nombreux artistes : peintres, sculpteurs ou célèbres créateurs de bijoux qui ont créé des modèles uniques destinés aux maisons de couture signant leurs créations telles des œuvres miniatures à part entière.

Cette collection, réunie par Loïc Allio, est exemplaire par sa variété, sa richesse et son éclectisme. Parmi les pièces exceptionnelles, citons un portrait de femme dans le goût de Fragonard, un trio de boutons inspirés des fables de La Fontaine de l’orfèvre Lucien Falize, un jeu de huit oiseaux peints sur porcelaine par Camille Naudot et enfin une série de 792 pièces du sculpteur Henri Hamm. Les paruriers, Jean Clément et François Hugo, et les artistes Jean Arp et Alberto Giacometti, ont œuvré pour la célèbre créatrice de mode Elsa Schiaparelli, tout comme Maurice de Vlaminck avec le couturier Paul Poiret. Les maisons de Haute Couture : Dior, Balenciaga, Mme Grès, Givenchy, Balmain et Yves Saint Laurent ont, quant à elles, privilégié le travail des bijoutiers Francis Winter et Roger Jean-Pierre. On découvre également des créations de Sonia Delaunay et de Line Vautrin.

Exposition "Déboutonner la mode" au musée des Arts décoratifs

Dans un parcours chronologique, l’exposition dévoile ainsi l’histoire incroyable de cet objet à travers cette extraordinaire collection. Le visiteur découvre qu’il est le parfait reflet de la créativité et de l’humeur d’une époque. Tableaux, gravures, dessins et photographies de mode soulignent l’importance de sa place sur le vêtement et montrent combien il est déterminant dans l’équilibre d’une silhouette.

Attribué à Fragonard, fin du XVIIIe siècle
Miniature sur ivoire et cadre en verre églomisé
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Depuis son apparition au XIIIe siècle, le bouton a, au fil du temps, conservé une place de choix sur nos vêtements. Sa production et son utilisation se développent progressivement mais doivent attendre la fin du XVIIIe siècle pour voir naître l’âge d’or du bouton en France. Il devient alors un produit de luxe, dont la valeur dépasse souvent l’habit lui-même. Plus qu’un ornement, il est aussi le moyen d’afficher ses penchants et même ses opinions se faisant porteur de messages humoristiques, intimes ou politiques : portraits de la famille royale, rébus ou scènes de la prise de la Bastille. Ce n’est que vers 1780, à la faveur de l’anglomanie, que le bouton apparaît dans la mode féminine prenant place sur des robes et corsages aux coupes inspirées des vêtements masculins.

Au XIXe siècle, dans la garde-robe masculine, l’art du bouton laisse place à l’art du boutonnage. Plus petit et discret, il définit cependant le niveau de raffinement du vêtement ou la distinction de celui qui le porte. L’attention portée à sa position sur le costume masculin ressort de manière significative notamment sur les gilets, pièce essentielle de la garde-robe de l’homme élégant.

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, avec la révolution industrielle, la fabrication des boutons se développe jusqu’à devenir une véritable industrie déclinant à l’infini tailles et couleurs adaptées à chaque pièce du vêtement ou des accessoires.

Pour les femmes, la taille des boutons reste aussi plus que modeste alors que leur nombre augmente. Ils apparaissent alors sur les bottines, les gants et sur la lingerie fine lorsque vers 1850 les sous-vêtements se font plus nombreux. Leur compte fait l’objet de notations précises dans les journaux de mode tandis que leur description dans la littérature de l’époque les place comme une coquetterie raffinée voire un objet de séduction.

Parallèlement, orfèvres et joailliers réalisent des boutons précieux qu’ils présentent parfois dans un écrin comme des bijoux. Ils sont le reflet des courants artistiques qui marquent l’époque et notamment celui de l’Art nouveau.

Le premier niveau de l’exposition s’achève avec les années 1910 et le retour de la ligne dite « Empire » sous l’influence du couturier avant-gardiste Paul Poiret pour qui l’importance d’un détail, parfois d’un bouton et le point précis où le placer, répond à « une géométrie secrète qui est la clef de l’esthétisme ».

