Le projet d’exposition virtuelle « Exposition de 1925 » a été pensé dans le cadre d’un travail de recherche engagé sur le fonds photographique Albert Lévy du Musée des Arts Décoratifs.

Présentation

Ce travail de recherche, réalisé par Maud Allera, a été conduit en partenariat avec le Master II Recherche en Histoire de l’Art appliqué aux collections de l’École du Louvre et le département Art nouveau-Art déco du musée. La conduite de ce travail biographique sur Albert Lévy (1891-1976) doit permettre d’éclairer la carrière et le rôle de l’éditeur d’art dans la période 1925-1935, son lien avec le MAD ainsi que le rôle joué par la photographie dans la diffusion des arts décoratifs.

L’inventaire du fonds, le dépoussiérage des plaques de verre, leur reconditionnement ainsi que la création des notices photographiques sur la base de données et les constats d’état ont été réalisé dans ce cadre. Grâce au mécénat de la fondation Bettencourt Schueller, ce travail préparatoire s’est également inscrit dans le plan de numérisation du fonds photographique de l’exposition de 1925.

Ce projet d’exposition virtuelle a été pensé comme un aboutissement du travail de valorisation ainsi engagé. Ce fonds se révèle d’une importance majeure, tant pour l’histoire des arts décoratifs que pour l’histoire de l’édition d’art pour cette période. Par ce projet transversal (photothèque, département Art nouveau-Art déco, conservation-restauration, bibliothèque), il est l’un des premiers fonds des collections photographiques patrimoniales du Musée des Arts Décoratifs à être valorisé sous la forme d’un outil de médiation numérique diffusé au grand public.

Le fonds photographique patrimonial Albert Lévy (1891-1976)

Le fonds « Éditions Albert Lévy » conservé au Musée des Arts Décoratifs est constitué d’environ 4000 plaques de verre de formats 18 x 24 cm et 24 x 30 cm. Il correspond aux archives photographiques de la maison d’édition Albert Lévy – Librairie Centrale des Beaux-Arts, éditeur d’art spécialisé dans les arts décoratifs et photographe du Musée des Arts Décoratifs de 1910 à 1930.

Le fonds fut probablement reversé après la seconde guerre mondiale au musée ; la moitié a été inventoriée dans les années 1970 et correspond en grande partie à des photographies publiées dans les revues Art et Décoration et L’Architecte. La seconde partie du fonds correspond à des vues d’expositions du Musée des Arts Décoratifs et à des reportages sur des sujets divers, souvent inédits.

Ce fonds représente une source de documentation majeure sur les arts décoratifs des années 1920 à 1930. Il est constitué notamment de clichés provenant de studios photographiques importants tels que ceux de Thérèse Bonney ou de Chevojon. Certains ensembles de photographies, celui du pavillon de l’Esprit Nouveau de Le Corbusier pour l’exposition de 1925 ou celui de la Villa Noailles à Hyères, constituent aujourd’hui des références visuelles incontournables pour la connaissance de ces bâtiments.

Régulièrement commercialisée pour des publications ou des expositions, une partie du fonds photographique Albert Lévy a fait l’objet d’une numérisation importante financée par la fondation Bettencourt Schueller, ainsi des 444 négatifs sur plaques de verre documentant l’Exposition de 1925.

Le fonds photographique Francis Jourdain (Paris, 1876-1958)

Fils de l’architecte Frantz Jourdain, Francis Jourdain aborde l’art décoratif après une première carrière de peintre. En 1911, il obtient un Grand Prix à l’Exposition Internationale de Turin. Il fonde, l’année suivante, les Ateliers Modernes qui ne cessent de s’agrandir pour devenir une usine à la fin de la guerre, complétée ensuite par un magasin de vente rue de Sèze à Paris, à l’enseigne « Chez Francis Jourdain ».

Le premier en France, il s’occupe d’aménager l’espace de plus en plus restreint imposé par les conditions nouvelles de vie au lieu de le décorer au sens traditionnel. « …On peut aménager très luxueusement une pièce en la démeublant plutôt qu’en la meublant ». Cette conception et son souci de produire des meubles bon marché destinés à la clientèle populaire font de lui un précurseur.

Dès les années 1912-1914, il établit des modèles nouveaux de tissus, de tapis, de papiers peints et de céramiques.

