Constance Guisset Design, Actio !

du 14 novembre 2017 au 11 mars 2018

Le Musée des Arts Décoratifs donne carte blanche à la designer et scénographe Constance Guisset pour une rétrospective consacrée à ses 10 années de création. « Constance Guisset Design, Actio ! » invite le visiteur à explorer l’univers de celle qui est devenue, en quelques années, une figure du design français.

Connue pour le caractère éclectique et poétique de ses réalisations, les champs d’investigation de Constance Guisset sont multiples : design, scénographie d’expositions ou de spectacles, architecture, installations et vidéos. Son travail renouvelle les perceptions, favorise les illusions et éveille les émotions.

Hashtag : #ConstanceGuisset_AD

Commissaire
• Olivier GABET, Directeur des musées du MAD

Scénographie
• Constance GUISSET

Exposition réalisée avec le soutien du groupe galeries Lafayette



Avec le concours de

Présentation

Constance Guisset propose un parcours immersif articulé en deux volets ; le premier est dédié au travail de scénographe, le second est consacré au design. Couvrant une surface de plus de 1000 m2, l’exposition se déploie sur différents espaces du musée à travers un cheminement menant le visiteur des œuvres phares de la designer à ses dernières réalisations, en passant par le processus de création. Le titre Actio ! souligne à la fois la magie qui anime les créations, mais aussi la volonté et le travail en mouvement nécessaires pour dessiner des objets et les faire exister réellement. Il évoque également la dimension théâtrale ou cinématographique du travail de scénographe.

Chaque salle est nommée par un verbe d’action, qui évoque la vie, l’usage et l’intention des objets ou des installations. Ce lexique élargit l’horizon des objets et invite à voir plus loin que la fonction et les usages. Les titres s’accompagnent de manifestes dévoilant les intentions et la démarche de la designer dans ses recherches. La visite est également rythmée par des collaborations avec des artistes aux disciplines élargies et variées.

Nubilo, Canapé, 2014
Nubilo, Canapé, 2014
Éd. Petite Friture
© Constance Guisset Studio

Constance Guisset est née en 1976. Après des études à l’ESSEC et à Sciences Po Paris, elle fait le choix de se tourner vers la création et entre à l’ENSCI-Les Ateliers, dont elle sort diplômée en 2007. En 2008, elle reçoit le Grand Prix du Design de la Ville de Paris, le Prix du Public à la Design Parade de la Villa Noailles et deux Aides à Projets du VIA. En 2010, elle est nommée « Designer de l’année » au Salon Maison & Objets et obtient le Audi Talents Award.

En 2009, elle fonde Constance Guisset Studio. Spécialisé en design, mais également en architecture intérieure et en scénographie, il réunit autour de Constance Guisset une équipe de designers et d’architectes. Le studio est dédié à la création d’objets ergonomiques et légers, animés et accueillants. Il collabore avec de nombreuses maisons d’édition de mobilier françaises et étrangères. Imaginée par la designer pour l’éditeur Petite Friture, la lampe Vertigo, éditée en 2010, est l’un de ses premiers projets et une œuvre emblématique de ses créations. Le studio travaille également avec de grandes marques et éditeurs, à l’exemple de Moustache, Molteni&C, LaCividina, Tectona, ZaoZuo, Matière Grise, Nature & Découvertes, Nodus, LaCie – Seagate, ou encore Louis Vuitton Malletier.

Ankara, Collection de tables, 2014
Ankara, Collection de tables, 2014
Éd. Matière Grise
© Constance Guisset Studio

Depuis 2009, Constance Guisset conçoit des scénographies de spectacles, notamment celles des ballets Le Funambule, Les Nuits et La Fresque d’Angelin Preljocaj, du concert de Laurent Garnier à la Salle Pleyel et de la chorégraphie EVERYNESS de Wang Ramirez. La designer conçoit également des scénographies d’exposition, principalement pour le Musée des Arts Décoratifs, le musée du quai Branly - Jacques Chirac et le Palais des Beaux-Arts de Lille. Entre 2012 et 2014, Constance Guisset développe un concept de design d’intérieur novateur, pour la marque Suite Novotel, filiale du groupe Accor. Depuis 2012, plusieurs expositions personnelles lui sont consacrées, notamment à la Chapelle des Calvairiennes – Centre d’Art Contemporain du Pays de Mayenne (2012). Un cycle d’exposition a débuté en 2016 au château de Courcelles de Montigny-les-Metz avant de se poursuivre au mudac (musée de design et d’arts appliqués contemporains) de Lausanne (2016-2017) sur l’invitation de Chantal Prod’hom, puis au musée Fabre de Montpellier (2017) sur l’invitation de Florence Hudowicz.