François Hugo pour Elsa Schiaparelli, vers 1940
Céramique émaillée
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Le parcours se poursuit avec la mode des Années 20 avec ses boutons Art déco et l’apparition des paruriers. Créateurs d’accessoires, de bijoux et de boutons, étroitement liés à la haute couture, sont identifiables par un style qui leur est propre mais aussi par les matériaux qu’ils emploient. Leurs collaborations avec les grands couturiers sont notamment illustrées par une vitrine consacrée à Elsa Schiaparelli, Jean Clément et Jean Schlumberger. François Hugo, a créé pour la célèbre couturière de boutons, de simples cailloux sertis d’or ou de métal plié et compressé. Il a fait aussi appel à la créativité d’artistes tels Pablo Picasso ou Jean Arp pour la réalisation de modèles inédits et originaux.

Le déclin du bouton s’amorce cependant en 1980, alors que les couturiers reviennent vers des créations plus minimalistes qui rendent au bouton sa fonction originelle.

Au-delà de ces expressions d’auteurs, l’exposition souligne la manière dont certains couturiers ont, de façon différente, placé et interprété le bouton dans leurs créations de Gabrielle Chanel à Christian Dior en passant par Cristobal Balenciaga, jusqu’aux boutons bijoux d’Yves Saint Laurent. Des modèles des années 2000, avec notamment Jean Paul Gaultier et son tailleur pantalon, entièrement recouvert de petits boutons en nacre, ou les manteaux de la maison Céline revisitant de façon subtile et essentielle le classique double boutonnage, viennent ponctuer le parcours. Malgré l’apparition et l’utilisation très fréquente de nouveaux systèmes de fermeture que sont la glissière, le bouton pression et le velcro, le bouton est toujours présent dans les garde-robes et a encore de beaux jours devant lui.

Texte de Véronique Belloir

Il est des objets avec lesquels nous entretenons des rapports tout en délicatesse, entre conscience et émotion. À plus d’un titre, le bouton est de ceux-là, de ceux que l’on conserve parfois, sans bien savoir pourquoi, au fond d’une poche ou dans une boîte.

« Dans le coffret sont les choses inoubliables, inoubliables pour nous, mais inoubliables pour ceux auxquels nous donnerons nos trésors. Le passé, le présent, un avenir sont là condensés. Et ainsi, le coffret est la mémoire de l’immémorial », écrit Gaston Bachelard dans son ouvrage consacré à la poétique de l’espace. Il y a dans la boîte à boutons, précieux héritage familial, quelque chose de cet ordre, quelque chose du coffre aux trésors de notre enfance chargé de souvenirs et d’imaginaire. Une fois ouverte, comment ne pas y plonger la main, (…) caresser ces petits fragments de mémoire dont chacun a valeur de relique ? Car si le bouton est de ces objets que le quotidien et la proximité banalisent, il n’est cependant pas tout à fait ordinaire. Sa petite taille sans doute nous le rend fraternel et nous conduit immanquablement vers un sentiment de tendresse ; sa forme le plus souvent ronde en fait un espace à part entière où se concentre la perception et l’essence de choses. Il ouvre un monde infiniment sensible : celui de la rêverie et de l’intime.

François Hugo, boutons, années 1940
Métal
© MAD, Paris / photo : Patrick Gries

La collection de Loïc Allio est avant tout une passion, une façon de regarder le monde, de chercher à en repousser les frontières au-delà de toute idée reçue. Elle représente une vie à chiner, chercher, enquêter, échanger pour découvrir et tenter de couvrir tout le registre des possibles. (…) De la peau d’éléphant au simple caillou, en passant par la croûte de pain, on découvre que tout peut entrer dans sa composition. Le bouton peut aussi être fait de porcelaine tendre, abriter une délicate miniature en cheveux ou devenir le réceptacle d’un instrument d’orientation telle la boussole, et même être le support d’une déclaration d’opinion. Chacun de ceux que Loïc Allio a cherchés, choisis, raconte une histoire : celle des guerres, des révolutions, des mouvements sociaux et des goûts, mais aussi celle, plus humble et ignorée, des hommes et des femmes qui l’ont fabriqué ou utilisé. Plus que tout autre, celui-là l’émeut et le touche. Parcourir avec lui cette collection, c’est l’entendre conter la vie des artistes ou des paruriers qui ont créé ces boutons, celle des ouvriers qui les ont fabriqués, la personnalité des couturiers qui les ont utilisés, les hommes qui les ont un jour portés sur leur uniforme d’asile d’aliénés ou de cantonnier, ceux encore, à jamais immortalisés, dont le portrait figure sous verre. (…)

