Après le décès du marquis, la marquise Arconati Visconti finit par regagner Paris où elle ouvre, dans son hôtel particulier du 16 rue Barbet-de-Jouy dans le VIIe arrondissement1, un salon où se côtoient hommes politiques et « intellectuels » souvent dreyfusards comme elle. Son installation dans la capitale est un évènement notable, relaté par le journaliste Octave Mirbeau dans la revue littéraire et politique « Le Gaulois » en 1880 : « elle va certainement occuper à Paris, en raison même de sa personnalité, par le bruit fait depuis longtemps autour de son nom, par les mystères qui l’enveloppent de cette poésie captivante de l’inconnu, et par ses amitiés, une situation en vue dans le monde parisien. » La suite donnera raison au critique, puisque la jeune veuve s’impose rapidement, sans tapage mais avec assurance, culture et raison, comme un personnage majeur des réseaux de sociabilité de la IIIe République.
La marquise, sensibilisée par l’éducation donnée par son père et proche des mêmes cercles de pensée, est une femme de son temps. Elle s’intéresse ainsi de près aux débats politiques qui agitent son époque. Elle reçoit à Paris, un jeudi sur deux, dans son hôtel particulier du 16 rue Barbet-de-Jouy, de nombreuses personnalités parmi lesquelles Léon Gambetta, Henry Roujon, Joseph Reinach, Emile Zola, Jean Jaurès, Emile Combe, Gaston Paris…
Après le retour d’Alfred Dreyfus de l’île du Diable en 1899, la marquise Arconati Visconti qui a manifesté à de nombreuses reprises son soutien au combat des premiers « intellectuels » dreyfusards pour la libération du capitaine, accueille celui-ci parmi les « jeudistes ». Dreyfus participe très régulièrement aux déjeuners et aux discussions qui les suivent et rend également visite à la marquise lors de ses séjours au château de Gaasbeek. La correspondance échangée entre la marquise et Dreyfus témoigne de leur amitié jusqu’en 1923.
Jean Jaurès, introduit sans doute par Joseph Reinach, fit sa première visite à la marquise en février 1904. Elle admire en lui le dreyfusard, mais aussi le porte-parole du Bloc des gauches et apporte sa contribution financière à la création de L’Humanité. À partir de 1906, quelques divergences politiques mettent un terme à leur relation.
Dès le début des années 1890, la marquise élargit le cercle de ses familiers à des amateurs, historiens d’art et conservateurs de musées (parmi lesquels Emilie Molinier, Gaston Migeon ou Carle Dreyfus au musée du Louvre) qui la conseillent de façon déterminante dans ses acquisitions d’œuvres d’art.