Par ailleurs, Constance Guisset mène un travail d’écriture et d’illustrations. Son premier livre pour enfants, Brouillards, a été publié en novembre 2017 par Albin Michel Jeunesse.

À cette reconnaissance artistique grandissante s’ajoute l’étroite relation que Constance Guisset entretient avec le Musée des Arts Décoratifs, qui a notamment accueilli ses premiers projets en tant qu’étudiante et ses premières scénographies. Ceci a conduit le musée à inviter la designer pour une rétrospective autour de ses différents travaux.

Francis, Miroir, 2011
Francis, Miroir, 2011
Éd. Petite Friture
© Constance Guisset Studio

La première partie de l’exposition, consacrée à la scénographie, investit les galeries du Moyen Âge et la Renaissance. La designer y déploie des procédés innovants, destinés à mettre en valeur les œuvres emblématiques des collections. Elle propose ainsi un véritable dialogue entre ses propres créations et les collections du musée, « conversations » au sens propre entre objets anciens et contemporains ou encore installations sonores interprétant une œuvre. Ces dispositifs deviennent à la fois objets et éléments de signalétique puisqu’ils indiquent le chemin à suivre et les œuvres à contempler. Le rapprochement des pièces historiques de celles de Constance Guisset est réalisé grâce à la reprise d’installations déjà expérimentées par la créatrice, mais réadaptées in situ.

La seconde partie, consacrée au design, est l’occasion de découvrir l’ensemble des objets édités depuis dix ans et nombre de créations inédites de Constance Guisset. Le parcours débute avec un questionnement sur la destination et l’interprétation des objets, bousculant les limites du design. S’agit-il de créer des sensations, de dessiner des formes, de marquer un lieu ou d’habiter l’espace ? Ce deuxième parcours s’ouvre sur deux salles successives, interrogeant directement les usages et le statut de l’objet. La salle suivante, consacrée au processus de travail, ouvre sur un long couloir qui évoque le processus mental précédant la création ainsi que les inspirations qui la nourrissent. Enfin, six salles thématiques présentent les objets regroupés selon un élan commun : tourner, s’envoler, figer, etc. La dernière salle est consacrée aux décors de spectacle. Le travail sur les mots, central dans l’exposition, est mis en valeur tout au long du parcours par la graphiste Agnès Dahan.

Afin d’ouvrir de nouveaux champs de créations, des artistes et conservateurs ont été invités à participer à l’exposition. Cette invitation souligne la nécessité d’un travail ensemble avec de nouveaux interlocuteurs et l’exigence d’ouverture, de curiosité et de partage nécessaire au métier de designer. L’exposition inclut ainsi un travail d’écriture mené avec l’écrivain Adrien Goetz et les conservateurs Frédéric Dassas (musée du Louvre) et Denis Bruna (Musée des Arts Décoratifs).

Une œuvre à quatre mains a été imaginée avec l’artiste Marc Couturier. Les musiciens du Studio MBC ont été invités à proposer une interprétation musicale des thèmes de plusieurs salles. L’artiste Laurent Derobert se livre à un exercice similaire dans la salle « Ravir » dont il propose une interprétation mathématique. Par ailleurs, la tapissière Sarah Grass a été conviée à retravailler une des premières pièces de la designer. Synthèse des recherches expérimentales et formelles de Constance Guisset, cette exposition met en exergue l’identité plurielle et pluridisciplinaire de son travail, prolongeant les réflexions amorcées sur l’objet, qui est au cœur de la vie et les missions du Musée des Arts Décoratifs.

