Née en 1931, la chaîne de magasins
Prisunic introduit en France, dès 1946,
le marketing selon le modèle américain
grâce à son nouveau directeur Jacques
Gueden et a su démocratiser, dès
la fin des années 1950, le mobilier
et l’habillement contemporains de qualité.
« Le beau au prix du laid » devient
le slogan officiel, créé par Denise
Fayolle, directrice du bureau de style
de 1957 à 1967. L’enseigne impulse
les premières collaborations avec des
créateurs. S’y côtoient les grands
noms du design et du graphisme parmi
lesquels Terence Conran, qui participe
au premier catalogue de vente en 1968
présentant mobilier, luminaire et vaisselle
que l’enseigne, pionnière par sa formule
de vente par correspondance, met
habilement en scène. En 1997, Prisunic
fusionne avec Monoprix, animé par
une volonté égale de rendre le design
accessible à tous : l’enseigne, qui réaffirme
« le plaisir de vivre à la française »,
occupe dès lors une place de choix dans
le quotidien des consommateurs.
L’exposition, thématique et chronologique,
est conçue en deux parties : la première,
consacrée à Prisunic, s’illustre par des
collaborations majeures initiées avec des
graphistes et designers que les catalogues
de vente par correspondance diffusent
entre 1968 et 1976. Le second volet
met en lumière les réalisations phares
de créateurs invités par Monoprix en
reprenant un thème cher à l’enseigne –
l’objet du quotidien – à travers l’art
de la table, l’assise et l’habillement.
Présenté dans les collections modernes
et contemporaines, le parcours propose
un dispositif original de « ready-made »
(mobilier et présentoirs de magasin utilisés
comme systèmes de présentation) qui
évoque l’univers de la grande distribution,
servi par une scénographie colorée
et lumineuse.
Au palier du niveau 3, la visite s’ouvre sur
des pièces de design emblématiques
de Monoprix, montrées avec fantaisie
dans des réfrigérateurs réutilisés
en vitrines : reproduites dans une finition
dorée, elles sont signées Marion Lesage,
India Mahdavi ou Ionna Vautrin. Des films
publicitaires et des interviews filmées
animent cet espace. Dans l’enfilade
de salles, une chambre et un salon
Prisunic sont reconstitués en deux period
rooms. Les designers réalisent pour
l’enseigne un mobilier simple, accessible
et fonctionnel à partir de matériaux
colorés en métal ou polyester. Certaines
pièces, comme le lit en polyester moulé
réalisé par Marc Held (1970) ou bien
l’ensemble de mobilier en tôle émaillée
créé par le plasticien Jacques Tissinier
(1973), conservés dans les collections
du Musée des Arts Décoratifs, sont
aujourd’hui devenues des icônes
du design des années 1970.
Au niveau 5 du Pavillon de Marsan,
l’exposition apporte un éclairage sur
l’histoire de chaque enseigne. Elle dévoile
des documents d’archives rares et objets
de « merchandising » tels des sacs
de courses, pin’s et porte-clés
publicitaires, ainsi que des caddies,
présentés avec originalité sur des caisses
enregistreuses.
À travers une sélection d’affiches issues
du musée, la Galerie d’actualités revient
sur le marketing des deux enseignes,
dont l’image graphique forte est portée
par les grandes agences de publicité et
leurs graphistes. Parmi eux, Friedemann
Hauss, Roman Cieslewicz pour MAFIA
(Maïmé, Arnodin, Fayolle, International
Associés), qui participe activement,
mais également les publicitaires T.B.W.A.
(Tragos, Bonnange, Wiesendanger, Ajroldi)
et R.S.C.G.(Roux, Seguéla, Cayzac,
Goudard) qui ont su singulariser l’identité
visuelle de Prisunic. Plus récemment,
c’est l’agence FCB (Denis Garcia Garcia
& Lily Van der Strokker) qui collabore avec
Monoprix puis Cléo Charuet avec l’Agence
Havas City devenue Rosapark, qui relance
l’identité avec ses lettres capitales
et ses bandes de couleurs. En 2021,
pour accompagner les différentes
périodes de confinement, Monoprix
choisit l’agence DDB pour réaliser ses
campagnes publicitaires.
La seconde partie de l’exposition revient
sur les collaborations qui ont marqué
ces deux dernières décennies. La visite
se poursuit, toujours au niveau 5, à travers
le prisme du rêve et de la fantaisie
en révélant les dimensions les plus
oniriques de certaines créations telles
que la robe de mariée du couturier
Alexis Mabille qui dialogue avec le mur
d’assiettes signées G by Gien, ou bien
la collection d’assiettes Dominoté par
Antoinette Poisson qui redonne vie aux
techniques ancestrales et au savoir-faire
artisanal.
Le parcours est également rythmé par une
period room qui présente une sélection
d’objets conçus pour les activités
quotidiennes : manger, sortir ou se vêtir.
Il met aussi en avant des monographies
telles que Maison Château Rouge, dont
la collection de 2018 a célébré le travail
de l’entreprise sociale de femmes en Inde
Creative Handicrafts.
Le pavillon de Marsan accueille également
des monographies de créatrices parmi les
plus emblématiques de Monoprix (India
Mahdavi, Paola Navone, Ionna Vautrin,
Constance Guisset et Nadia Gallardo).
Les créations artisanales réalisées en Inde
et en Afrique se mêlent aux collections
permanentes, évoquant la scène
internationale. Dans la même salle, les
visiteurs replongent dans l’enfance, terrain
d’exploration fécond pour les créateurs,
illustré par des vêtements d’enfants et des
jouets des collections du musée.
Dialoguant avec des réalisations majeures
d’icônes du design, les Petites Robes
Noires par Alexis Mabille, Hussein
Chalayan, Yiqing Yin, Anne Valérie
Hash et Giles Deacon (2013) habillent
la chambre de Jean Prouvé pour la Cité
Universitaire d’Antony tandis que la cuisine
de Le Corbusier, réalisée d’après un projet
de Charlotte Perriand pour la Cité radieuse
de Marseille, est investie d’objets
et ustensiles du quotidien.
L’ensemble des catalogues Prisunic qui
ont marqué des générations, complété
par des lithographies alors vendues
en « libre-service » entre 1967 et 1973
à l’initiative de Jacques Putman, achèvent
le parcours dans la bibliothèque du Musée
des Arts Décoratifs. Cette dernière
partie interroge la notion de la couleur –
véritable manifeste chromatique des deux
enseignes – au regard des collections
de la bibliothèque.
À travers « Le design pour tous :
de Prisunic à Monoprix, une aventure
française », le Musée des Arts Décoratifs,
qui consacre pour la première fois
une exposition à l’univers de la grande
distribution, fait revivre une aventure
créative et graphique qui a marqué
l’histoire du design en France. Elle apporte
un nouveau regard sur le parcours
permanent, qui présentait déjà, depuis
2018, une sélection de pièces Prisunic
issues des collections du musée.