À l’Exposition de 1925, il est chargé de l’organisation du fumoir et de la salle de culture physique du pavillon de L’Ambassade Française tandis que les Chemins de Fer Paris-Orléans exposent le wagon-fumoir qu’il a aménagé pour eux. Il participe avec Robert Mallet-Stevens, Pierre Chareau et René Herbst au mouvement moderne qui aboutit à la création en 1929 de l’Union des Artistes Modernes dont le premier salon s’ouvre en 1930 au Musée des Arts Décoratifs. Cet ensemble photographique original comprend 80 tirages donnés par Madame Vines Jourdain, l’épouse du décorateur, le 14 avril 1961 à la suite de l’exposition « Rose Adler, Pierre Chareau, René Gabriel, Francis Jourdain, Robert Mallet-Stevens, Jean Puiforcat », organisée par le Musée des Arts Décoratifs d’octobre 1960 à février 1961 (Inv. 29917). Les collections du Musée des Arts Décoratifs conservent également seize dessins, neuf papiers peints, deux céramiques et un tableau de Francis Jourdain.

Deux albums de photographies de la Compagnie des Arts Français (1919-1927)

La Compagnie des Arts Français est une maison de décoration et d’édition fondée en 1919 par l’architecte Louis Süe (1875-1968) et le peintre André Mare (1885-1932), au 116, rue du Faubourg-Saint-Honoré à Paris.

Reprenant les idées de l’Atelier Français, fondée par Louis Süe en 1912 et de la Maison Cubiste d’André Mare, présentée au Salon d’Automne de cette même année, ils s’entourent d’une équipe d’artistes et d’artisans de disciplines complémentaires, intéressés par les applications décoratives de leur art : les peintres Paul Vera, Charles Dufresne, Gustave-Louis Jaulmes, Bernard Boutet de Monvel, André Dunoyer de Segonzac, Jean-Louis Boussingault, le ferronnier Richard Desvallières, le sculpteur Pierre Poisson, le peintre et verrier Maurice Marinot, et le dessinateur André Marty.

Souhaitant créer des ensembles « sérieux, logiques, accueillants », tout en renouant avec la tradition, ils abordent la décoration intérieure dans son ensemble : décors, meubles, étoffes, céramiques, verreries, bronzes, luminaires, papiers peints. Deux productions sont envisagées, une en série et une, luxueuse à destination d’une clientèle aisée dont certains modèles sont reproduits dans un recueil paru en 1921, « Architectures », qui se veut le manifeste de la Compagnie et pour lequel Paul Valéry écrit le texte « Eupalinos ou l’Architecte ».

Louis Süe (à gauche) et André Mare (à droite) dans leur bureau de la Compagnie des Arts Français, 116 rue du Faubourg-Saint-Honoré
Paris, 1920-1927
Épreuve argentique
Musée des Arts décoratifs, inv. 45406 B. 158
© DR

L’activité parallèle de Louis Süe comme architecte permet à la Compagnie des Arts Français d’obtenir des commandes prestigieuses associant construction et décoration, de 1921 à 1927. Elle aménage et meuble l’ambassade de France à Washington, les cabines de luxe pour le paquebot « Paris » et le grand salon des premières classes du paquebot « Ile-de-France ». Elle décore également à Paris les boutiques du joaillier Linzeler et du couturier Jean Patou. Ce dernier, ami de Louis Süe, lui commande également l’aménagement de son hôtel particulier à Paris. L’actrice Jane Renouardt fait également partie de la clientèle et Louis Süe construit sa maison à Saint Cloud, tandis que la Compagnie réalise le décor.

Son importante participation à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925, représentative de sa large production d’équipements et d’objets, lui vaut une reconnaissance internationale. Elle possède son propre pavillon, sur l’esplanade des Invalides, le « Musée d’Art Contemporain », tout en participant à l’ameublement et à l’aménagement d’autres pavillons, dont le pavillon Fontaine situé en pendant du sien, l’Ambassade française, la boutique des Parfums d’Orsay, la Salle des Fêtes du Grand Palais ou le stand Pleyel.