Biographie

1976
Naissance en région parisienne.

1995-1999
Diplôme de l’ESSEC (Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales). Échange universitaire à Ahmedabad (Inde). Assistante d’un député au Parlement japonais et participation à la campagne électorale de la mairie de Tokyo.

2000-2001
Diplôme de Sciences Po Paris.

2002-2003
Administratrice de la galerie Nelson à Paris.

2003-2007
Études à l’ENSCI - Les Ateliers (École Nationale Supérieure de Création Industrielle) à Paris. Administratrice du studio de design de Ronan et Erwan Bouroullec jusqu’en 2010.

2008
Grand Prix du Design de la Ville de Paris. Prix du public – Sélection Design Parade 03, Villa Noailles. Aide à projet VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement) pour le fauteuil Dancing Chair et la poubelle Tri3.

2009
Création du studio. Acquisition de l’aquarium-cage Duplex par le Fonds national d’art contemporain. Scénographie du Funambule, solo dansé d’Angelin Preljocaj.

2010
Prix du Créateur de l’année à Maison & Objet. Prix Design dans le cadre du concours Audi Talents Awards. Début de collaboration avec les éditeurs LaCie et Petite Friture. Conception de l’espace d’accueil, de la librairie et du café de l’Institut français d’Ankara.

2011
Prix de la meilleure scénographie des D’Days avec Conversation avec Afra et Tobia Scarpa, au Molteni&C Dada Flagship store, à Paris. WallpaperLab – Prix du Musée des Arts Décoratifs de Paris pour le papier peint Dot.

2012
Prix Wallpaper* « Best Use of Color » pour le miroir Francis. Acquisition de la lampe Vertigo par le Centre national des arts plastiques. Début de collaboration avec l’éditeur Molteni&C. Première exposition personnelle « Design – Constance Guisset » à la chapelle des Calvairiennes, centre d’art contemporain du Pays de Mayenne (France).

2013
Début de collaboration avec les éditeurs Moustache et Nodus. Scénographie de l’exposition « La Mécanique des dessous » au Musée des Arts Décoratifs de Paris. Scénographie du ballet Les Nuits d’Angelin Preljocaj.

2014
Début de collaboration avec l’éditeur La Cividina et la Galerie MiniMasterpiece. Installation Trois conversations au Palais de Tokyo à Paris.

2015
Développement d’un concept d’espace d’accueil et de restaurant pour Novotel Suites, déployé dans toute l’Europe. Début de collaboration avec les éditeurs 10-VINS, Fabbian et Tectona.

2016
Début de collaboration avec les éditeurs Bosa, Ethnicraft et ZaoZuo. Scénographie de l’exposition « Persona, étrangement humain » au musée du quai Branly – Jacques Chirac à Paris et « Tenue correcte exigée » au Musée des Arts Décoratifs de Paris. Scénographie du spectacle EVERYNESS de la Compagnie Wang Ramirez. Scénographie et vidéos du spectacle La Fresque d’Angelin Preljocaj. Expositions personnelles « Constance Guisset Studio » au château de Courcelles de Montigny-lès-Metz et « Anima » au mudac (musée de Design et d’Arts appliqués contemporains) de Lausanne. Publication d’une première monographie retraçant tout le travail du studio depuis sa création.

2017
Début de collaboration avec les éditeurs 2tec2, Cyrillus, De Castelli, Leblon Delienne, Monoprix, Tout simplement et Uhuru. Acquisition de la lampe Leviosa par le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou. Installation Chroma au musée national Eugène-Delacroix à Paris. Scénographie des expositions « Autophoto » et « Malick Sidibé, Mali Twist » à la Fondation Cartier pour l’art contemporain à Paris. Publication de Brouillards, livre pour enfants édité chez Albin Michel Jeunesse. Expositions personnelles « Les Formes savantes » à l’Hôtel Cabrières Sabatier d’Espeyran, département des arts décoratifs du musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole et « Constance Guisset Design, Actio ! » au Musée des Arts Décoratifs de Paris.

