L’exposition est rythmée par trois
thématiques qui reflètent le grand
télescopage des idées et des formes
propres à la décennie : une nouvelle
ère politique et culturelle, le design
en effervescence et le look des
années 80.
Inaugurant le parcours dans les
galeries côté Tuileries, l’élection
de François Mitterrand en 1981 annonce
un changement décisif. L’affiche au slogan
« La force tranquille » du publicitaire
Jacques Séguéla, commandée par
Mitterrand ouvre une nouvelle ère
de communication visuelle globale
et signe l’arrivée du marketing électoral.
Les « grands travaux » architecturaux sont
accompagnés d’identités visuelles : des
commandes sont passées à Grapus pour
la Villette et le Louvre, et à Jean Widmer
pour le musée d’Orsay.
Pour promouvoir le mobilier contemporain,
le nouveau président fait appel à cinq
architectes d’intérieur pour aménager
les appartements privés de l’Élysée :
Marc Held, Ronald Cecil Sportes,
Philippe Starck, Annie Tribel et Jean-
Michel Wilmotte.
C’est sous l’impulsion de l’emblématique
ministre de la Culture Jack Lang
qu’est inaugurée la Fête de la musique
le 21 juin 1982. Il œuvre aussi à une
reconnaissance publique de la mode avec
la création de l’Institut français de la mode
(IFM) en 1986, l’organisation de défilés
dans la Cour carrée du Louvre, les Oscars
de la mode...
Les médias et l’audiovisuel connaissent
un essor sans précédent. Étienne Robial
crée le concept d’habillage télévisuel pour
Canal+ puis pour M6 ou encore la 7. Cette
multiplication des chaînes de télévision
entraîne l’âge d’or du film publicitaire
avec des réalisateurs emblématiques
tels Étienne Chatiliez, Jean-Paul Goude
ou Jean-Baptiste Mondino. La presse
écrite se transforme : Claude Maggiori
repense les couvertures de « Libération »
et l’« art » du slogan investit tous les
domaines.
La section consacrée au design prend
place au cœur de la nef. Dans cette
période d’effervescence, le créateur des
années 80 brasse plusieurs esthétiques,
tout comme le monde de la mode.
Un design moderniste aux accents hightech
côtoie des univers néo-baroques
et primitifs qui exaltent les savoir-faire.
L’action du VIA (Valorisation de l’Innovation
dans l’Ameublement), initié en 1979 par
le ministère de l’Industrie, attribue des
« Cartes blanches » à toute une génération
de jeunes créateurs, parmi lesquels
le groupe Totem, invité à exposer pour
l’inauguration du premier show-room.
Contrairement aux décennies passées,
plutôt que des écoles ou des courants,
ce sont de brillantes individualités qui
sont mises en lumière : François Bauchet,
Martine Bedin, Sylvain Dubuisson, Olivier
Gagnère, Andrée Putman, mais aussi
Philippe Starck ou Martin Szekely. Le VIA
entraîne dans son sillage l’ouverture
de lieux d’avant-garde dédiés à la création
contemporaine : les galeries Perkal, Néotù,
Yves Gastou, En attendant les barbares,
Avant-Scène et Gladys Mougin.
Alors que l’état favorise
une création hexagonale, les commandes
privées ne sont pas en reste. Restituées
sous forme de period rooms le décor
de la maison de couture de Christian
Lacroix par Elizabeth Garouste et Mattia
Bonetti et le bureau du commissaire-priseur
et collectionneur Maître Binoche
par Pucci de Rossi sont deux décors
emblématiques de la décennie.
Un vent de fête et de liberté souffle sur
les années 1980 : les défilés se muent
en shows spectaculaires, ouvrant la voie
aux folles soirées dans des lieux devenus
mythiques : Le Palace et les Bains
Douches. Dans ces clubs où le paraître
est capital et l’excentricité, la règle,
le Tout-Paris danse sur de la musique
new wave, rock et hip-hop. La jeunesse
diversifie ses groupes d’appartenance,
faisant naître une multiplicité de sous-cultures
possédant leurs propres looks.
De l’Antiquité aux années 30,
un phénomène de revival s’empare
de la mode. Thierry Mugler ou Claude
Montana s’inspirent alors des silhouettes
historiques quand Jean Paul Gaultier,
Vivienne Westwood ou Chantal Thomass
les parodient. À l’inverse, Martin Margiela
ou Rei Kawakubo pour Comme des
Garçons tentent de déconstruire la notion
de vêtement. Les corps athlétiques
des mannequins sont moulés dans les
créations d’Azzedine Alaïa ou de Marc
Audibert quand les formes amples
d’Issey Miyake ou d’Anne-Marie Beretta
se veulent architecturales et deviennent
un véritable support d’expression
pour Élisabeth de Senneville
et Jean-Charles de Castelbajac.
La mode s’empare du vestiaire masculin
à l’instar de la célèbre marinière de Jean
Paul Gaultier. Les marques grand public
inondent l’espace urbain de leurs
campagnes publicitaires comme Naf Naf,
Kookaï ou Benetton. Au même moment, depuis le quartier des Halles alors en pleine mutation, agnès b. conçoit le vestiaire intemporel de la parisienne. Le grand défilé
anniversaire de la Révolution française
en 1989, à qui Jean-Paul Goude donne
tout son éclat, conclut le parcours.
Le musée des Arts décoratifs,
en retraçant les moments forts d’une
période qui a bouleversé les codes,
rend honneur à sa propre histoire :
le musée de l’Affiche et de la Publicité,
créé en 1982, et le musée des Arts
de la mode, en 1986 – collections
aujourd’hui rattachées au musée des
Arts décoratifs –, sont une émanation
de la politique des années Mitterrand
et Lang. L’exposition rappelle combien
les années 80 sont celles du carambolage
des styles, de la spontanéité
et de la liberté.