Le décor de cette pièce provient de l’hôtel de Rochegude en Avignon. Cet hôtel doit son nom à Pierre-Joseph Robert d’Aquéria de Rochegude, qui l’acheta en 1732, mais sa construction et sa décoration sont antérieures à cette date.
Démonté à la fin du XIXe siècle, le décor, composé de boiseries et d’un plafond peint sur toile, fut acquis en 1891 par le musée des Arts décoratifs auprès de l’antiquaire parisien Achille Leclercq. Remonté dans les salles, il constitue l’une des toutes premières period-rooms du musée.
This room’s decor comes from the Hôtel de Rochegude in Avignon. Although the mansion has kept the name of Pierre-Joseph Robert d’Aquéria de Rochegude, who acquired it in 1732, it was built and decorated prior to this date.
The decor, dismantled in the late 19th century, consists of panelling and a ceiling painted on canvas. It was acquired by the Musée des Arts Décoratifs from the Parisian antique dealer Achille Leclercq in 1891. Installed in the permanent collection, it constituted one of the museum’s very first period rooms.
Les boiseries ont été réalisées par le sculpteur Thomas l’Aîné (1682-1739), qui vécut et travailla à Paris puis en Avignon.
L’Aîné fit partie de la « Société des Bâtiments du Roi », qui regroupait au début du XVIIIe siècle quelques-uns des meilleurs sculpteurs français au service des maisons royales. A ce titre, il œuvra sur le chantier de la chapelle royale de Versailles, ainsi qu’à Fontainebleau. Il avait également un atelier faubourg Saint-Antoine, dans le quartier des artisans du bois, et travailla à la sculpture des stalles de Notre-Dame, qu’il laissa inachevées. On le retrouve en 1714 à Avignon, où il mena une brillante carrière, étendant ses activités à l’architecture et à la décoration intérieure. On peut évoquer parmi ses réalisations le décor de l’hôtel de Simiane (Aix-en-Provence), propriété de Madame de Grignan, fille de la marquise de Sévigné.
The panelling was created by the sculptor Thomas l’Aîné (1682-1739), who lived and worked in Paris then in Avignon.
L’Aîné was a member of the Société des Bâtiments du Roi (Society of the King’s Buildings), which in the early 18th century comprised several of the finest French sculptors working for the royal households. In this capacity, he worked on the royal chapel at Versailles and at Fontainebleau. He also had a workshop in the Faubourg Saint-Antoine quarter, Paris’s woodworking and furniture making district, and worked on the sculpture of the choir stalls in Notre-Dame, never completing them. In 1714 he moved to Avignon, where he pursued a brilliant career, extending his activities to architecture and interior decoration. His creations include the decoration of the Hôtel de Simiane (Aix-en-Provence), property of Madame de Grignan, daughter of the Marquise de Sévigné.
Le décor de ce cabinet est un bel exemple de transposition du goût parisien et versaillais en province.
Chacune des quatre parois est organisée de façon tripartite. Au-dessus du bas-lambris, un miroir (sur deux des murs) ou une porte (sur les deux autres) est encadré par deux panneaux verticaux appelés parcloses, eux-mêmes séparés en deux dans le sens de la hauteur par un médaillon central à décor de figures en camaïeu bleu ou rose sur fond or. Le plafond est à compartiments, dans la tradition française du XVIIe siècle.
The decoration of this study is a fine example of the transposition of the Parisian and Versailles style in provincial France.
Each of the four walls has a tripartate composition. Above the wainscoting, a mirror (on two walls) or a door (on the two other walls) is framed by two parcloses, narrow vertical panels divided in two vertically by a central medallion decorated with figures painted in blue or pink monochrome on a gold ground. The ceiling is coffered (divided into panels) in the 17th-century French tradition.
Organisé en fonds mosaïqués, médaillons moulurés et compartiments où s’enroulent des arabesques, ce décor trouve sa source dans l’art parisien des années 1710 – 1720. Dans ces cadres bien délimités se déploie un vocabulaire décoratif foisonnant, fantaisiste voire fantastique, de chimères, têtes de faunes et feuilles d’acanthe, éléments dont certains évoquent le style Louis XIV tandis que d’autres annoncent la rocaille qui s’épanouira sous Louis XV. Le plafond, qui combine médaillon central orné de putti sur fond de ciel bleu, et compartiments peints d’arabesques sur fond doré, montre aussi la transition entre les deux styles.
Les mascarons à tête de faune barbu, les chimères ailées, sont des créatures imaginaires et fantastiques nées de l’imagination des hommes de l’Antiquité et reprises dans l’art et la décoration au long des siècles.