D’un point de vue formel, le bouton, (…) n’est pas accessoire ou seulement utile. Élément structurant intervenant dans l’équilibre des formes, il n’est pas non plus un point placé au milieu de nulle part : il entre toujours en résonance avec une ligne, celle d’une boutonnière, d’une couture, ou celle du vêtement lui-même. Les notions de verticalité, de symétrie ou au contraire d’asymétrie sont déterminantes, tout comme le rythme, la série ou la séquence.

Au-delà de cette grammaire inhérente à la structure du vêtement, le geste que l’on accomplit de boutonner, assimilé dès l’enfance, n’est pas non plus anodin. Son apprentissage est une étape importante du développement, liée notamment aux notions de droite-gauche et à l’espace corporel. (…) Ainsi le boutonnage vers la droite est-il réservé aux hommes alors que pour les femmes il se fait vers la gauche. Cette règle que nous pratiquons sans parfois la connaître, (…) continue encore aujourd’hui à exister et reste une façon de sexualiser le vêtement, même le plus neutre.

(…) Qu’il soit modeste et utile ou précieux et décoratif, sa place évolue au fil du temps en fonction des convenances, des règles de savoir-vivre ou des variations de mode. Les pratiques liées à son usage, discrètes ou au contraire ostentatoires, définissent à elles seules le vêtement et inscrivent sur lui des notions telles que la différence sociale, la fonction ou la position hiérarchique. (…)

Dès son apparition sur le vêtement occidental, oubliant sa fonction première, le bouton entre dans le domaine de l’ornement et devient un objet de luxe au même titre que les bijoux. En or, diamants et pierreries, les parures de boutons précieux participent de l’éclat et de la pompe des souverains, comme en attestent les descriptions trouvées dans les comptes et inventaires. Pour l’aristocratie, les boutons sont l’objet de telles dépenses qu’aux XVIe et XVIIe siècles les édits et les lois somptuaires promulgués par les rois de France tentent à plusieurs reprises mais sans grand succès d’en limiter l’usage. Perçu comme une démonstration de luxe et d’orgueil, cet usage ostentatoire des boutons choque également la morale religieuse. (…) Chez les quakers et les amish, le bouton est carrément banni des vêtements masculins tandis qu’au XVIIIe siècle les hommes doivent porter le grand deuil en habit de drap noir sans bouton.

À la fin de ce siècle, il devient un objet de mode uniquement destiné aux hommes. Les chroniqueurs de l’époque dénoncent cette vogue, qu’ils traitent même de « manie poussée à un ridicule extrême ». Les boutons sont alors non seulement devenus énormes – on les dit grands comme des écus de six francs –, mais surtout ils sont prétexte à toutes les expressions. Les parures dix-huit boutons se couvrent de rébus, gravures ou tableaux miniatures représentant des vues de Paris, des scènes historiques, voire même licencieuses. (…)

Planche de boutons, manufacture de Briare, fin XIXe - début XXe siècle
© MAD, Paris / photo : Patrick Gries

Au XIXe siècle, le bouton évolue vers plus de sobriété mais conserve un rôle essentiel relayé par le langage et par le verbe. Plusieurs expressions liées à son usage voient le jour tandis que d’autres, plus anciennes, sont fréquemment utilisées. Elles sont principalement réservées aux hommes pour qui l’art du boutonnage est devenu une marque d’élégance discrète et un code. Ainsi le verbe « déboutonner » semble-t-il s’appliquer à eux et à eux seuls. La formule « à ventre déboutonné » confère un caractère débridé à l’action qu’elle précise – rire, manger à ventre déboutonné ne saurait à cette époque s’appliquer aux femmes dont la retenue en toutes circonstances est la seule attitude convenable. « Ne tenir qu’à un bouton » se dit de ce qui tient à peu de choses et menace de se défaire. (…)