« De l’important d’être Constance », par Olivier Gabet
The Importance of Being Earnest – Oscar Wilde
Cairn, Boîtes, 2011, Ed. Petite Friture
Cairn, Boîtes, 2011, Ed. Petite Friture
Image © Constance Guisset Studio

Actio ! C’est sous ce mot d’ordre qui ne laisse rien au laisser-faire mais impose un élan que Constance Guisset a choisi de déployer près de dix années de création. Rien d’une panthéonisation qui serait certes prématurée, mais une exposition comme une fête, pleine de joie de vivre et de cette érudition joyeuse qui la caractérisent si bien.

Dans les salles du Moyen Âge et de la Renaissance, ce sont des dialogues d’une irrévérence au cordeau, tombant parfaitement comme un drap plissé, sonnant juste, puisqu’elle mêle une impertinence légère et un respect absolu des œuvres du passé. Et dans les galeries qui suivent, une démonstration en autant de verbes d’action : Constance Guisset aime agir, créer, répondre à une demande, l’esquiver aussi, la provoquer parfois. Elle qui accompagne si magistralement certaines chorégraphies d’Angelin Preljocaj désigne comme une danseuse ou une escrimeuse, art de la pointe et du contre-pied, précision et geste, et toujours une poésie façonnée de sprezzatura, ce mot si aimé des Italiens de la Renaissance, cet art consommé de ne laisser jamais voir l’effort, le doute ou la tristesse qu’il y a quelquefois derrière le faire, en offrant aux yeux de tous plutôt l’élan réussi de l’accomplissement.

Apollo, Lampe, 2017, Ed. Constance Guisset Studio
Apollo, Lampe, 2017, Ed. Constance Guisset Studio
Image © Constance Guisset Studio

Avec le Musée des Arts Décoratifs, Constance a tissé une belle et déjà longue histoire, signant ici quelques-unes de nos plus belles scénographies, et aujourd’hui c’est elle qui s’expose. Une vraie exposition pour un créateur vivant, c’est un dévoilement, une prise de risque, loin de tout égocentrisme, c’est montrer, pour voir, et voir encore. Et si elle y parvient, c’est parce que pour chaque œuvre créée, et exposée ici, il y a une part vibrante d’Humanisme. Un mot ancien pour le design le plus contemporain.

Questions à Constance Guisset

Comment est née la participation à ce projet avec le Musée des Arts Décoratifs ?

Ce projet fait suite à l’invitation d’Olivier Gabet, après qu’il soit venu visiter l’exposition « Anima » au mudac à Lausanne ; une rétrospective de mes créations.
Suivant mon travail depuis plusieurs années, c’est à l’issue de cette visite qu’il m’a proposé d’exposer l’ensemble de mon travail au Musée des Arts Décoratifs.
Ma relation avec le musée remonte à plusieurs années. Alors que j’étais encore étudiante, la direction du musée m’a confié des projets, de la création de petites vitrines, à la réalisation d’un film en passant par des scénographies d’expositions qui prirent, au fil des projets, de plus en plus d’importance à l’exemple de « Petites & grosses bêtes » (2010), « La Mécanique des dessous : une histoire indiscrète de la silhouette » (2013), ou bien « Une histoire, encore ! 50 ans de création à l’école des loisirs » (2015-2016), « Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale » (2016-2017).
Cela fait aujourd’hui 10 ans que je travaille pour le musée ; autant d’années de création en tant que designer et scénographe.

Quel est votre lien avec l’objet ?

Cumulus, Diffuseur d'huiles essentielles et boîte, 2015, Ed. Nature & Découvertes
Cumulus, Diffuseur d’huiles essentielles et boîte, 2015, Ed. Nature & Découvertes
Image © Constance Guisset Studio

J’ai choisi de devenir designer pour concevoir des objets car j’ai toujours été intéressée par la façon dont ils étaient pensés, fabriqués et utilisés. Les objets du quotidien sont des témoins de notre mode de vie et de notre histoire : ils parlent de nos usages, de nos connaissances techniques et de nos goûts esthétiques.

Quelles sont les sources d’inspiration de vos créations ?

