Louis-Émile Durandelle : la mémoire du Mont Saint-Michel

Du 26 février au 30 avril 2014

Louis-Emile Durandelle, Construction du Sacré Cœur, [1884]
Papier albuminé
© Suzanne Nagy

La Bibliothèque du MAD conserve dans ses collections un bel ensemble d’épreuves sur papier albuminé de Louis-Émile Durandelle (1839-1917). Représentatives de sa pratique de la photographie d’architecture, elles témoignent des grands chantiers parisiens mis en œuvre durant la deuxième moitié du XIXe siècle. En dehors des grands travaux menés dans la capitale, la bibliothèque possède une soixantaine de photographies sur la restauration du Mont Saint-Michel, objet de la présente exposition.

En 1872, l’architecte Edouard Corroyer, en charge de la restauration du Mont, fait appel à Durandelle pour couvrir la progression du chantier. La Bibliothèque du MAD est heureuse de présenter au public les travaux de ce photographe mis en valeur grâce aux recherches menées par Charlotte Leblanc, dans le cadre de sa thèse à l’École Pratique des Hautes Études, sur les rapports de Louis-Émile Durandelle avec Édouard Corroyer. Cette exposition est également l’occasion de rendre hommage à un architecte qui, en tant que membre du conseil d’administration de l’Union centrale des Arts décoratifs durant une vingtaine d’années, a été impliqué de près dans la vie de l’institution.

Puisse cette collaboration, entreprise grâce aux travaux de Charlotte Leblanc, susciter les chercheurs à venir explorer et mettre en valeur d’autres corpus conservés dans nos collections.

Louis-Émile Durandelle (1839-1917)

Louis-Emile Durandelle, la voiture laboratoire de Durandelle devant une scierie, [entre 1875 et 1890]
Papier albuminé
© Suzanne Nagy

Né à Verdun en 1839, Louis-Émile Durandelle commence sa carrière de photographe à Paris vers 1860 en se spécialisant dans la « reproduction artistique industrielle et commerciale ». Il ne réalise pas seulement des portraits, mais utilise aussi la photographie pour reproduire des objets d’art, tableaux, usines, maisons ou édifices publics. En se déplaçant sur les divers chantiers de construction grâce à une « voiture laboratoire », il enregistre les différentes étapes des constructions parisiennes du Second Empire et de la Troisième République. On lui doit ainsi de célèbres photographies de la construction de la tour Eiffel, de l’Opéra Garnier, du Sacré-Cœur de Montmartre, de la gare Saint-Lazare, du Comptoir d’Escompte, de l’Hôtel-Dieu ou encore des restaurations du Mont Saint-Michel.

Édouard Corroyer (1837-1904)

Louis-Emile Durandelle, Chantier de restauration du cloître, Album « Vues du Mont Saint-Michel », [entre 1879 et 1880]
Papier albuminé
© Suzanne Nagy

Parmi les architectes qui ont eu recours au talent photographique de Durandelle, on trouve par exemple Charles Garnier, Gustave Eiffel ou Jean-Louis Pascal. Mais le plus emblématique d’entre eux reste certainement Édouard Corroyer qui se présenta comme un défenseur de l’usage de la photographie dans la pratique professionnelle de l’architecte. A la fois bâtisseur et restaurateur, disciple de Viollet-le-Duc, Édouard Corroyer fut par ailleurs un théoricien de l’architecture. Il a publié de nombreux ouvrages et articles sur l’architecture romane et gothique, l’architecture du Mont-Saint-Michel ou encore les divers salons d’architecture organisés à Paris. C’est notamment dans les rapports des expositions d’architecture qu’Édouard Corroyer encourage ses confrères à faire appel à des photographes sur leurs chantiers de construction. La restauration du Mont Saint-Michel représente un moment important de la carrière d’Édouard Corroyer. Le 14 mai 1872, Viollet-le-Duc confie à l’architecte une étude d’ensemble de l’édifice afin d’évaluer l’état des constructions. Corroyer séjourne alors plusieurs mois au Mont Saint-Michel et exécute des relevés des différentes parties de l’édifice. Il fait également réaliser par Louis-Émile Durandelle une série de photographies du Mont afin de garder la mémoire de cette restauration. Le photographe produisit entre autres quelques vues d’ensemble, faisant le tour du mont depuis la baie, pour le révéler sous tous les angles, la silhouette se découpant dans un ciel parfaitement blanc.

Les photographies du mont Saint-Michel

Louis-Emile Durandelle, salle de l’Aquilon,[entre 1872 et 1877]
Papier albuminé
© Suzanne Nagy

Commandées exclusivement par Édouard Corroyer, considéré comme « propriétaire » des images, ces photographies du Mont répondent aux besoins de l’architecte. Outil de promotion de son œuvre dans les différentes expositions d’architecture, elles servirent aussi à diffuser ses recherches dans la presse comme dans ses publications historiques. Les photographies de Durandelle sont alors reproduites sous forme de gravures, respectant les cadrages, la construction des lignes ou les points de vue. La reproduction des photographies de la salle dite de l’Aquilon en est un parfait exemple.

Les relevés du Mont Saint-Michel par Édouard Corroyer

A la suite de la commande faite par la Commission des Monuments historiques à Édouard Corroyer d’étudier l’ensemble de l’édifice, l’architecte réalise de nombreux relevés du Mont Saint-Michel en 1873 et 1874. Aujourd’hui conservés dans les archives de la Commission à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ils sont un témoignage de l’état de la Merveille avant les travaux et du projet de restauration initial de l’architecte. Nous pouvons supposer que les photographies de Durandelle ont pu être utiles à Corroyer pour ce premier travail d’étude.

La collaboration entre Édouard Corroyer et Louis-Émile Durandelle

La collaboration entre Édouard Corroyer et Louis-Émile Durandelle sur le Mont ne s’arrêta pas à la phase d’étude architecturale. Certaines photographies de Durandelle enregistrent aussi les étapes du chantier de restauration comme en témoignent par exemple les vues du cloître. Il est ainsi photographié avant sa restauration, mettant en avant la mauvaise conservation de la sculpture ornementale, puis pendant les travaux alors que les ouvriers et artisans posent la charpente et les tuiles colorées à la fin de l’année 1879 et durant l’année 1880. Quelques tirages le montrent enfin achevé après le mois de mars 1881, identifiable par sa nouvelle couverture multicolore.

Ainsi, ces photographies de Durandelle ont indéniablement concouru à la formation progressive d’un imaginaire collectif du Mont Saint-Michel.

Louis-Emile Durandelle, Construction de la Tour Eiffel, [1888]
Papier albuminé
© Suzanne Nagy

Le fonds Durandelle à la Bibliothèque du MAD

Parmi les plus prestigieuses photographies prises par Durandelle conservées à la Bibliothèque du MAD, nous pouvons également citer : la construction de la tour Eiffel, l’Opéra Garnier, le Sacré-Cœur de Montmartre, le Comptoir d’escompte, le Crédit lyonnais, le Conservatoire des Arts et métiers, la Galerie des machines à l’Exposition universelle de 1889, l’aménagement de la salle Labrouste de la Bibliothèque nationale, et hors capitale des vues de la construction du Théâtre de Monte-Carlo.

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