Eugène Grasset est né à Lausanne le 25 mai 1845. Après des études d’architecture en Suisse, il quitte son pays natal pour la France, puis il parcourt l’Égypte, où il découvre l’art antique.
A la fin de l’année 1871, il s’installe à Paris et trouve une place chez un fabricant de tissus d’ameublement. Il s’enthousiasme alors pour les théories de l’architecture de Viollet-le-Duc et partage son admiration pour l’art gothique.
Animé par l’engouement de ses contemporains pour les arts de l’Extrême-Orient, il assemble peu à peu une collection d’objets d’art asiatiques, d’estampes et d’illustrations japonaises. Cette passion le rapproche du collectionneur et imprimeur Charles Gillot qui lui demande en 1877 de créer le mobilier de son hôtel particulier de la rue Madame à Paris et d’illustrer plusieurs ouvrages, comme Le Petit Nab (1882) et la Légende des Quatre Fils Aymon (1883). Plus tard, Eugène Grasset se fait connaître par ses illustrations d’affiches et de cartes postales.
Il dessine aussi des tissus, des papiers peints et des vitraux religieux et profanes, appliquant son style à tous les domaines de la décoration. En 1890, il dessine pour les éditions Larousse le célèbre emblème de « La Semeuse » soufflant une fleur de pissenlit. Considéré comme l’un des représentants majeurs de l’Art nouveau, il meurt à Sceaux en 1917.
L’imprimeur et collectionneur Charles Gillot (1853-1903) est le fils du graveur Firmin Gillot, l’inventeur de la « panéiconographie », technique plus connue sous le nom de « gillotage » qui permettait de graver chimiquement sur zinc des dessins et de les imprimer en même temps que le texte.
En 1876, il ouvre à Paris le premier atelier français de photogravure et met au point, un an après, un procédé de reproduction des illustrations du livre en couleurs. Ami des artistes et des photographes de son époque, il fait appel à Eugène Grasset pour appliquer ses découvertes. En 1879, il lui demande de décorer l’hôtel particulier parisien dont il a hérité en 1881 et qui abrite sa collection d’objets et d’œuvres d’art.
Charles Gillot, grand amateur d’art médiéval et extrême-oriental, réunit tout au long de sa vie un ensemble d’estampes, de livres illustrés, de laques, de poteries, de bronzes ou d’objets industriels qui fut admiré par ses contemporains. A sa mort en 1903, cette importante collection est donnée pour partie au musée du Louvre et transférée au musée Guimet après la Seconde Guerre mondiale.
The printer and collector Charles Gillot (1853-1903) was the son of the engraver Firmin Gillot, inventor of paniconography, more widely known as “gillotage”, a technique enabling drawings to be chemically engraved on zinc and printed at the same time as the text.
In Paris in 1876 Charles Gillot opened the first French photoengraving workshop and a year later perfected a process for reproducing book illustrations in colour. A friend of contemporary artists and photographers, he chose Eugène Grasset to apply his discoveries. In 1879 he commissioned Grasset to decorate the Paris mansion he inherited in 1881, to house his collection of objects and artworks.
Throughout his life, Charles Gillot, a connoisseur of medieval and far-eastern art, amassed a collection of prints, illustrated books, lacquer, ceramics, bronzes and industrially produced objects admired by his contemporaries. When he died in 1903, this impressive collection was partly donated to the Musée du Louvre then transferred to the Musée Guimet after the Second World War.
Le mobilier ici présenté répond à deux commandes successives.
En 1879, Charles Gillot demande à son ami l’illustrateur Eugène Grasset de concevoir la décoration et l’ameublement des pièces principales de son hôtel particulier du 79 rue Madame, dans le VIe arrondissement de Paris. Construit pour sa mère entre 1875 et 1877, l’immeuble abritait un atelier d’impression spécialisé dans le nouveau procédé de la « photogravure ». Grasset doit concevoir le mobilier des pièces principales : la grande galerie abritant l’importante collection d’art d’Extrême-Orient, du Moyen-Âge et de la Renaissance, la salle à manger et la chambre à coucher. L’ensemble, en bois de chêne, est créé par le décorateur entre 1880 et 1885 et exécuté par l’ébéniste Fulgraff, qui travaille alors pour Charles Gillot.
En 1905, au moment de son mariage avec l’archéologue Georges Seure, la fille de Charles Gillot, Louise-Marcelle Seure (1884-1958), commande à Eugène Grasset un ensemble de salle à manger en noyer composé d’une grande table, de six chaises, d’une desserte et d’un buffet pour son appartement. La jeune femme, qui avait été pendant trois ans l’élève de Grasset à l’Ecole Guérin où il enseignait la décoration, souhaite recréer pour le nouvel appartement qu’elle occupe depuis son mariage un décor qui lui rappelle celui de la rue Madame.
