« Coiffeuse »

Eileen Gray (1878-1976)
France, 1926-1929
Pin de l’Orégon (pitchpin), contreplaqué, liège, aluminium, verre, traces de peinture bleu turquoise
H. 161 ; l. 60 ; pr. 165 cm
Don Mme Goisot, 1967
Inv. 41349
© MAD

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Le premier exemplaire de cette armoire, qualifiée de Coiffeuse par son auteur, fut conçu pour la chambre principale de la maison E 1027, imaginée par Eileen Gray avec et pour l’architecte d’origine roumaine Jean Badovici. Située sur un escarpement dominant la mer, à Roquebrune, au cap Martin, sur la Côte d’Azur, cette maison fut construite selon les règles énoncées par Le Corbusier : elle repose sur des pilotis et comporte des fenêtres horizontales, un toit terrasse et un plan libre. La coiffeuse était destinée à isoler le coin toilette de la chambre proprement dite. Eileen Gray expliquait ainsi le choix très original de l’aluminium : « Une coiffeuse en aluminium, matière très belle dont la fraîcheur est agréable dans les pays chauds. » Ce meuble illustre parfaitement la démarche de l’artiste en vue de l’intégration du mobilier dans l’architecture intérieure et son exigence de rationalité. Cette coiffeuse est recouverte, au dos et sur les côtés, d’une même feuille d’aluminium pliée. L’une des portes est en aluminium avec un miroir au revers ; l’autre est en liège, matière qui se retrouve sur la façade des tiroirs et sur la partie haute du meuble. L’intérieur en pitchpin et contreplaqué est séparé en deux parties : l’une, étroite, partiellement recouverte par la porte en liège ; l’autre, plus large, avec trois tiroirs pivotants, un tiroir à abattant et deux tiroirs à façade en verre. Compte tenu de la faible épaisseur et donc de l’instabilité du meuble, l’artiste a prévu une base-socle pouvant être lestée tandis que sur le dessus une platine en aluminium pouvait recevoir un tube métallique pour fixer le meuble au plafond. Trois exemplaires de ce meuble furent, semble-t-il, réalisés. Celui de la maison E 1027, en chêne peint, fut acquis par le musée national d’Art moderne lors de la vente du mobilier de la villa en 1992. Une autre variante figurait dans le studio qu’Eileen Gray avait aménagé à Paris, en 1930-1931, pour Jean Badovici, rue Châteaubriand, près des Champs-Élysées, et où elle avait créé un espace « dressing » en installant une paroi en angle droit, avec la coiffeuse placée parallèlement aux fenêtres. Un troisième exemplaire en chêne se trouvait dans la maison d’Eileen Gray, Tempe a pailla à Castellar (Alpes-Maritimes), qu’elle revendit en 1954 au peintre anglais Graham Sutherland ; le meuble est apparu dans une vente publique chez Christie’s à Londres en 1998. La coiffeuse du Musée des Arts Décoratifs, achetée par la donatrice lors de la vente du mobilier de la maison de Jean Badovici à Vézelay en mars 1960, provient peut-être de l’appartement-studio, à moins qu’il ne s’agisse du prototype – ce que semblent confirmer les matériaux utilisés et certains repentirs dans la fabrication qui ne se retrouvent pas dans les autres meubles. Cette hypothèse trouve son origine dans les indications fournies par la donatrice, Madeleine Goisot, qui vécut avec Jean Badovici à la fin de sa vie.

É. P.

Eileen Gray et Jean Badovici, « E 1027. Maison en bord de mer », L’Architecture vivante, n° spécial, hiver 1929.
Stewart Johnson, Eileen Gray, Designer, New York, The Museum of Modern Art, 1979.
Caroline Constant, Eileen Gray, Paris, Londres, Phaidon, 2003.

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