Le musée de la Mode et du Textile renoue avec les expositions de type monographique en invitant les deux créateurs hollandais Viktor Horsting et Rolf Snoeren à investir, le temps de quelques mois, la totalité de ses espaces. Moins qu’une rétrospective, il s’agit de célébrer 10 ans de création de deux des plus influents créateurs de mode. Révélés au Festival international des arts de la mode à Hyères, en 1993, un an après l’obtention de leur diplôme à l’académie d’Arnhem (Pays-Bas), Viktor & Rolf n’ont cessé de multiplier les performances et les installations. Ils s’imposent sur la scène internationale, à partir de 1998, par des collections de haute couture, puis de prêt-à-porter, ne négligeant jamais un médium d’expression au profit d’un autre. Avec la plus grande minutie, ils commentent le système de la mode, n’hésitant pas à accentuer certains de ses codes. Une de leur première installation, « Miniature Doll », en 1996, singe l’empire de la mode par une reconstitution en miniature d’un studio de création, d’un podium de défilé, d’une boutique.

Leur première collection présentée en janvier 1998 à Paris célèbre l’art de la haute couture. Par l’usage de drapés, de méthodes de coupe, de tissus et de broderies qui définissent avec préciosité une industrie de luxe, Viktor & Rolf saluent l’excellence d’une discipline, n’hésitant pas à pratiquer un classicisme presque convenu dont ils crispent les contours. « Nous pensons que la véritable originalité ne consiste pas à briser les règles, à chercher la nouveauté pour la nouveauté, mais à revendiquer ses émotions personnelles indissociables de la mémoire collective » confient-ils avant d’ajouter : « Nous voulons célébrer notre vie comme une utopie ». La collection « Atomic Bomb » (A/H 1998-99) et la collection « Babushka » (A/H 1999-2000), au cours de laquelle le top-model Maggie Rizer est couverte successivement de dix vêtements enfilés les uns sur les autres, confirment leur place au sein des créateurs d’avant-garde.

En mars 2000, en délaissant la haute couture pour le prêt-à-porter, plus à même de consolider l’aura d’une griffe qu’ils souhaitent étendre à tous les domaines de la création et de la diffusion, Viktor & Rolf poursuivent leur analyse critique de la mode tout en remodelant une silhouette à coup de formes et de contre-formes. Chaque collection est une riposte à la précédente et annonce la suivante. Au défilé « Black Hole », présenté pour l’automne-hiver 2001, tout en monochromie noire, succède « White » pour le printemps-été 2001 puis « Bluescreen » (automne-hiver 2002), collection aux motifs immatériels sur fond de bleu utilisé pour les trucages vidéo. Couturiers de la démesure, porte-parole d’un surréalisme nouveau qui a définitivement enterré le minimalisme des années 90, Viktor & Rolf ne cessent de surprendre en ouvrant le champ des possibles à tous les gestes qui façonnent l’image d’une griffe et de son créateur. A ce titre, chacune de leurs apparitions prend les caractères d’une performance autonome qui impose et redessine le statut du couturier. En danseurs de claquettes au final du défilé « Tapdance » (Printemps-été 2000), en clones d’eux-mêmes lors du défilé « Monsieur » qu’ils furent seuls à présenter pour leur première collection de prêt-à-porter masculin (2003), Viktor & Rolf usent avec habileté et détermination des différents outils médiatiques comme autant de partis pris manifestes.

Imaginée et conçue par eux, l’exposition souhaitée par le musée de la Mode et du Textile joue des contraintes d’un lieu (vitrines, mannequins, présentation statique) avec lesquelles les deux créateurs se sont déjà confrontés au gré de leurs manifestations. Parce que les paradoxes de la mode contemporaine conduisent parfois à une reconnaissance médiatique accélérée tout en offrant peu de possibilités au public de se confronter au travail des créateurs, y compris les plus talentueux, le musée de la Mode et du Textile souhaite offrir par là un accès plus étendu à la création contemporaine.

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