Emmanuelle Garcin conservatrice-restauratrice de textile au musée des Arts décoratifs a étudié la construction du collet sous l’épaisseur du cuir.
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Lorsque le collet est ouvert sur la face intérieure, on observe cette toile de lin qui recouvre la construction interne du vêtement. Dans des zones décousues ou dégradées, sous cette couverture, on observe une première toile de lin, à même le cuir, qui forme un entoilage (l’entoilage est une forme de doublage qui a pour but de donner du maintien et de la solidité).
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Il y a donc deux toiles de lin, un entoilage pour le cuir et une couverture. Entre ces deux épaisseurs de tissu sont placés les éléments qui donnent du relief ou de la tenue au collet :
• du crin animal brun qui rembourre les parties matelassées sur l’ensemble du collet sauf…
• dans le creux du panseron, où une bourre de fibres végétales serrée sert à soutenir le volume de la panse.
• On peut également apercevoir dans quelques zones l’extrémité de baleines en fibres végétales, constituées de faisceaux de fibre assemblés par un fil, ancêtres des baleines en fanon qui viendront ensuite rigidifier les structures vestimentaires.
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Il y a donc plusieurs couches qui forment un exosquelette. Une doublure de soie, quasiment disparue aujourd’hui était posée au-dessus de la toile de lin de couverture pour assurer un meilleur confort pour l’habillage et le port du vêtement.
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Ces différents éléments internes ne peuvent être observés que partiellement, au grès de certaines zones décousues. Pour nous aider à mieux comprendre la construction globale, une radiographie du collet a été effectuée par le laboratoire CARAA. Cette image permet de distinguer la disposition des baleines sur le buste et la répartition régulière du rembourrage sur l’ensemble du vêtement.
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Sur l‘image à gauche, les baleines de fibre sont signalées par les flèches orange. A droite, une vue du panseron (cercle rouge) seule zone où le rembourrage est constitué de bourre végétale et non animale.
Les baleines sont en réalité nombreuses. Ces éléments confèrent de la rigidité au buste, il s’agit d’une architecture sophistiquée. Sans cela, le vêtement en cuir seul ne se tiendrait pas.
L’utilisation de la bourre végétale sous forme de filasse au creux du panseron pose question. Pourquoi cette fibre ici plutôt que le crin animal utilisé ailleurs sur le collet ? S’agit-il d’un renfort spécifique ou d’une solution pour parer à un manque de fourniture ? Si l’on ne peut répondre à cette question on peut cependant observer une nouvelle fois une logique d’économie de matière car les analyses au microscope électronique à balayage menées par CARAA ont permis de déterminer que c’est la même fibre végétale, peut-être une plante de la famille des rubiacées, qui est employée dans sa partie ligneuse pour les baleines, et d’une filasse plus souple provenant des déchets de la tige, pour le rembourrage.
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Concernant le rembourrage, plusieurs sources écrites indiquent qu’il était plutôt d’usage courant de rembourrer les pourpoints avec de la soie mais également, et c’est la matière qui apparaît le plus fréquemment, du coton.
L’historienne Astrid Castres nous a signalé plusieurs extraits de textes contemporains du collet décrivant cette pratique : un extrait de Blaise de Vigenère, dans Les Décades qui se trouvent de Tite-Live (1583 et 1606) qui évoque le "panseron à la poulaine (à la polonaise), garny, cottoné, calle-feutré, embouty, rebondy, estoffé comme un bast de mullet de coffre".
Ou dans ce dialogue, tiré des Deux dialogues du langage françois italianizé d’Henri Estienne (1578) :
“Celtophile : Les bustes, dites-vous, n’ont plus la vogue.
Philausone : Non, mais les panses ont grand cours.
Celtophile : Qu’appelez-vous les panses ?
Philausone : C’est un nom que ces gentils tailleurs ont imposé à la façon qu’ils donnent au pourpoint ou sayon, ou juppe, pour faire sembler que celuy qui le porte ait grosse panse.
Celtophile : Ils enflent donc l’accoustrement, pour contrefaire une telle panse.
Philausone : Ouy, ils l’enflent de cotton ”.
L’usage de la fibre de coton en rembourrage se constate sur les pièces encore conservées aujourd’hui, même bien antérieures au 16e siècle, comme le pourpoint de Charles de Blois qui appartient au musée historique des tissus de Lyon. Que doit-on penser du rembourrage de notre collet qui mélange crin animal et fibres végétales communes ? On peut imaginer que le choix du matériau de rembourrage dépend, outre les usages, des ressources disponibles.
Le coton est largement employé le long des axes commerciaux et notamment portuaires (comme par exemple Venise) mais il l’était peut-être moins dans d’autres régions éloignées de ces zones d’échange et/ou qui pratiquaient la culture du lin ou d’autres fibres (chanvre, ortie) subvenant aux mêmes besoins textiles (comme par exemple les Flandres). Il s’agit d’un indice à collecter quant à l’origine géographique de cette pièce que nous ignorons pour le moment.
À l’intérieur du collet, sur la toile de couverture, sont tracées des lignes à la pointe de mine formant un dessin géométrique. Il s’agit du travail préparatoire au rembourrage : ces lignes suivent la direction des coutures de matelassage qui permettent de maintenir en place la garniture de crin, au-dessous, sans que celle-ci ne s’écrase ou descende sous l’effet de la gravité.
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Une remarque sur les finitions à l’intérieur : les coutures rabattues près du col, les coutures d’assemblage de l’aileron au buste, semblent des coutures rapides, peu soignées. Cela n’a rien d’étonnant : c’est une période où l’efficacité et la solidité des assemblages priment souvent sur le soin accordé à l’aspect « fini » dans les zones cachées – l’aspect fini est réservé à l’extérieur. C’est un mode opératoire que l’on retrouve parfaitement dans le choix des fils, étudiés et cartographiés sur le vêtement, à la fois ceux pour sa construction et pour son décor.
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