Manufacture de Meissen, Déjeuner solitaire, vers 1780-1790

Manufacture de Meissen, Déjeuner solitaire, vers 1780-1790

Porcelaine dure, émaux polychromes et rehauts d’or sur couverte
Coffret garni de cuir et de soie
Plateau : marque aux épées croisées et étoile en bleu sous couverte, 32 imprimée et 2 incisée.
Pot à café : marque aux épées croisées et étoile en bleu sous couverte et K incisée.
Pot à lait : marque aux épées croisées et étoile en bleu sous couverte.
Sucrier, tasse et soucoupe : marque aux épées croisées et étoile en bleu sur couverte.
Coffret : H. 17,5 ; L. 38,5 ; l. 29 cm
Don marquise Arconati-Visconti, 1909
Inv. 15782.1-7
© Les Arts Décoratifs / photo : Laurent Sully Jaulmes

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Vers 1750 apparut la mode des « portraits en ombre » également appelés « portraits à la silhouette » et plus simplement « silhouettes », qui tirent leur nom du contrôleur général des finances Étienne de Silhouette (1709-1767), réputé pour sa maladresse (il avait voulu imposer une réforme fiscale à la Cour !) ; ce protégé de Madame de Pompadour avait fait décorer son château de Bry-sur-Marne, où il se retira en 1760, de paysages et portraits-ombres. Le journaliste Louis Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris, publié de 1782 à 1788, écrit : « Dès lors, tout parut à la silhouette […], les modes portèrent à dessein une empreinte de sécheresse et de mesquinerie […], les portraits furent des visages tirés de profil sur du papier noir, d’après l’ombre de la chandelle sur une feuille de papier blanc. » La réalisation de ces portraits, exigeant plus d’adresse que de talent, s’imposa à travers l’Europe comme l’un des passe-temps favoris à la portée de tous, au sein d’une société séduite par leur simplicité rousseauiste prônant les vertus de la famille et de l’amitié. Des artistes s’en firent une spécialité, des savants s’en emparèrent, comme le célèbre physiognomoniste zurichois Johann Kaspar Lavater (1741-1801), qui mit au point « une machine sûre et commode pour tirer des silhouettes » ; Gœthe lui-même céda à cette véritable passion. Car c’est en Allemagne que la mode fut la plus vive et la plus durable : les manufactures de porcelaine remplacèrent les armoiries et monogrammes peints jusqu’alors par les portraits en silhouette des commanditaires. Ce type de décor était particulièrement adapté aux services à café et à thé dont le nombre de pièces, plus restreint qu’un service de table, permettait de limiter les modèles au cercle familial. Contenu dans un coffret couvert de maroquin et garni de satin de soie, ce déjeuner solitaire représente les membres d’une famille en buste, aux prénoms tirés de l’histoire antique, délicieusement néoclassiques, mais aux perruques tout à fait de leur siècle. Seul le père, sur le plateau, est en pied, assis à sa table de travail. L’accentuation des profils, de même que les accessoires de mode méticuleusement rendus, dévoile le caractère de chacun. Comme celles en papier découpé, ces silhouettes sont encadrées dans un médaillon ovale couronné d’un feston de roses noué d’un ruban traité en or de deux tons et travaillé au brunissoir, qui révèle la qualité de la commande. La forme nouvelle des pièces est attribuée au sculpteur français Michel-Victor Acier (1736-1799), engagé en 1764 par la manufacture de Meissen comme maître modeleur. Reçu membre de l’Académie de Dresde en 1780, il joua un rôle central à la manufacture dans le développement du goût néo-classique, succédant au long règne de Johann Joachim Kaendler. La tasse reprend un modèle de Sèvres, la forme litron cylindrique ; les autres pièces adaptent sur les panses encore galbées de vigoureuses anses traitées en « grecques » et des festons de laurier sous le bec des verseuses.

B. R. Un cabinet de porcelaines, catalogue d’exposition, Dijon, musée des Beaux-Arts, 2001, n° 72, p. 70.

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