Les visages entourés de guirlandes de lauriers ou autres végétaux sont issus du répertoire décoratif louis-quatorzien. On les retrouve très fréquemment en bronze doré, ornant des meubles ou des pendules, par exemple sur les réalisations du célèbre ébéniste de Louis XIV, André-Charles Boulle.
Parmi les autres ornements sculptés visibles sur les boiseries, vases, cassolettes, médaillons avec un profil (rappelant les camées) sont des motifs tirés du répertoire ornemental antique. On les retrouve peints, associés à des figures hybrides, guirlandes de fleurs, parasols, enroulements, formant un décor d’arabesques également issu du répertoire antique. Autorisant la plus grande fantaisie et l’imagination la plus débridée, les arabesques furent un thème décoratif très en faveur et qui fut réinterprété, avec de multiples variantes, du XVIe au XIXe siècle.
Les coquilles, palmes, feuilles d’acanthe et fleurs sont pour leur part des ornements typiquement rocaille. L’art rocaille, qui s’épanouit dans la première moitié du règne de Louis XV, tire ses motifs de la nature et les réinterprète en bois sculpté sur les lambris, les meubles de menuiserie (chaises, fauteuils) comme en bronze doré, pour orner meubles d’ébénisterie (commodes, bureaux) et pendules.
Composed of a mosaic of medallions and compartments intwined with arabesques, this decor is inspired by the Parisian interiors of the 1710s and 1720s. Its geometric framework teems with a fanciful, even fantastic decorative array of chimera, fauns’ heads and acanthus leaves. Some of these elements evoke Louis XIV decoration while others foreshadow the rococo style that flourished in Louis XV’s reign. The ceiling, with its central medallion decorated with cherubs on a sky-blue ground and recessed panels painted with arabesques on a gold ground, also shows the transition between the two styles.
The bearded fauns’ heads and winged chimera in the mascarons are imaginary creatures originating in Antiquity, frequently depicted in art and decoration down the centuries.
The faces surrounded by garlands of laurels and other plants are derived from the Louis XIV decorative repertoire and often features of the gilt bronze decoration of furniture and clocks, for example on the creations of Louis XIV’s famous cabinetmaker, André-Charles Boulle.
The sculpted ornamentation of the panelling is also composed of vases, cassolettes and profile portrait medallions reminiscent of cameos, painted motifs typical of the antique ornamental repertoire. Combined with hybrid figures, flower garlands, parasols and coils, they create a decor of arabesques also originating in Antiquity. Allowing free rein to fantasy and imagination, arabesques were an enduringly popular decorative theme employed with great variety from the 16th to the 19th century.
On the other hand, the shells, palm leaves, acanthus leaves and flowers are typical of rococo, the style, inspired by the forms of nature, that emerged in the first half of Louis XV’s reign. Joiners reinterpreted these motifs in sculpted wood on wainscoting, chairs and armchairs, and cabinetmakers and clockmakers used them to decorate furniture (chests of drawers, desks) and clocks with gilt bronze.
Thomas l’Aîné, comme beaucoup d’artistes de son époque, a fourni des modèles de décoration d’intérieur qui ont été gravés au XVIIIe siècle et ainsi largement diffusés. Son « Livre de divers dessins d’ornements » présente des projets d’élévation et des détails de décoration très comparables à ce qui a été réalisé ici.
Like many artists of his period, Thomas l’Aîné produced interior decoration models that were engraved and widely disseminated. His Livre de divers dessins d’ornements (Book of Various Drawings of Ornaments) includes elevations and decorative details very similar to those in evidence here.
Le mobilier et les objets présentés dans cette pièce recréent l’ambiance d’un cabinet d’amateur au tournant du XVIIIe siècle. Dans l’enfilade des pièces d’un riche appartement de cette époque, le cabinet arrive en dernier. Il est placé après la chambre et son usage est entièrement privé. A une époque où la recherche d’intimité va grandissante, et où la chambre a encore un caractère semi-public hérité du XVIIe siècle, le cabinet joue ce rôle de pièce de retrait. Le maître des lieux, seul ou accompagné de quelques amis triés sur le volet, s’y tient pour lire, discuter, se reposer ou méditer… Une méditation à caractère souvent esthétique, favorisée par le déploiement d’objets de collections qui incitent à la délectation et au dépaysement. Le cabinet combine ainsi un caractère intime avec un rôle de « cabinet de curiosités ».