Eugène Grasset crée avec liberté des motifs aux influences multiples, continuant dans le travail du bois et du fer forgé son talent d’illustrateur. L’œil se perd dans la prolifération des ornements. Les représentations de la nature animale, végétale et minérale s’entremêlent. Les rats et les belettes courent le long des colonnes du buffet-dressoir tandis que les oiseaux de nuit se nichent sur la cheminée et côtoient lapins, grenouilles, poissons, chats sauvages, coqs et chauve-souris. Les plantes et les fruits abondent : épis de blé, fleurs, branches de sapin et d’églantier. Cette imagerie naturaliste est complétée par un univers fantastique. Les colonnes prennent la forme de chimères et les sphinges, les griffons et les gargouilles animent le décor sculpté. Les quatre panneaux carrés des portes de la cheminée de Charles Gillot représentent les allégories du Travail, de l’Etude, de la Guerre et de la Paix. Le buffet-dressoir de la salle à manger de Louise-Marcelle Seure est, quant à lui, entièrement consacré aux thèmes de la nourriture et de la boisson.
Malgré l’accumulation, une grande unité esthétique se dégage de l’ensemble mobilier conçu par Eugène Grasset entre 1880 et 1905. L’architecture rigoureuse du mobilier, l’ossature massive des lignes horizontales et verticales, la simplicité des volumes révèlent l’enseignement de Viollet-le-Duc et annoncent l’Art nouveau.
The furniture on display here belonged to two successive commissions.
In 1879, Charles Gillot asked his friend the illustrator Eugène Grasset to decorate and design the furnishings of the main rooms of his mansion at 79 rue Madame in Paris’s 6th arrondissement. Built for his mother between 1875 and 1877, the residence also housed a printing works specialised in the new photoengraving process. Grasset designed the furniture for the main rooms: the grande galerie containing Gillot’s major collection of far-eastern, medieval and Renaissance art, the dining room and the bedroom. All this furniture was designed by Grasset between 1880 and 1885 and made by the cabinetmaker Fulgraff, then working for Charles Gillot.
In 1905, when Charles Gillot’s daughter, Louise-Marcelle Seure (1884-1958) married the archaeologist Georges Seure, she commissioned Eugène Grasset to design a walnut dining room suite comprising a large table, six chairs, a side table and a dresser for her new apartment. Madame Seure, whom Grasset had taught decoration for three years at the Ecole Guérin, wanted to create a decor similar to that of the family home in rue Madame.
Transposing his talents as an illustrator into wood and wrought iron, Eugène Grasset freely created motifs with manifold influences. The eye loses itself in the profusion of animal, vegetable and mineral decoration. Rats and weasels are scurrying up and down the columns of the dresser and night birds are nesting on the fireplace in the company of rabbits, frogs, fish, wild cats, cockerels and bats... Plants and fruit abound: corncobs, flowers and pine and wild rose branches. This naturalist imagery is also peopled with fantastic creatures: columns have the forms of chimera and sphinxes while griffons and gargoyles haunt the sculpted decoration. The four square door panels of Charles Gillot’s fireplace depict allegories of Work, Study, War and Peace. The theme of the decoration of Louise-Marcelle Seure’s dining room dresser is food and drink.
Despite the profusion of ornamentation, the furniture and decoration created by Eugène Grasset between 1880 and 1905 has great aesthetic unity. The rigorous architecture of the furniture, the massive structure of horizontals and verticals and the simplicity of the volumes reflect the teaching of Viollet-le-Duc and foreshadow Art Nouveau.
Le mobilier conçu par Eugène Grasset est resté en place dans l’immeuble de la rue Madame jusqu’à une période récente. Entre 1959 et 2004, la petite-fille de Charles Gillot, Gabrielle Richard, fait don au musée des Arts décoratifs des pièces les plus importantes de l’ameublement de sa famille.
De l’hôtel particulier de Charles Gillot, le musée des Arts décoratifs expose aujourd’hui la cheminée monumentale avec ses chenets destinés à la grande galerie ainsi que le buffet-dressoir, la paire de chaises autour de la table et le lustre de la salle à manger. Une vitrine est exposée dans la salle suivante consacrée au japonisme, tandis que trois autres vitrines et un meuble à estampes sont conservés en réserve.