En raison de problèmes financiers, cette étroite collaboration cesse en 1927. L’affaire est reprise par le principal actionnaire des Galeries Lafayette qui souhaite adjoindre à l’atelier de la Maîtrise une filiale prestigieuse. Jacques Adnet est alors nommé par Maurice Dufrêne directeur artistique de la maison à laquelle il va donner une nouvelle orientation tournée vers l’avant-garde avec des collaborateurs comme Charlotte Perriand, Djo-Bourgeois, Francis Jourdain et René Herbst. La galerie entièrement rénovée est inaugurée le 10 octobre 1928.

En 1976, alors que le musée des Art décoratifs présente l’exposition « Cinquantenaire de l’exposition de 1925 », Madame Mare-Vène, fille d’André Mare, donne ces deux albums de référence de la Compagnie des Arts Français. Comprenant 226 tirages papier, ils illustrent la riche production issue de cette collaboration entre deux artistes, convaincus que la modernité venait du travail autour de projets de décoration communs.

Quatre affiches pour annoncer l’Exposition

L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 marque le relèvement de l’économie nationale après les années de guerre. Pour l’annoncer, quatre affiches issues d’un concours ont été éditées. Les projets sont soumis à un jury officiel composé de romanciers, d’architectes, et d’hommes politiques, sans participation d’affichistes ou de professionnels de la publicité.

Maquette d’affiche « Exposition internationale des Arts Décoratifs et Industriels modernes. Paris 1925 », René Prou (affichiste), 1925
Papier cartonné, gouache, mine de plomb, encre, 52,5 cm (hauteur) ; 37,5 cm (largeur). Inv. 11341
© photo Cyrille Bernard pour MAD

La sélection des œuvres d’Antoine Bourdelle, Robert Bonfils, André Girard et Charles Loupot, fruit de compromis, ne reflète pas l’art de l’affiche des années 1920. Marquée par la recherche de la synthèse graphique telle que la pratiquent Cassandre ou Jean Carlu, l’affiche moderne, puissante et suggestive délivre un message clair.

L’affiche de Bourdelle, prouve qu’un grand sculpteur n’est pas un bon affichiste. Sa composition complexe et bitumeuse ne suggère rien des « arts décoratifs modernes et industriels » au public de la rue.

La composition d’André Girard , sombre et charbonneuse, tente de conjuguer l’intitulé de l’exposition dans une allégorie où l’art domine l’industrie.

Si l’affiche de Robert Bonfils, décorateur et illustrateur , s’impose comme la plus décorative, elle reste toutefois une vignette proche de celles qui émaillent le catalogue officiel de l’exposition. Cette illustration était à l’origine un projet de timbre, pas une affiche.

Affiche « Exposition internationale Arts Décoratifs et industriels modernes avril Paris 1925 octobre », Charles Loupot (affichiste), 1925
Commanditée par Ministère du Commerce et de l’Industrie, Les Editions de l’Image de France (éditeur), Paris. Papier, lithographie couleur, 59 cm (hauteur) ; 39 cm (largeur). Inv. 11331.3
© Adagp, Paris / photo Cyrille Bernard pour MAD

Seule l’affiche de Charles Loupot , affichiste professionnel répond à la commande. Elle est choisie pour l’affichage en France et à l’étranger.

R.L. Dupuy, publicitaire et professeur à l’École de haut enseignement commercial de Paris, critique sans complaisance, en fait une très belle analyse : « L’idée toute simple est celle-ci : une rose d’or symbolisant l’œuvre d’art se dégage de l’usine rouge entre deux immenses torsades de fumée noire. À la vérité ces panaches de fumée sont peut-être un peu trop épais, trop noirs. Mais la rose d’or, par contraste, apparaît très pure, très précieuse et en juxtaposant ainsi la grossièreté de l’industrie à la finesse des produits qu’elle fournit. Loupot a remarquablement symbolisé l’idée exprimée par le texte Exposition des arts décoratifs et industriels modernes ».1.

Quant aux propositions géométriques et publicitaires de René Prou, écartées par le jury, elles restent à l’état de maquettes.

La présence de l’affiche à l’Exposition de 1925 a été arrachée tardivement aux organisateurs, frileux à son égard, grâce aux efforts de l’Union de l’affiche française. La professionnalisation de la publicité s’impose peu à peu et est enfin reconnue par la création d’un pavillon consacré à la publicité lors de l’Exposition Internationale de 1937.

1Gebrauchsgraphik, n°3, 1927, p.45.

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