L’inspiration est diffuse et peut prendre des formes très diverses. De façon générale, le terrain créatif est comme un terreau que l’on cultive et qui se nourrit de tout ce qui lui est apporté : des observations, un regard, un mouvement, un objet différent, un dessin, une œuvre, un besoin identifié, une recherche non identifiée, un cahier des charges extérieur, une idée intérieure, etc. La création est à l’image d’une plante : elle pousse sur ce terrain et se nourrit de l’un ou de l’ensemble de ces éléments.
Dans cette exposition, j’ai tenté de lever le voile sur quelques éléments servant de terreau à cet univers créatif en présentant au public dans une des salles un collage de grande dimension spécialement conçu pour l’occasion, qui rassemble des éléments glanés au cours du temps et qui peuvent, à tout instant, nourrir mon travail. C’est un « composé » de lectures, de films, d’objets et d’images qui alimentent ainsi cet univers créatif.

Quelle création vous correspond le mieux ?

Plusieurs créations me semblent emblématiques de mon travail ou de ma personnalité, même si tous les projets portent les mêmes intentions de fond. Vertigo pour le désir de légèreté, d’asymétrie, de mouvement, de souplesse et de géométrie, sans oublier son caractère enveloppant et sa transparence qui lui permettent de s’adapter à de nombreux types de lieu.
Cape pour sa charge évocatrice, le fait que chacun peut y voir ce qu’il désire, pour la sensualité et la douceur des courbes libres mais rigoureuses, pour la lumière fantomatique qui s’en dégage.
Francis pour l’évocation et le rapport au temps. Plus récemment le miroir Time and Tide qui dit la même chose avec une matière sensuelle qui coule, entre sucrerie et nuage.
Canova pour son rapport au travail de la main, à la sensualité et à l’évocation sensible de l’histoire de l’art, tout en faisant penser à un « cheese naan » ou, pourquoi pas, un chewing-gum écrasé.

Canova, plat, 2017, Ed. Moustache
Canova, plat, 2017, Ed. Moustache
Image © Constance Guisset Studio

Pouvez-vous revenir sur le choix du titre d’exposition ?

Actio ! est tout d’abord la traduction d’Action ! en latin et le mot est à la fois évocateur et poétique d’une part, tout en s’attachant à la rhétorique et au travail du comédien d’autre part.
Le choix d’Actio ! parle de la forte volonté au quotidien de faire avancer les projets, le mouvement profond et nécessaire qui préside à toute création. Action ! évoque aussi la dimension cinématographique, la scénographie et le spectacle : autant de domaines auxquels se rattache mon travail.
Pour aller encore plus loin, j’ai choisi de nommer chaque salle avec un verbe d’action, pour évoquer les intentions et les mouvements liés aux objets. Cette exposition est conçue comme une installation scénique totale, en incluant le son et les lumières.
Enfin, Actio ! est aussi un clin d’œil à « Accio », le sortilège d’attraction dans la saga Harry Potter, qui permet d’attirer un objet à soi. Je trouvais amusante cette référence ; la tentative de mouvement, d’illusion et parfois de magie est inhérente à mes créations.

Vous proposez un parcours d’exposition en deux parties. Pourquoi ce choix ?

L’exposition se déroule dans deux espaces distincts : le premier abrite les collections permanentes du musée, à savoir celles du Moyen Âge et de la Renaissance, le second, est celui des galeries aménagées de Jean Nouvel, un espace dévolu aux expositions temporaires.

Chroma, Installation, musée national Eugène-Delacroix, 2017
Chroma, Installation, musée national Eugène-Delacroix, 2017
Image © Constance Guisset Studio

Dans la mesure où je travaille beaucoup pour les musées – de par mon activité de scénographe et dans le cadre des expositions – j’ai trouvé opportun de montrer des objets contextuels dans ces premiers espaces. J’ai choisi des projets originellement destinés au musée (mobilier d’attente, mobilier de transmission), des procédés scénographiques (objets pointant les œuvres) ou encore de reproduire un procédé que j’avais déjà utilisé par le passé dans l’exposition Les Formes savantes au musée Fabre de Montpellier. Les objets se parlaient réellement selon des dialogues écrits et joués par des comédiens. Ces mêmes dialogues ont été enregistrés et diffusés de façon directionnelle dans l’espace permettant aux œuvres de dialoguer entre elles. Ce procédé est repris dans la première partie de l’exposition ; c’est là tout mon travail de scénographe qui est révélé, interrogeant dans le même temps la position et le statut de pièces contemporaines exposées de manière éphémère au sein de collections permanentes du musée.