Du mobilier dessiné par Eugène Grasset en 1905 pour la salle à manger de la fille du collectionneur, le musée expose la table et les chaises présentées le long du mur, un buffet-dressoir, une desserte et conserve en réserve deux consoles d’applique.
The furnishings designed by Eugène Grasset remained in the Gillot residence in rue Madame until, between 1959 and 2004, Charles Gillot’s granddaughter, Gabrielle Richard, donated the most emblematic pieces to the Musée des Arts Décoratifs.
The pieces from Charles Gillot’s mansion on display here are the monumental fireplace and firedogs in the drawing room, and the dresser, pair of chairs, table and chandelier in the dining room. There is a display case of Japanese-style objects in the next room. Three other display cases and a print cabinet are currently in the reserve collection.
In 1905, Eugène Grasset designed furniture for the dining room of Charles Gillot’s daughter. The pieces on display are the table and chairs along the wall, a dresser and a side table. The museum has two console tables in its reserve collection.
La rénovation du parcours permanent menée au début des années 2000 a permis l’aménagement d’une period room conçue par le décorateur et scénographe François-Joseph Graf, grand amateur des arts décoratifs européens des années 1820-1905.
Afin de restituer l’atmosphère de la demeure du collectionneur, un papier peint typique d’un intérieur parisien de cette période a été réédité en 2006 d’après un modèle conservé au musée. Les soubassements en lambris de bois ont été reconstitués d’après photographies. Quant aux objets exposés, ils ne proviennent pas de la collection de Charles Gillot mais recréent le décor foisonnant de l’hôtel particulier de la rue Madame : les céramiques et bronzes chinois, les verres de Philippe-Joseph Brocard et de François-Eugène Rousseau, les faïences orientalistes et japonisantes d’Albert-Louis Dammouse, de Théodore Deck, d’Eugène-Victor Collinot et d’Hippolyte Boulenger, ont été choisis parmi les collections du musée dans l’esprit du temps du collectionneur.
The renovation of the permanent collection in the early 2000s included the creation of a period room designed by the decorator and scenographer François-Joseph Graf, an expert on European decorative art from the 1820s to 1905.
To recreate the atmosphere of a collector’s residence, a wallpaper typical of a Parisian interior during this period was reproduced in 2006 from a model in the museum’s collection. The wood panelling was recreated from photographs. Although the objects on display do not come from Charles Gillot’s collection, they create an impression of the sumptuous décor of his mansion in rue Madame. The Chinese ceramics and bronzes, the glass by Philippe-Joseph Brocard and François-Eugène Rousseau, and the oriental and Japanese-style earthenware by Albert-Louis Dammouse, Théodore Deck, Eugène-Victor Collinot and Hippolyte Boulenger were selected from the museum’s collections to represent the taste of this collector and his time.
Après le mobilier conçu pour Charles Gillot, Eugène Grasset s’essaie à un autre domaine des arts décoratifs en collaborant avec la maison Vever, spécialisée dans la bijouterie, la joaillerie et l’orfèvrerie. Cette association donne lieu à la présentation d’une collection composée d’une vingtaine de bijoux lors de l’Exposition Universelle de 1900.
Créée à Metz en 1821, la maison Vever est alors dirigée par les frères Paul et Henri Vever. C’est probablement Charles Gillot qui introduit Eugène Grasset auprès d’Henri Vever avec lequel il partage une même passion pour les estampes japonaises.
La maison Vever n’est pas seule à faire appel à un artiste pour créer des bijoux nouveaux, bientôt qualifiés de « bijoux de peintres » en raison des jeux sur les couleurs obtenus par l’emploi des émaux et la coloration des ors.
Le vocabulaire ornemental développé par Eugène Grasset pour ces bijoux est peuplé de personnages féminins légendaires, d’animaux et de fleurs. Ses contemporains lui reconnaissent des sources d’inspiration byzantine, irlandaise ou encore japonaise.
Le musée des Arts décoratifs conserve aujourd’hui sept bijoux issus de la collaboration entre Eugène Grasset et la maison Vever, parmi lesquels six furent donnés au musée par Henri Vever en 1924.
After designing furniture for Charles Gillot, Eugène Grasset ventured into another field of decorative art with the jewellers and goldsmiths Vever. The collection of some twenty pieces of jewellery he produced for this firm were shown at the Exposition Universelle in Paris in 1900.
The Vever company was founded in Metz in 1821 by the brothers Paul and Henri Vever. It was probably Charles Gillot who introduced Eugène Grasset to Henri Vever, with whom he shared the same passion for Japanese prints.
Vever was not the only jewellery house to commission an artist to create such pieces, which were soon dubbed “painter’s jewellery” due to the colour harmonies of their enamels and tints of gold.
