La porte de « style grec »
La première est réalisée à partir d’un dessin de Gustave-Joseph Chéret, sculpteur et gendre du célèbre Carrier-Belleuse et frère du peintre et affichiste Jules Chéret (1836-1932). Cette porte à deux vantaux, dont l’élégante polychromie est réalisée uniquement par des essences de bois diverses (chêne, acajou, ébène, buis) est une démonstration de sa technique surnommée « damasquinure de bois » dont il a déposé un brevet d’invention en 1864. « Signalons un procédé nouveau en ébénisterie inventé par M. Fourdinois (…) Jusqu’alors les incrustations sur bois n’étaient que superficielles. L’invention de M. Fourdinois consiste en ce que les bois incrustés, traversent toute la masse qui leur sert de fond, de sorte que le sculpteur peut fouiller aussi profondément qu’il lui plait pour obtenir les effets qu’il désire, selon les nuances de bois. »4
Les panneaux supérieurs en bois foncés à motifs géométriques sont décorés d’un bouquet de branches d’olivier et de laurier en bois vert sur lesquels sont appliqués deux médaillons contenant les profils casqués de Minerve et d’Apollon. L’ornement puise son vocabulaire dans le répertoire architectural, des frises d’oves et dards, les montants présentent une frise en guillochis, et sont surmontés d’entablements à feuilles d’acanthe. Au-dessus un fronton triangulaire contenant une figure couchée représente l’Étude.
La porte de « style Renaissance »
Pour la seconde porte de style Renaissance, il s’adresse à Paul Sédille, l’architecte qui compose également la porte d’entrée monumentale de la section des Beaux-Arts, toujours à l’Exposition universelle de 1878. Sédille livre une composition magistrale qui privilégie les matériaux colorés et les ornements sculptés rendant hommage à la Renaissance, considérée alors comme l’âge d’or des arts décoratifs français. Les meilleurs artisans s’emploient à sa réalisation : le sculpteur André-Joseph Allard, le peintre sur émail Hyppolite Rousselle, l’ornemaniste Jean-Pierre Hurpin, l’ébéniste Achard, les sculpteurs sur bois Guillard, Primo, Rosa et Gelin.
Deux grands bas-reliefs en bronze patiné modelés par le sculpteur André Allar animent les vantaux : des muses et des putti, accompagnés d’une lyre, d’une flûte, de rouleaux de parchemin et d’une corne d’abondance, symbolisant la Musique et la Poésie. Au-dessus, deux médaillons en émail peint sur cuivre par Hyppolite Rousselle célèbrent les figures d’Athéna et d’Apollon, dieux protecteurs des arts et des lettres, dont les noms figurent en grec sous les encadrements en bronze doré. Le chambranle de la porte se compose d’une moulure en marbre rouge antique encadrée par un tore de laurier, une frise de palmettes et de lotus marquetée en ébène et en amarante, et une bordure de larges oves. Le luxe des matériaux mis en œuvre et leur vibrante polychromie sont remarqués : « L’éclat vigoureux des émaux de M. Rousselle, les tons chauds et lumineux des bas-reliefs de bronze, se mariant très harmonieusement avec ceux du marbre rouge jettent sur ce fond sombre de chêne et de noyer une note de gaîté du plus superbe effet et donnent à l’ensemble une physionomie particulière d’opulence et de grandeur. »5 Un cartouche formé d’un cuir découpé, ponctué de généreuses cornes d’abondance, surmonte les vantaux. De même que son entablement garni d’une plaque de marbre rouge et flanqué de deux griffons en chêne sculpté, il était destiné à être frappé des armes et de la devise de son propriétaire.
Présentées par la suite aux expositions de 1882 et de 1884 organisées par l’Union centrale des arts décoratifs (Ucad) au Palais de l’Industrie, les deux portes sont achetées en 1885 par l’institution pour le futur Musée des Arts Décoratifs. La porte de style grec est également présentée au Pavillon de l’Ucad à Amsterdam en 1883, puis à l’exposition centennale lors de l’Exposition universelle de 1900. L’achat de ces deux portes par l’Ucad engendre la démission du comte de Ganay en tant que membre du conseil, ce dernier se positionnant contre l’achat de celles-ci. Fourdinois démissionne au grand regret du président du Conseil d’Administration un an plus tard.
Réunies en 1905 dans le pavillon de Marsan du palais de Louvre où s’installe le musée, elles trônent dans la salle des manufactures nationales. En 1980, la porte Renaissance est déposée au musée d’Orsay qui ouvre en 1986. Depuis octobre 2020, elles sont de nouveau visibles au Musée des Arts Décoratifs, l’une en majesté au fond de la nef et l’autre à l’entrée du salon des boiseries.