Dans la seconde partie, vierge de collections, j’ai choisi de mettre en avant mon travail de designer. Le visiteur débute son parcours par deux salles immersives. La première, Ravir, présente des lampes dénuées de leurs fonctions, qui tournent perpétuellement. La forme des objets suscite alors des sensations, jusqu’à la perte de repères. Une seconde salle fait suite à celle-ci. Habiter propose au visiteur une expérience différente, celle d’éprouver le mobilier. Il est invité à s’asseoir dans les fauteuils ou encore à ouvrir les placards, changeant le rapport à la création, pour comprendre l’usage des objets. Les salles suivantes, présentées en enfilade, couvrent des thèmes liés aux intentions des objets et au mouvement qu’ils suggèrent.

Vous définissez chaque salle d’exposition par un verbe d’action. À quel verbe d’action vous associez-vous ?

Le verbe « jouer » car il mêle à la fois le sérieux et la fantaisie. Au sein de l’exposition, je me sens personnellement proche de la salle Respirer. C’est elle qui abrite un collage réalisé à partir d’images qui m’appartiennent, récoltées au fil de diverses visites, mais aussi des citations issues de mes lectures, etc. Il s’agit d’une création réalisée spécialement pour l’exposition afin de lever le voile sur mes inspirations à un instant T. J’invite ainsi le public à explorer le processus de création propre à mon travail.

Des créateurs, artistes et même conservateurs de musées participent au projet. Pouvez-vous expliquer les raisons de ces collaborations ?

Le design pourrait être considéré comme un sport d’équipe dans la mesure où la dimension collective est au cœur du travail, facette que j’affectionne particulièrement. J’aime collaborer, avancer ensemble. Lorsque le Musée des Arts Décoratifs m’a invitée à exposer mes créations sur une surface couvrant plus de 1000 m², j’ai immédiatement pensé qu’il fallait que je partage cet espace et que j’invite des amis de différents horizons à « jouer » avec moi. Certaines collaborations n’ont pas abouti. D’autres ont donné naissance à de très beaux moments et de formidables projets qui sauront, je l’espère, susciter chez le visiteur plaisir et étonnement. À l’occasion de cette exposition, j’ai dû quitter mon univers habituel pour me confronter à de nouveaux domaines, ce qui était passionnant.

Que représentent les textes manifestes ? Quels rôles ont-ils dans l’expérience de visite ?

Sol, Fauteuil, 2012, Ed. Molteni&C
Sol, Fauteuil, 2012, Ed. Molteni&C
Image © Constance Guisset Studio

Les textes manifestes expriment certaines de mes intentions portées par les objets. Bien entendu, certains projets se retrouvent à la jonction de plusieurs intentions simultanées. Mais je trouve intéressant et nécessaire de mettre des mots, délibérément choisis, sur ces intentions, puisque l’exposition se veut être la rétrospective de mon travail. Il faut être également attentif au message que l’on véhicule au visiteur ; qu’il soit néophyte ou étudiant, expliquer et transmettre sont deux missions qui m’importent. Les textes manifestes ont ce rôle : éclairer mon travail à l’aide de déclarations d’intention ou bien des mots choisis pour faire rêver.

Quel plus grand challenge une designer a à affronter dans l’organisation de la rétrospective de dix ans de ses créations ?

J’ai considéré cette carte blanche avec une dimension rétrospective inévitable. Je pense que le challenge est toujours de créer, de proposer des expériences de visite intenses, immersives et novatrices. Une autre difficulté a été de donner différents angles d’approche afin d’éviter de montrer l’ensemble sous une unique perspective : les objets ne se réduisent pas à une seule vue.

C’est pour cette raison que j’ai proposé une expérience de visite d’appartement miroir avec deux salles en symétrie : l’une abrite des objets en dégradés de gris, la seconde des objets colorés. Cela change la perception de l’objet qui se regarde, s’observe sous différentes facettes.

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