Eugène Grasset’s ornamental vocabulary of legendary female figures, animals and flowers was considered by contemporaries to be Byzantine, Irish and Japanese influenced.
The Musée des Arts Décoratifs has seven of the pieces Eugène Grasset designed for Vever, six of which were donated to the museum by Henri Vever in 1924.
S’affirmant comme l’un des représentants de l’Art nouveau, Eugène Grasset applique son style à tous les domaines de la décoration et participe à l’abolition de la hiérarchie entre arts majeurs et arts mineurs. Aux côtés de Jules Chéret, d’Alphonse Mucha et d’Henri de Toulouse-Lautrec, Eugène Grasset est, au tournant des XIXe et XXe siècles, l’un des maîtres de l’affiche. La période connaît un véritable engouement pour cet art, lequel se développe à la faveur de la mise en place d’une économie libérale et des progrès réalisés par les techniques d’impression, notamment la lithographie.
Eugène Grasset explore tous les aspects du panneau publicitaire à l’exception de l’affiche politique. Les 129 affiches conservées par les Arts Décoratifs relèvent de l’affiche commerciale (Cycles et automobiles, Abricotine délicieuse liqueur, Dépôt de chocolat Masson), ou de l’affiche culturelle annonçant la parution d’un ouvrage, une exposition ou encore un spectacle (Nouveau Larousse illustré en six volumes, Salon des Cent, Société des artistes décorateurs, Suzy Deguez dans ses danses d’art).
Le traitement de certaines affiches, telle Le Salon des Cent se rapproche, par ses aplats de couleur et ses motifs cernés de noir, de l’art du vitrail, pour lequel Eugène Grasset fournit également des dessins. La matinée de printemps visible en salle 44, résulte ainsi de la collaboration de Grasset avec le peintre-verrier Félix Gaudin (1851-1930).
Establishing himself as one of the leading exponents of Art Nouveau, Eugène Grasset made his stylistic mark in all fields of decoration and played his part in abolishing the traditional distinction between the fine arts and the so-called minor arts. At the turn of the 19th and 20th centuries, with Jules Chéret, Alphonse Mucha and Henri de Toulouse-Lautrec, Eugène Grasset was one of the masters of poster art. This was the period in which the poster gained huge popularity as an art form, prompted by France’s increasingly liberal economy and progress in printing techniques, notably lithography.
Eugène Grasset worked in every field of publicity except the political poster. Les Arts Décoratifs has 129 of his posters in its collection, advertising either products (Cycles et automobiles, Abricotine délicieuse liqueur, Dépôt de chocolat Masson), or cultural events such as a publication, exhibition or stage production (Nouveau Larousse illustré en six volumes, Salon des Cent, Société des artistes décorateurs, Suzy Deguez dans ses danses d’art).
In posters such as Le Salon des Cent, Eugène Grasset’s use of flat colour and forms outlined in black is similar to stained glass, for which he also produced designs. La matinée de printemps, on display in Room 44, was the result of his collaboration with the painter and master glazier Félix Gaudin (1851-1930).
Conservatrice du département XIXe : Audrey Gay-Mazuel
Conservateur en chef du département verre : Jean-Luc Olivié
Chargée des collections asiatiques : Béatrice Quette
Assistante de conservation : Julie Ruffet-Troussard
Conception, production, développement : Mosquito Emmanuel Rouiller, Arnaud Martin
Design mobilier : Avec Vous Design Claire Mouret
Photographies panoramiques : Michel Urtado, Stefan Von Laue
Photographies des œuvres : Jean Tholance, Laurent-Sully Jaulmes, Cyrille Bernard
Réalisation mobilier : Tôle concept Philippe Chaouche
Ce cartel numérique et ceux de toutes les Period-Rooms ont été réalisés avec le soutien de la Fondation Bettencourt Schueller.
Curator of the 19th Century Department: Audrey Gay-Mazuel
Curator of the Glass Department: Jean-Luc Olivié
In charge of the Asian collections: Béatrice Quette
Curatorial assistant: Julie Ruffet-Troussard
Concept, production, development: Mosquito Emmanuel Rouiller, Arnaud Martin
Furniture design: Avec Vous Design Claire Mouret
Panoramic photographs: Michel Urtado, Stefan Von Laue
Photographs of works: Jean Tholance, Laurent-Sully Jaulmes, Cyrille Bernard
Furniture maker: Tôle concept Philippe Chaouche
All the digital labels in the Period Rooms were produced with funding from the Fondation Bettencourt Schueller.