Cette exposition se propose d’explorer les artifices utilisés par les femmes et les hommes, du XIVe siècle à nos jours, pour dessiner leur silhouette. Ce projet original peut être appréhendé comme une longue histoire des métamorphoses du corps soumis aux diktats des modes successives. Quels sont les mécanismes qui ont contraint les corps des femmes afin d’obtenir des tailles resserrées jusqu’à l’évanouissement, des gorges pigeonnantes contrebalançant un fessier rehaussé à l’extrême, des hanches elargies, ou bien aplatissent des seins et des ventres ? Comment les hommes eux-mêmes ont-ils poussé leur virilité en bombant artificiellement les torses, en rajoutant des formes aux mollets, ou aux braguettes ? Toutes ces structures faites de fanons de baleine, de cerceaux de rembourrage, mais plus encore de laçages, de charnières, de tirettes, de ressorts ou de tissus élastiques dissimulés sous l’habit sont exposés dans une scénographie de Constance Guisset. Près de deux cents silhouettes rassemblant paniers, crinolines, ceintures d’estomac, faux-cul, gaines, « push up » issus des collections publiques et privées françaises et étrangères permettent, pour la première fois, d’aborder une lecture insolite de la mode liée au corps.

Tout d’abord, l’univers masculin et sa quête de la virilité sont évoqués avec les pourpoints étonnamment rembourrés du XIVe au XVIe siècle ainsi qu’avec les braguettes proéminentes de la Renaissance. Le XVIIIe siècle est caractérisé par les vestes matelassées provoquant des torses arqués. Les amplificateurs de mollets, les ceintures d’estomac et les slips-gaines sont révélateurs de la période XIXe-XXIe siècles. Les femmes, quant à elles, ont de tout temps rivalisé d’imagination et d’artifices avec les premiers corsages baleinés, les vertugadins (premières jupes renforcées de cerceaux de rotin ou de métal), les paniers, les crinolines, les tournures, les corsets, les gaines et les push-up d’aujourd’hui. Cet insolite défilé de mode n’oublie pas non plus les enfants qui ont porté des corsets au moins depuis le XVIIe siècle.

Renforcées d’armatures et d’autres mécanismes, toutes ces pièces de vêtement permettaient la rectitude, la verticalité tant attendue par une aristocratie, puis par une puissante bourgeoisie, toutes deux soucieuses d’un idéal de supériorité.

Le parcours tant insolite que didactique donnera la part belle au XIXe siècle. En effet, sous le Second Empire et la Troisième République principalement, le corset règne en tyran pour répondre à l’exigence de la « taille de guêpe » accentuée par l’évasement excessif des crinolines. Après 1870, ce jupon à baleines disparaît et se voit remplacé par la tournure – dite aussi le « faux-cul », la « queue d’écrevisse » ou encore le strapontin – qui donne aux femmes un étrange et sinueux profil d’oie.

Au XIXe siècle, les sous-vêtements n’ont jamais été aussi abondants et cachés à la fois. Si, au fil de l’histoire de la mode, les formes évoluent et les techniques s’affinent, le dessein du vêtement mécanique est récurrent : effacer le ventre, comprimer la taille jusqu’à la creuser, maintenir la poitrine, rehausser les seins – parfois les aplatir –, arrondir les hanches. Bref, le confort a souvent cédé le pas à l’apparence jusqu’à ce que, vers 1900, Nicole Groult, Paul Poiret et Madeleine Vionnet instaurent, pour un temps, le goût de la ligne « naturelle ».

L’exposition se poursuit avec le soutien-gorge, la gaine (et ses exemples masculins). Si le souci du soutien-gorge n’est plus de comprimer ou de rehausser les seins mais de les emboîter et les séparer, a-t-il perdu pour autant le rôle essentiel des vêtements baleinés d’autrefois : modeler la silhouette ? De nos jours, les soutiens-gorge « ampliformes » et pigeonnants en vue de créer un effet plongeant même sur les silhouettes les plus menues, répondent encore aux diktats des canons de beauté à une époque où l’on façonne moins son corps par des vêtements que par des régimes, le body building et la chirurgie. Toutefois, l’histoire du corset, de la crinoline ou de la tournure n’est pas révolue pour autant puisque des créateurs comme Thierry Mugler, Jean Paul Gaultier, Rei Kawakubo pour Comme des Garçons, Christian Lacroix ou Vivienne Westwood, etc. ont livré d’étonnants exemples permettant de clamer que les XXe et XXIe siècles ont fait du dessous d’autrefois un dessus expérimental.

Parallèlement aux deux-cents dessous présentés – et habits complets formés grâce à ces structures dissimulées –, l’exposition montre des mannequins couverts de reconstitutions de paniers, de crinolines ou de tournures, etc., toutes animées afin de saisir l’ingéniosité des mécanismes. De plus, un espace du parcours est spécialement dédié à l’essayage de corsets, de paniers du XVIIIe ou de crinolines, tous spécialement faits à l’identique, afin que le visiteur puisse porter et comprendre ces structures qui ont joué un rôle essentiel dans l’histoire de la mode et des usages vestimentaires.

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