Le cas du sac est une exposition conçue et réalisée par le musée de la Mode et du Textile et la Maison Hermès. La Maison Hermès a initialement réuni un comité scientifique constitué de conservateurs et d’historiens qui ont confronté leur regard sur le sac, son usage, ses fonctions au travers de cultures différentes et des âges. Séduit par ce qui n’était encore qu’un projet, le musée de la Mode et du Textile a souhaité construire la première grande exposition sur les sacs à travers les époques et les civilisations.

Véritable anthologie qui fait dialoguer plus de 300 pièces d’origines géographiques les plus variées, l’exposition révèle le vocabulaire des formes du sac dans sa plus grande diversité. Le sac de chasseur Dogon y côtoie celui de la sorcière papoue, la sacoche de guérisseur du Cameroun, la mallette de médecin de campagne, le sac de commerçant mongol, de marin ou de chaman voisinent avec le sac de mode. Carte de visite des populations sédentaires éprises de mobilité, le sac est également envisagé sous tous ses aspects, des plus nobles aux plus modestes.

L’exposition observe une thématique qui renonce au cheminement chronologique au profit d’une hiérarchie des genres et des fonctions, selon une progression qui prend en compte la proximité puis l’éloignement du corps qui les porte. La scénographie a été confiée à Christian Rizzo, chorégraphe et plasticien. Grâce à une mise en lumière signée Cathy Olive, qui individualise chaque forme — sacoche, aumônière, besace, gibecière, poche de toutes sortes… — sa mise en scène joue tour à tour sur l’animation ou sur la fixité des objets présentés.

La première partie de l’exposition s’attache aux fonctions domestique, professionnelle ou voyageuse du sac. C’est à la fonction religieuse, symbolique ou esthétique, qu’est réservée la seconde partie de l’exposition, dans l’écrin du deuxième étage du musée, tout entier consacré au sac d’apparat.

L’exposition s’ouvre ainsi sur « l’urgence du sac », c’est-à-dire pris dans son utilité quotidienne, avec le cabas ou le filet, que beaucoup de civilisations ont en commun ; puis viennent les sacs en plastique, les sacs « Barbès », les paniers, les bilums papous, les sacs d’Océanie, mais aussi quelques vestiges du Moyen Âge, surgis de fouilles archéologiques. L’itinéraire se poursuit avec les sacs professionnels, parmi lesquels on peut citer le sac de chasseur du Mali, de forgeron-bijoutier touareg, de médecin de campagne, ou encore le sac de plombier, habilement détourné par Robert Dumas, gendre et successeur d’Émile Hermès, en sac pour ramasser les galets. Viennent ensuite les sacs de voyage représentés par les Steamerbags (sacs à linge) de Goyard ou de Louis Vuitton, les sacs en peau de poisson, confectionnés par les Inuits pour ranger les vêtements, les sacs en cuir de Mauritanie ou en toile brute de Louis Vuitton, que Dora Maar appréciait tant.

Une sélection de sacs Hermès fait référence au texte que l’architecte Le Corbusier rédigea en 1924 pour la revue l’Esprit nouveau, texte illustré par les sacs du sellier parisien. Sac à dépêches, sac à main « auto », sac polochon, sac mallette, sac haut à courroies et sac pochette témoignent d’une exigence de pureté et de sobriété des lignes.

À l’opposé, la seconde partie de l’exposition est consacrée aux recherches purement décoratives et aux aspects plus frivoles du sac, ce qui ne l’empêche pas d’explorer son architecture et son enveloppe, des formes plates aux constructions plus élaborées. Les foukousas japonais, pièces de soie que l’on noue pour transporter des objets ou des offrandes, guident le visiteur vers cette partie de l’exposition où le décor déborde sur la forme. Plusieurs pochettes chinoises, richement ornées, leur font suite. D’autres sacs, européens en majorité, démontrent combien le Moyen Âge aimait déjà les variations sur les formes, les scènes et les motifs ; les fermoirs, par exemple, prennent des allures de véritables architectures gothiques.

Ces lointains ancêtres du sac de mode annoncent encore d’autres variantes qui occupent plusieurs vitrines, et l’on découvre ainsi les premières traces d’un sac sous la forme d’une poche, dissimulée sous les jupons, au XVIIIe siècle.

Plus près du corps, la garde-robe du Directoire favorisera le port du sac à la main, qui apparaît sous le nom de « réticule ». On suit alors ses innombrables déclinaisons, des plus simples au plus brodées, de l’extrême fin du XVIIIe jusqu’au XXIe siècle. L’apparat et l’ornement, habituellement réservés aux sacs féminins à travers ses variantes perlées, guident tout naturellement le regard jusqu’à d’exceptionnels sacs Yoruba africains réservés à un usage rituel et masculin. D’autres sacs Bamun du Cameroun ou papous illustrent l’extrême variété de décors et de techniques propre au contenant.

L’usage religieux du sac est évoqué par la présentation de documents rares, comme des bourses destinées à conserver des reliques de saints, des sacs de divination africains ou encore des sacs de sorcières papoues.

Des sacs mythiques, comme le Kelly d’Hermès ou le Lady Di, devenu Lady Dior, qui tirent leur nom de leurs illustres propriétaires, voisinent avec d’autres, sélectionnés pour leur caractère symbolique, comme le sac, masqué de blanc, de Martin Margiela. C’est par les formes les plus radicales, mais aussi les plus incroyables, que s’achève l’exposition. De la pochette des années 20, sorte d’épure de sac à glisser sous le bras, à la boîte minaudière des années 30, le sac se fait protéiforme, cinétique, mobile, et devient même le sujet de commandes, dans les années 80, auprès de grands noms du design comme Ron Arad, Martine Bedin, Shiro Kuramata ou Jean Nouvel.

« Sac téléphone » de Christian Astuguevieille pour Nina Ricci, sac « disque » de Chanel, sacs surréalistes de Moschino ou sacs « monstres » de Christian Lacroix constituent une famille nouvelle de sacs improbables, sur lesquels se termine l’exposition.

Inspirée par le rôle du sac dans la pièce de théâtre de Samuel Beckett, Oh ! les beaux jours, l’exposition met ainsi en relief le sac autant que son contenu, afin de mieux cerner le portrait intime de son propriétaire. Véritable boîte de Pandore, chacun des contenants s’entoure d’objets usuels, funéraires ou sacrés (couteau, miroir, bourse, nécessaire à maquillage, objet professionnel, chapelet, amulette, ossements…).

Co-édité par Hermès, Les Arts Décoratifs et les éditions Le Passage, un livre-catalogue de 288 pages, sous la direction éditoriale de Farid Chenoune, réunit des textes des commissaires de l’exposition, d’ethnologues, d’historiens, d’écrivains et de critiques, ainsi que des récits, des témoignages et s’accompagne d’un très riche lexique. Cet ensemble confère à l’ouvrage un caractère fondateur.

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