Dans la littérature, il colore toujours le portrait des personnages et précise leurs traits de caractère. Sous la plume de Balzac, (…) », les boutons sont les indices de la déchéance ou révèlent les désirs de grandeur. Tel personnage, rejeté par sa famille et tombé dans le plus grand dénuement, porte « une redingote filandreuse à boutons sans moule dont les capsules béantes ou recroquevillées [sont] en parfaite harmonie avec des poches usées », tandis que tel autre, jeune fat de province, « se [regarde] continuellement avec une sorte de satisfaction de haut en bas en vérifiant le nombre des boutons de son gilet ».

Maison Anny Linker, costume tailleur, 1912
© Studio Talbot / MAD, Paris

Lorsqu’il prend définitivement position sur la silhouette féminine, autour de 1850, précisément au moment où l’homme abandonne toute audace vestimentaire, (…), son usage semble avant tout soumis aux règles de bienséance et aux convenances. Puis, il est aussi le reflet de la place des femmes dans la société. Les emprunts au vestiaire masculin civil ou militaire sont réguliers et coïncident bien souvent avec un assouplissement de la contrainte des corps ou une volonté de prise d’indépendance.

Aujourd’hui, si la façon de déboutonner tout ou partie du vêtement confère un style ou indique une appartenance à un groupe, le bouton conserve aussi pour certains une poésie. Au Japon, il est l’objet d’une coutume récente appelée « daini botan », ou « deuxième bouton » : lors de la remise des diplômes, les garçons ont pris l’habitude de donner le deuxième bouton de leur veste d’uniforme à la fille qu’ils aiment ou qui le leur demande. Le deuxième bouton est celui placé le plus proche du cœur.

« Collectionner les boutons de A à Z » par Loïc Allio

A comme Apprendre
Encore et toujours. Collectionner, c’est réunir plusieurs objets d’une même famille. Il se trouve que celle des boutons est très nombreuse, très ancienne et internationale, ce qui amène le collectionneur à une quête d’autant plus passionnante, qui le fait voyager dans le temps et l’espace à la rencontre des artisans, artistes, paruriers et couturiers. (…)

B comme Bonheur
À chaque bouton trouvé correspond un petit instant de joie, d’excitation. D’abord on l’aperçoit dans une boîte ou une vitrine, il mérite qu’on s’y attarde, alors on le prend en main, on le retourne. Le dos et l’attache sont importants pour son identification. (…)

C uéco (Henri)
Cet artiste discret et délicat est l’auteur et illustrateur d’un livre charmant intitulé Dessine-moi un bouton. (…) La famille du bouton se divise en deux grandes parties : la première est constituée par les petits boutons utilitaires, que l’on manipule plusieurs fois chaque jour ; la seconde rassemble ceux dont l’aspect décoratif surpasse la fonction utilitaire. Naturellement, ce sont ces derniers qui ont la faveur des collectionneurs. Dans cette catégorie, plus c’est gros, meilleur c’est – à la pêche au bouton, la taille a son importance : en dessous de 3 cm, il est souvent rejeté à l’eau.

Bouton, vers 1920
Gouache sur papier, sous verre, monture en argent
© MAD, Paris / photo : Patrick Gries

D rouot
Le haut lieu des ventes aux enchères parisiennes. Il y a quelques années, maître Grandin organisait des ventes internationales uniquement consacrées aux boutons anciens. (…) Je me souviens de belles batailles d’enchères entre monsieur Voumard (octogénaire), de Suisse, et madame Jacobi (nonagénaire), des États-Unis. Cette dernière avait proposé de m’offrir le billet d’avion et l’hébergement à New York si je lui rapportais de beaux boutons. Jusqu’où va la passion ! (…)

E Bay
Autre terrain de recherche, virtuel celui-là. Depuis quelques années, ce site Internet a pris une grande importance pour de nombreux collectionneurs. (…) C’est sur eBay que j’ai trouvé les boutons Carmontelle aujourd’hui conservés au Musée des Arts Décoratifs.