Au centre de la pièce se trouve une table-console, type de table hérité de la console murale, devenu meuble de menuiserie (c’est-à-dire en plein bois), qui s’est progressivement détaché du mur et, muni de quatre pieds, a été placé au centre de la pièce. On y retrouve le même vocabulaire décoratif que sur les murs : visage de femme, masques de faunes, croisillons, palmes et guirlandes.
Les fauteuils installés dans ce cabinet, larges et confortables, sont garnis de canne, une nouveauté introduite au début du XVIIIe siècle. Le cannage, en rotin le plus souvent, permet d’obtenir des fauteuils plus légers, plus aérés, idéaux pour les pièces de travail (fauteuils de bureau), pour des meubles de toilette (bidets) ou bien pour des fauteuils destinés aux pièces de repos, comme ici. Sur ces sièges se déploient les motifs privilégiés du décor rocaille, coquilles, palmes, fleurettes…
Sur des consoles murales sont posées des vases et coupes en porcelaine de Chine. Dès la Renaissance, cette matière inconnue en Europe a fasciné les Occidentaux, qui n’ont percé les secrets de sa fabrication que dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Les objets de porcelaine étaient un must-have que tout amateur éclairé se devait de posséder et de présenter dans son cabinet.
Sur la table-console est présentée une coupe en porcelaine de Chine montée en bronze doré. Au XVIIIe siècle, le goût pour ces porcelaines était tel en effet, que pour les enrichir et les mettre en valeur nombre d’entre elles ont été « montées », c’est-à-dire pourvues d’une monture le plus souvent en bronze doré, qui rehausse leur beauté et leur préciosité.
The furniture and objects in this room recreate the atmosphere in a collector’s study at the turn of the 18th century. The study was the last of the sequence of rooms in a wealthy apartment of the period. It came after the bedroom and was exclusively for private use. In a period increasingly concerned with intimacy and privacy, when the bedroom still had a semi-public use inherited from the 17th century, the study was a place of retreat. The master of the house, alone or with close friends, retired there to read, converse or meditate, and whose aesthetic reflections could be inspired by his delight in beholding an array of objects from often distant lands. The study had this dual role of private retreat and “cabinet of curiosities.”
The form of the table in the middle of the room is derived from the mural console table, which gradually left the wall and became a free-standing piece of joinery (in solid wood) with four legs. It retained the decorative vocabulary of its mural predecessor: women’s faces, masks of fauns, latticework, palm leaves and garlands.
The wide, comfortable armchairs in this study are caned, a technique introduced in France in the early 18th century. Replacing upholstery and usually in rattan it enabled the creation of lighter, more ventilated chairs ideal for workrooms (desk chairs), bathroom furniture (bidets) and, as here, armchairs for private rooms. These chairs were decorated with the favourite motifs of rococo decoration: coquilles, palm leaves, flowerets, etc.
The mural console tables are adorned with Chinese porcelain vases and dishes. From the Renaissance onwards, Europeans were fascinated by this material unknown in the West, where the secrets of its production were not discovered until the second half of the 18th century. Objects in porcelain were a “must” for every enlightened collector’s study.
The Chinese porcelain dish on the console table has a gilt bronze mount. In the 18th century, Chinese porcelain was so prized that many pieces were set in a mount, often gilt bronze, to emphasise their beauty and great value.
Conservatrice en chef du département XVIIe-XVIIIe : Anne Forray-Carlier
Chargée des collections asiatiques : Béatrice Quette
Assistante de conservation : Sophie Motsch
Documentaliste : Véronique Cieslik
Conception, production, développement : Mosquito Emmanuel Rouiller, Arnaud Martin
Design mobilier : Avec Vous Design Claire Mouret
Photographies panoramiques : Michel Urtado, Stefan Von Laue
Photographies des œuvres : Jean Tholance, Laurent-Sully Jaulmes, Cyrille Bernard
Réalisation mobilier : Tôle concept Philippe Chaouche
Ce cartel numérique et ceux de toutes les Period-Rooms ont été réalisés avec le soutien de la Fondation Bettencourt Schueller.
Curator of the 17th-18th Century Department: Anne Forray-Carlier
In charge of the Asian collections: Béatrice Quette
Curatorial assistant: Sophie Motsch
Documentalist: Véronique Cieslik
Concept, production, development: Mosquito Emmanuel Rouiller, Arnaud Martin
Furniture design: Avec Vous Design Claire Mouret
Panoramic photographs: Michel Urtado, Stefan Von Laue
Photographs of works: Jean Tholance, Laurent-Sully Jaulmes, Cyrille Bernard
Furniture maker: Tôle concept Philippe Chaouche
All the digital labels in the Period Rooms were produced with funding from the Fondation Bettencourt Schueller.