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Ce type d’association de décorateurs aux talents complémentaires, apparaît pour chacun d’eux avant la Première Guerre Mondiale : Louis Süe avec l’Atelier français, maison d’édition de meubles et objets fondée avec Jacques Palyart en 1912, et André Mare avec la Maison Cubiste qu’il présente au Salon d’Automne de cette même année.
Convaincu que la modernité viendra du travail autour de projets de décoration commun, d’où le nom de « compagnie », ils s’entourent d’une équipe d’artistes et d’artisans de disciplines complémentaires, intéressés par les applications décoratives de leur art : les peintres Paul Vera, Charles Dufresne, Gustave-Louis Jaulmes, Bernard Boutet de Monvel, André Dunoyer de Segonzac, Jean-Louis Boussingault, le ferronnier Richard Desvallières, le sculpteur Pierre Poisson, le peintre et verrier Maurice Marinot, et le dessinateur André Marty.
Souhaitant créer des ensembles « sérieux, logiques, accueillants », tous les aspects de la décoration intérieure sont abordés : décors, meubles, étoffes, céramiques, verreries, bronzes, luminaires, papiers peints. Deux types de production sont envisagés, une en série et une luxueuse à destination d’une clientèle aisée dont certains modèles sont reproduits dans un recueil paru en 1921, « Architectures », qui se veut le manifeste de la Compagnie et pour lequel Paul Valéry écrit le texte « Eupalinos ou l’Architecte ».
L’activité parallèle de Louis Süe comme architecte permet à la Compagnie des Arts français d’obtenir des commandes prestigieuses associant construction et décoration, de 1921 à 1927. Elle aménage et meuble l’ambassade de France à Washington, les cabines de luxe pour le paquebot « Paris » et le grand salon des premières classes du paquebot « Ile-de-France ». Elle décore également à Paris les boutiques du joaillier Linzeler et du couturier Jean Patou. Ce dernier, ami de Louis Süe, lui commande également l’aménagement de son hôtel particulier à Paris. L’actrice Jane Renouardt fait également partie de la clientèle. Louis Süe construit sa maison à Saint Cloud, pour laquelle la Compagnie réalise le décor.
Son importante participation à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925, représentative de sa large production d’équipements et d’objets, lui vaut une reconnaissance internationale. Elle possède son propre pavillon, sur l’esplanade des Invalides, le « Musée d’Art Contemporain », tout en participant à l’ameublement et à l’aménagement d’autres pavillons, dont le pavillon Fontaine situé en pendant du sien, l’Ambassade française, la boutique des Parfums d’Orsay, la Salle des Fêtes du Grand Palais ou le stand Pleyel.
En raison de problèmes financiers, cette étroite collaboration cesse en 1927. L’affaire est reprise par le principal actionnaire des Galeries Lafayette qui souhaite adjoindre à l’atelier de la Maîtrise une filiale prestigieuse. Jacques Adnet est alors nommé par Maurice Dufrêne directeur artistique de la maison à laquelle il va donner une nouvelle orientation tournée vers l’avant-garde avec des collaborateurs comme Charlotte Perriand, Djo-Bourgeois, Francis Jourdain et René Herbst. La galerie entièrement rénovée est inaugurée le 10 octobre 1928. Le carton d’invitation rédigé par le poète Blaise Cendrars illustre sa nouvelle identité à travers l’énumération des sept merveilles des temps modernes :
1. Le moteur à explosion,
2. Le roulement à billes,
3. La coupe d’un grand tailleur,
4. La musique d’ameublement de Satie (que l’on peut écouter sans se prendre la tête entre les mains),
5. L’argent,
6. La nuque dénudée d’une femme qui vient de se faire couper les cheveux,
et cette dernière nouveauté :
7. L’ensemble des meubles modernes.