F rance
La plupart des beaux boutons sont d’origine française. La production de la fin du XVIIIe siècle, exceptionnelle, constitue le premier âge d’or. Puis, de la fin du XIXe siècle, avec l’avènement de la haute couture, jusqu’aux années 1940, (…) on peut considérer cette période comme un deuxième âge d’or.

Bouton patriotique, Jean Clément, vers 1944
Céramique émaillée
© MAD, Paris / photo : Patrick Gries

G ivenchy (Hubert de)
Ayant fait ses débuts après-guerre chez Elsa Schiaparelli, le couturier pouvait m’aider à vérifier l’attribution de certains boutons haute couture à cette célèbre maison de la place Vendôme. Je demandai donc un rendez-vous qui me fut accordé. Mais comment s’habiller quand on rend visite à un tel homme ? (…) Le jour du rendez-vous, légèrement en retard, (…) je sonnai à la porte de son hôtel particulier. « Je vais prévenir Monsieur que vous êtes arrivé », me dit son majordome. Monsieur m’attendait dans son salon, décontracté, en jean et chemise à col ouvert. (…) Une fois les boutons sortis de leur boîte et étalés sur une petite table, comme par magie, ma timidité avait disparu. Monsieur de Givenchy me donna quelques indications précieuses. Il me montra aussi un projet de reproduction de tissu ancien sur lequel il travaillait. À l’issue de cette heure merveilleuse passée en sa compagnie et alors qu’il me raccompagnait sur le pas de la porte, j’osai lui demander s’il accepterait d’écrire un petit texte pour préfacer mon livre. Il me dit qu’il allait y réfléchir et, quelques jours plus tard, je reçus une lettre de lui.

H amm (Henri)
C’est pendant la Grande Guerre que cet artiste attachant débuta sa production. Très vite, les grandes maisons de couture de ce début de siècle – Doucet, Worth, Premet et beaucoup d’autres – se fournirent chez lui. L’une de mes plus grandes émotions de collectionneur fut de trouver aux puces de la porte de Vanves une malle remplie de centaines de boutons provenant de son atelier.

Bouton, Henri Hamm, 1910-1920
Galalithe
© MAD, Paris / photo : Patrick Gries

H ugo (François)
Une autre grande joie a été de découvrir le superbe travail de ce talentueux artiste orfèvre, descendant de l’illustre Victor. Avec l’aide de Monique, son épouse, et de Pierre, son fils, j’ai appris à reconnaître son empreinte sur les boutons de sa production, principalement destinée à la haute couture française dans les années 1940.

I dentification
Pour la plupart des gens, un bouton en résine noire gravée des six lettres S.C.H.I.A.P. paraîtra sans intérêt : pas de matière noble ni de belles couleurs. Le collectionneur averti, lui, aura reconnu un précieux modèle de Jean Clément, le plus grand parurier du XXe siècle pour Elsa Schiaparelli, la plus originale des couturières. Être capable d’identifier et d’apprécier un bouton est un défi et un vrai plaisir. (…)

J eunesse
Elle se fait rare dans les clubs de collectionneurs. C’est un peu triste de voir qu’il n’y a pas de relève. Mais les vieux collectionneurs gardent leur cœur d’enfant. (…)

K arageorgevitch, Bojidar (prince et princesse)
Qui se souvient aujourd’hui que ce couple d’artistes joailliers a présenté des beaux boutons Art nouveau à la Société nationale des beaux-arts en 1908 ? Le voici sorti de l’oubli.

Bouton, France, vers 1950
Perles de verre
© MAD, Paris / photo : Patrick Gries

L comme Loïc
Le nom qui m’a été donné à la naissance. Assez souvent, on m’appelle « Monsieur Bouton ». (…) Qui suis-je en réalité ? « Connais-toi toi-même », répond Socrate, qui probablement ignorait tout du bouton.

M aman
Parfois, on me demande comment tout ceci a commencé. Mon premier bouton me fut offert par ma mère. Le début d’une belle aventure.

