Le point de départ de cette réflexion est incarné par l’un des objets les plus emblématiques des collections du musée : le Hanap des métiers d’arts de l’orfèvre Lucien Falize, réalisé en 1896. Ce chef d’œuvre est né de la commande faite par Les Arts Décoratifs (alors Union Centrale des Arts Décoratifs) pour l’Exposition universelle de 1900. L’orfèvre avait alors choisi d’illustrer l’institution par une iconographie rassemblant des artisans travaillant différents matériaux que sont justement le bois, la pierre, la terre, le métal, le verre, le tissu, le papier, le cuir. Cet ordonnancement symbolique, déclinant métiers et matériaux, devenu l’inspirateur du premier classement des collections du Musée des Arts Décoratifs, sert aujourd’hui de fil rouge à l’exposition.
« Mutations » s’ouvre donc sur une première confrontation : le Hanap « Les métiers d’art » et son pendant contemporain « Corps de métiers », réalisé par le plasticien Stéfane Perraud. Cet objet composé de trente-deux éléments est à son tour l’évocation de l’état et de l’avenir des métiers d’art.
S’ensuit une immersion dans un espace expérimental constitué de huit salles thématiques réparties selon les différentes matières : la pierre, la terre, le bois, le verre, le cuir, le papier, le métal et le textile et confrontant systématiquement l’œuvre ancienne à la création contemporaine.
Les œuvres historiques issues des collections du musée ont été sélectionnées d’un commun accord par les conservateurs et le commissaire soumises ensuite comme base de travail aux collectifs, formés d’artisans et d’artistes appartenant à divers corps de métiers, du menuisier en sièges au sellier-maroquinier, de l’ébéniste au plasticien ou au designer. À la suite de leur visite dans les réserves du musée et de leurs discussions avec les conservateurs, ils ont retenu qui un confident, siège en bois sculpté doré et cannage du XIXe siècle, qui un étui à mantille du XVIIIe en cuir modelé et ciselé, qui un fragment de soie et taffetas de 1760, un papier peint en tontisse, de la Manufacture Réveillon de 1770, une paire de vase Médicis en opale soufflé et bronze ciselé du XIXe, une cassolette de Daniel Jean Joubert en argent et ivoire de 1750, une assiette en faïence fine à l’émail ombrant de la Manufacture de Rubelles, une paire de coupes en agate du XIXe siècle.
Ces objets sources / ressources sont le prétexte à confronter la création de chacun des collectifs aux concepts fondamentaux qui entourent les métiers. De la matière à l’art, le geste, l’usage, la forme, l’ornement, le décor et l’évocation des sens se posent dans cette exposition comme les indéfectibles chapitres des mutations permanentes de l’objet et des métiers d’art.
« Mutations » permet tout autant de revisiter l’histoire des métiers d’art que de proposer un regard sur la création contemporaine. Il s’agit donc de créer des repères, des clefs de lecture de l’objet issu du fonds des Arts décoratifs. Ces repères sont historiques, matériels ou techniques. Ils sont non seulement l’occasion de faire découvrir ou redécouvrir un patrimoine, mais également de démontrer la continuité de son existence et l’avenir qui lui est offert. Cette commande implique une recherche sur le caractère distinctif des objets d’art, le supplément d’âme qui les habite. Cet exercice de création doit restituer un objet utilitaire et décoratif et répondre à différents critères : illustrer la filiation entre objet d’art ancien et contemporain, symboliser l’évolution des métiers d’art, incarner la recherche dans l’histoire pour bâtir les bases d’un avenir possible pour ces métiers et enfin, transfigurer le savoir-faire. Il ne peut être un acte gratuit et sensible dans lequel l’objet d’art devient le support d’expression libre d’un artiste. Les collectifs d’artistes et d’artisans ont été invités à se pencher sur les évolutions des usages, des techniques, des matières dans un exercice de création contemporaine.
Ces huit espaces, sont ainsi devenus de véritables territoires de l’innovation, tel un laboratoire de recherche et d’expérimentation dans lequel une projection de vidéos, retrace la création de cet objet contemporain et souligne l’indéfectible lien entre la pensée et le geste.