Boiseries du salon de l’hôtel Talairac, Paris, vers 1790

Boiseries du salon de l’hôtel Talairac, Paris, vers 1790

Chêne et résineux peint et doré, cheminée en marbre rouge griotte et bronze doré ; miroir
Legs Adèle Denouille, 1923
Inv. 21246 A-M et 21247
© Les Arts Décoratifs / photo : Philippe Chancel

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Dans les années 1780, le quartier de la Chaussée d’Antin à Paris se transforma complètement. Ces terrains maraîchers se couvrirent d’édifices construits par les architectes les plus novateurs – Ledoux, Brongniart, Bélanger… – pour une clientèle mêlant la plus ancienne aristocratie, le monde des financiers et celui de la galanterie, unie par le même goût du raffinement et la recherche de la nouveauté. Des rues furent créées, le long desquelles s’édifièrent hôtels particuliers et maisons de rapport. La Révolution n’arrêta pas cette fièvre spéculative. Mais ce quartier ne survécut pas aux grandes transformations urbaines du XIXe siècle. Ainsi, des quatre maisons que le « maître maçon » Giraud de Talairac fit construire en 1783, rue Neuve-des-Capucins (devenue rue Joubert), aucune ne subsiste et seul le souvenir de celle du n°258 (aujourd’hui n°35) est conservé à travers cette boiserie remontée au Musée des Arts Décoratifs. Talairac, entrepreneur avisé, avait acquis une certaine notoriété dans la capitale puisqu’il venait de construire « la plus haute maison de Paris », rue Radziwill : une tour de neuf étages qui abritait un spectaculaire escalier à double révolution desservant un tripot fameux. L’immeuble bâti rue Joubert était plus conforme aux gabarits parisiens : ouvrant par trois baies à chaque étage, il comprenait « un rez-de-chaussée avec écuries et remises, premier et second étage, chambres de domestiques et greniers à foin pratiqués dans les combles ». Situé au bel étage, ce salon était à l’origine sensiblement plus grand, orné de cinq glaces et éclairé par deux fenêtres donnant sur la cour de l’hôtel. Giraud de Talairac ne doit toutefois pas être le commanditaire de cet élégant décor, postérieur à la construction de la maison qui fut cédée plusieurs fois au cours des années 1790. Des panneaux de parclose étroits rythment la pièce. Leur motif de candélabres, traité en trompe l’œil, imite une ornementation de bronze patiné encadrant des médaillons à la manière de camées en grès fin de Wedgwood ou en porcelaine (matières utilisées à la veille de la Révolution dans les intérieurs les plus luxueux). L’essentiel de l’effet décoratif est concentré sur les portes qui reprennent le même parti, mais sur des fonds traités en faux bois, évoquant le bois de rose et le citronnier, selon un chromatisme particulièrement en faveur dans les années 1790. S’inscrivant dans le goût arabesque remis à la mode depuis les années 1770, cette composition est le reflet d’un décor alors célèbre, la salle à manger de l’actrice Mlle Dervieux, construite à proximité, rue Chantereine, en 1788, par François-Joseph Bélanger, l’architecte du comte d’Artois. Légèrement plus tardive, la cheminée en marbre rouge griotte est ornée d’une frise de bronze doré dont les griffons rap-pellent ceux de la frise peinte sous la corniche ; deux figures d’Égyptiennes en gaine ornent ses montants, annonciatrices du succès de l’égyptomanie à la veille de l’Empire.

B. R. Paul Jarry, Les Porcherons ou le faubourg Montmartre : architecture et décorations intérieures, Paris, F. Contet, coll. « Les vieux hôtels de Paris », 1928, p. 10-11, pl. 13-17.

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