N acre
De toutes les matières utilisées pour les boutons, c’est celle que je préfère. Elle est née dans la mer, à l’abri de la lumière du soleil, et pourtant c’est sous ses rayons qu’elle révèle toute sa subtile beauté. Sur un tableau de vanités, on voit parfois un coquillage pouvant symboliser la collection. Nature morte certes, mais pas tout à fait : en y prêtant un peu attention, on peut y entendre le bruit de la mer.

O rigine
De quand date le premier bouton ? On l’ignore. Le plus ancien de ma collection remonte à l’art des steppes (Ve siècle av. J.-C.) et est originaire de la région de l’Ordos, en Chine. (…)

P assion
Sans elle, pas de collection. C’est le moteur qui fait se lever le matin de bonne heure pour aller arpenter les allées des brocantes, des petites aux plus grandes.

Bouton, Guison, 1930-1940
Métal
© MAD, Paris / photo : Patrick Gries
Bouton, Jean Clément, vers 1930
Croûte de pain, résine
© MAD, Paris / photo : Patrick Gries

Q uestion
Quel est le petit objet usuel, insignifiant et inoffensif qui peut rendre service à l’être humain indépendamment de son âge, de son sexe, de son origine, de sa couleur, de sa religion et de sa fortune ? Facile ! Un indice : il a servi d’enjeu pour une célèbre guerre enfantine.

R abanne (Paco)
Suite à notre rencontre, ce couturier novateur m’a offert un petit carnet de croquis de boutons. Encore étudiant, il avait commencé sa carrière comme parurier. Ce petit carnet appartient maintenant au Musée des Arts Décoratifs et y sera conservé pour l’éternité.

S chiaparelli (Elsa)
Amoureuse de grands et beaux boutons.

Alberto Giacometti pour Elsa Schiaparelli, début des années 1930
Bronze doré
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

T emps
« Avec le temps… Avec le temps, va, tout s’en va », chantait Léo Ferré. Collectionner les boutons, c’est aussi sauver la mémoire d’une certaine époque. (…)

U niforme
Certains collectionneurs se sont spécialisés dans le bouton d’uniforme, d’armée, de livrée ou de vénerie. Personnellement, ce sont les boutons de mode et d’artistes qui m’ont intéressé.

V autrin (Line)
Ses miroirs en « résine » talosel l’ont rendue célèbre dans le monde entier, mais c’est pour ses créations de boutons que j’ai voulu la rencontrer. Nous avons très vite sympathisé. À la fin de sa vie, elle aimait me montrer ses dernières recherches artistiques. On trouve parfois des boutons en ivoire ou en talosel, mais la plupart de sa production est en bronze ou en céramique. Ses boutons sont le plus souvent monogrammés LV. Je me souviens de ce petit gars qui déballait à la sauvette, me présentant un bouton avec ce monogramme, m’affirmant qu’il s’agissait d’un rare exemplaire de Louis Vuitton. Je fis l’innocent et le lui achetai.

W eingott (Lucien)
Les créations de ce doux rêveur génial sont d’une originalité et d’une finition exemplaires. (…)

X
J’ai toujours eu à la maison un tiroir plein de boutons « nés sous X », reconnus comme « bons et beaux » mais dont le créateur n’a pas été identifié. En attente d’une documentation ou d’une information qui me permettra de les sortir de l’anonymat, je les adopte le temps qu’il faut et la recherche continue.

Y comme Yéyé
Jacques Dutronc, qui a participé au début de ce courant musical, a signé de son nom une série de boutons en métal.

Bouton, vers 1860
Papier mâché, incrustations de nacre, de cuivre et d’argent
© MAD, Paris / photo : Patrick Gries

Z en
Il faut savoir le rester quand, pour la énième fois, année après année, à l’invariable question « Du nouveau pour ma collection de boutons ? », le même brave brocanteur répond : « J’en ai un sur la fesse gauche. » Avec parfois une variante : la fesse droite ou le dos. Pourquoi se fâcher ! C’est peut-être lui qui vous dénichera un jour LE bouton mythique, celui dessiné et créé par Léonard de Vinci. On peut rêver. C’est aussi ça la collection.

Le catalogue de l’exposition
Scénographie de l’exposition
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