Depuis le début des années 1990, l’exotisme s’affirme comme un thème fort au sein de la société française. Les « tendances ethniques » sont à la mode dans les magazines féminins, qu’il s’agisse de la haute couture ou du prêt-à-porter, de la décoration, de la cuisine, des voyages… L’exotisme a envahi notre quotidien. Ce sujet riche d’actualité a donc été retenu pour la seconde présentation des galeries permanentes du musée de la Mode et du Textile, dont la date d’ouverture au public est fixée au 24 janvier 1998.

La présentation comprend environ 250 costumes, accessoires et textiles provenant de la collection du musée, enrichie de bijoux prêtés par le Musée des Arts Décoratifs. Elle évoque différentes facettes de l’exotisme à travers un parcours chronologique allant du xive siècle à nos jours. Des confrontations avec des pièces étrangères anciennes sont aussi ménagées ponctuellement. Sylvie Legrand-Rossi, conservateur du patrimoine en charge des collections du XIXe siècle et responsable de l’ensemble du projet, a confié au célèbre décorateur italien Ezio Frigerio, la scénographie de l’exposition. Dans cette nouvelle présentation l’exotisme est abordé par touches successives sous la forme d’une quête toujours recommencée qui nourrit à chaque époque l’inspiration des créateurs de mode et de textile. Il se définit comme un espace de liberté pour l’imaginaire, permettant une réévaluation des critères du Beau et du Bon. Distance géographique et mystère, ces deux composantes traditionnelles de l’exotisme, sont appréhendées dans leur transformations successives du xive siècle à nos jours.

Le parcours distingue historiquement quatre grandes vagues d’exotisme, qui se recouvrent l’une l’autre mais sans jamais disparaître totalement. Elles correspondent à quatre caractéristiques du thème et s’inscrivent dans une dynamique : celle de l’incorporation progressive de l’exotisme. Si les matières premières, les techniques et les motifs exotiques priment jusqu’à la fin du xviiie siècle, ils sont relayés par les accessoires au xixe siècle, notamment par le châle cachemire qui tranforme l’allure féminine ; à partir du début du xxe siècle, le succès de la coupe droite inspirée, entre autres, par la mode du kimono japonais rompt avec la silhouette corsetée de la Belle Epoque, jetant ainsi les bases de la mode féminine du xxe siècle ; les premiers vêtements exotiques, comme le burnous d’Afrique du Nord ou le pyjama chinois sont portés en Occident dès les années 1920 ; mais il faut attendre la fin des années 1960, et surtout les années 1970, pour voir les garde-robes s’enrichir de vêtements exotiques portés tels quels, marquant ainsi le triomphe de la mode de la rue sur celle des couturiers. Les années 1990 clôturent la présentation en donnant à voir l’exotisme pluriel des créateurs de mode contemporains.

Exotisme et produits de luxe
Du XIVe siècle au début du XIXe siècle, on assiste à une introduction très lente de matières premières, de savoir-faire et de motifs venus d’ailleurs, à travers :
• les soieries importées de Chine par les routes de la soie, puis fabriquées en Italie du Nord et en France dès le xve siècle grâce à l’acclimatation du ver à soie et aux perfectionnements du tissage des façonnés. Leurs motifs exotiques « bizarres » traduisent souvent un chassé-croisé d’influences entre l’Orient et l’Occident.
• les cotonnades peintes et imprimées importées d’Inde aux XVIIe et XVIIIe siècles, puis imitées en France malgré les nombreuses prohibitions, et dont la mode connaît un très grand succès à la fin du XVIIIe siècle.

Exotisme et articles de nouveauté Le xixe siècle et le début du XXe siècle sont marqués par l’engouement pour des accessoires de fabrication étrangère, vendus par les magasins de nouveautés puis les grands magasins, et qui transforment l’allure féminine, notamment :
• le châle cachemire indien, importé en fraude sous le Ier Empire, puis rapidement imité en France sur métier à tisser équipé d’une mécanique Jacquard ; il donne naissance à divers styles de décors (floral, Renaissance, végétal...) qui représentent autant d’exemples d’assimilation du modèle indien. Les châles cachemire imprimés contribuent à la diffusion de cette mode auprès d’une clientèle plus fortunée.
• les éventails brisés fabriqués à Canton pour l’exportation dans la première moitié du XIXe siècle, puis ceux de qualité plus ordinaire importés en masse du Japon dans les années 1890-1900.

