Ce texte est extrait du catalogue de l’exposition.

La fin du XVIIIe siècle et l’invention de la fluidité
Un élancement et une fluidité, une « libération » même, ont eu lieu à la fin du XVIIIe siècle. (…) Une exigence s’est imposée : « libérer » le jeu des organes. L’image de la future « citoyenne », sans doute : « liberté » des formes, pour une plus grande « liberté » d’être.

Le retour des artifices
(…) Reste que les contraintes de l’habit suivent inévitablement celles du temps. Les « raideurs » traditionnelles à l’égard de la femme retrouvent leur vieille légitimité avec la Restauration et la monarchie de Juillet : liberté restreinte, fixité accentuée. Le corset reprend ses droits, la ligne sa relative rigidité. Les « instruments » concrets le disent, les images le montrent : ceinture comprimée sur un buste corseté, robe dont les paniers retrouvent leur ampleur passée, manches ballonnées pour mieux répartir deux volumes coupés à la taille, « jupe en cloche », mi-corps « guêpé1 ».

Le décor des formes amples
(…) D’autres structures s’ajoutent encore au milieu du XIXe siècle : la tournure, instrument rigide accentuant la cambrure des reins, la crinoline et sa matière resserrée gonflant la robe comme jamais. La tenue accentue la fermeté du haut comme l’élargissement du bas : tout sauf la fonctionnalité, tout sauf la légèreté. Ce sont bien les images de décor qui l’emportent : maintien figé, marche ralentie.

La lente élimination des "surcharges"
Les formes épousent davantage l’étoffe, par exemple, au milieu des années 1870 : la robe se fait « collante2 », les hanches brusquement s’affirment dans des étuis devenus « fourreaux3 ». « Lente élimination » des surcharges, prétend Stéphane Mallarmé, écrivain de mode à ses heures. Ce changement viserait les accessoires déformants : « La tournure s’en va, le pouf disparaît4 », vieux instruments rigides longtemps disposés sous les tissus des robes pour mieux les évaser, « échafaudages », « choses terribles », assimilés dans quelques journaux intimes à de vagues souvenirs « d’inquisition5 ». La femme gagnerait en élancement comme en mobilité.

(…) Le « collant » des robes, la rondeur des hanches de la fin du XIXe siècle s’imposent, tout en appelant le contrôle du corset. C’est plutôt l’instrument rigide qui a changé, censé prendre la place des courbures que la tournure imposait. Le corset creuse ainsi les reins et arc-boute le dos. Les contours plus exposés à la vue appellent des tuteurs révisés, la fermeté anatomique féminine supposant toujours assistance et soutien.

(…) Seul le début du XXe siècle apportera un changement radical dans la « mécanique du dessous » : celui-là même que symbolise l’effacement du corset.

1Louis Maigron, Le Romantisme et la Mode d’après des documents inédits, Paris, H. Champion, 1911, p. 180

2«  La robe ne peut aller aujourd’hui que si elle est bien ajustée, collante en un mot  » (Le Caprice, juillet 1876, p. 9)

3Almanach de L’Illustration, 1878, p. 60

4Stéphane Mallarmé, La Mode de Paris, 1874, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. «  La Pléiade  », 1961, p. 831. "La tournure est un dispositif rigide placé à l’arrière de la robe pour accentuer la cambrure".

5Constance de Castelbajac, Journal de Constance de Castelbajac, marquise de Breteuil, 1885-1886, Paris, Perrin, 2003, p. 223

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