Exotisme, Art Nouveau et haute couture
Au début du xxe siècle, l’exotisme joue un rôle majeur dans la création occidentale, inspirant des artistes de premier plan :
• à partir de 1868, l’ouverture du Japon à l’Occident entraîne une redécouverte de ce pays qui lance la mode du japonisme. La confrontation de bijoux des principaux créateurs de l’Art nouveau, comme Lalique ou Véver, avec des objets japonais les ayant directement inspiré (peignes, gardes de sabre, pochoirs…) constitue un des points forts de la présentation.
• dès 1903, le couturier Paul Poiret crée un manteau kimono à la coupe droite qui rompt avec la silhouette corsetée et baleinée de la Belle Epoque. La collection du musée offre des exemples exceptionnels de ce couturier explorateur, qui puise son inspiration aux sources les plus diverses de l’exotisme jusqu’en 1925 : kimono japonais, burnous et djellaba nord-africains, manteau d’Asie centrale, mais aussi broderies et galons folkloriques européens.
• les années 1920 représentent un temps fort de l’exotisme pour la maison de couture Callot sœurs qui se spécialise dans les robes du soir aux étoffes luxueuses richement perlées. Jeanne Lanvin se distingue par son goût prononcé des broderies folkloriques. Dans le domaine textile, la maison Rodier multiplie les créations de tissus aux appellations exotiques. Le « kasha », en pure laine cachemire, est un de ses plus grands succès.

Exotisme et prêt-à-porter
Dans les années 1970, la jeunesse voyageuse rapporte des pays qu’elle visite des vêtements traditionnels qui sont intégrés tels quels à la garde-robe occidentale ou qui inspirent les stylistes du prêt-à-porter naissant. Kenzo est particulièrement bien représenté dans l’exposition. L’engagement politique est alors très présent : on choisit ses vêtements non plus selon les critères d’une mode dominante mais selon ceux dictés par le sentiment d’appartenance à un groupe politique ou social déterminé. Les grands couturiers ne jouent plus un rôle moteur dans ce mouvement général d’intérêt pour l’exotisme, devenu à la fois un engagement politique et une quête d’authenticité. Yves Saint Laurent, né à Oran, suit cette mode sans en épouser les excès.

Après la vogue des créateurs japonais des années 1980 qui imposent la mode de la couleur noire et celle des formes épurées, les années 1990 renouent avec un exotisme riche et haut en couleurs. Les « tendances ethniques » procèdent ainsi d’une approche ludique et inventive de l’exotisme, disséminé en petites touches sur des tenues qui n’ont rien à voir avec des panoplies. Tous les métissages sont autorisés, notamment ceux mélangeant les inspirations venues d’ailleurs à celles des racines authentiques ou rêvées. Des modèles des dernières collections de Jean-Paul Gaultier, de John Galliano ou de Christian Lacroix rendent compte de la pluralité de l’exotisme contemporain, devenu une quête à la fois existentielle et individuelle.

Des décors peints recréent, pour chaque époque, une ambiance exotique inspirée d’œuvres aussi diverses que les papiers peints panoramiques de la première moitié du xixe siècle ou l’imagerie indienne du « tantra » au xxe siècle. Ils sont l’œuvre du célèbre décorateur italien Ezio Frigerio, qui a travaillé dès 1955 avec Giorgio Strehler au Piccolo Teatro de Milan. Au cours de sa longue carrière internationale, il a réalisé des décors ou des costumes pour le théâtre, l’opéra, le cinéma, le ballet. A l’Opéra de Paris, Ezio Frigerio a signé les décors et les costumes des Noces de Figaro dans la mise en scène de Giorgio Strehler (1973), du Chevalier à la rose (1976), de Simon Boccanegra (1978), les costumes de Carmen (1980), les décors d’Iphigénie en Tauride (1984) et ceux de Médée (1986). Récemment, à l’Opéra Bastille, il a créé les décors de la Dame de pique (1990). Pour Rudolf Noureev, il a imaginé les décors et les costumes du ballet Roméo et Juliette (1980 à la Scala de Milan, puis en 1984 à l’Opéra) et ceux du Lac des cygnes (1984). En 1992, il réalise avec sa femme pour l’Opéra de Paris, la costumière Franca Squarciapino, les décors et les costumes du ballet La Bayadère, un chef-d’œuvre d’exotisme oriental.

Cette nouvelle présentation est réalisée grâce à la générosité de Mme Linda Wachner-Warnaco Inc.

Le musée de la mode et du textile a obtenu le soutien de Balmain - D.E.F.I - magazine ELLE - Gianfranco Ferré - Hermès - L.V.M.H.- U.F.A.C

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