Le parcours propose au visiteur quelques clefs de lecture : comment apparaît une mode ? Comment était réalisé un costume ? Des vues de détails présentées sur écran permettent d’apprécier le jeu subtil des fils de chaîne et de trame en soie ou métal, celui des précieuses broderies et d’autres ornements. Les variations de la silhouette sont, quant à elles, mises en lumière avec des gravures de mode. C’est dans un jeu de lumière, de miroirs et de parois courbes, tel un ruban se déroulant de vitrine en vitrine, que les œuvres sont dévoilées dans une scénographie signée par Frédéric Beauclair.
L’exposition s’ouvre sur la mode du XVIIIe siècle, faite d’influences réciproques et nourrie d’échanges incessants entre l’Orient et l’Occident. La mode se pare alors de chinoiseries, de turqueries et de broderies ou toiles venues d’Inde. Une robe au décor de petits Chinois et arabesques ainsi qu’un banyan illustrent cette thématique qui répond tant à la vision fantaisiste de l’exotisme qu’à celle de l’évolution des pratiques commerciales. La typologie des robes et des habits en cette fin du XVIIIe siècle oscille entre la prédominance de la France avec la solennité des vêtements de Cour et l’influence des Anglais et de leur élégante simplicité. Ainsi une somptueuse robe à la française présentée sur un corps à baleines et des paniers à l’impressionnante envergure s’oppose à une robe à l’anglaise plus courte et plus confortable.
Les pékins, taffetas, satins façonnés ou autres velours ciselés, dans lesquels sont taillés les costumes pour femmes ou pour hommes, sont pour la plupart réalisés par les fabriques de Lyon ou de Tours. Ces tissus révèlent l’exceptionnelle richesse des techniques de tissage. Leur exécution sur métier à bras, longue et coûteuse, en fait des produits de luxe.
Les événements historiques et politiques laissent également leurs empreintes dans le domaine de la mode. Ainsi, une robe à la polonaise avec son manteau retroussé en trois parties distinctes fait allusion à la première partition de la Pologne, en 1772, entre trois états : l’Autriche, la Prusse et la Russie. A la Révolution française, le vêtement devient aussi le support privilégié des opinions de chacun comme en témoigne, vers 1789, un exceptionnel gilet en maille, brodé de messages et motifs symboliques.
En 1804, Napoléon, sacré empereur des Français, rétablit les fonctions de la Cour et ses démonstrations du pouvoir. Au luxe ostentatoire d’une robe à traîne et d’un habit tous deux ornés de riches broderies de fils d’or et d’argent, s’oppose l’apparente simplicité des robes en mousseline blanche. Provenant d’Inde, le coton dans lequel elles sont faites révèle l’attrait toujours renouvelé de l’ailleurs. Les châles cachemire rapportés de la campagne d’Egypte font aussi leur entrée dans le vestiaire féminin.
Puis, le style Empire laisse place au courant romantique et ses silhouettes féminines blanches et éthérées des années 1820. La taille s’apprête à retrouver sa place naturelle. Toutefois, les manches répondent à un goût de la disproportion rendue possible par des amplificateurs façonnant les fameuses « manches gigot ».
La métamorphose des tenues masculines se traduit par l’adoption d’une ligne sobre et graphique à la manière de George Brummell (1778-1840), pionnier du dandysme britannique et à l’origine du costume moderne. Le souci du galbe et de la minceur est visible dans une silhouette composée d’un habit sombre à revers de velours, d’une culotte moulante de couleur claire et d’un haut de forme.
Le parcours se poursuit avec les années 1840 et la somptueuse robe de cour portée par la reine Maria II du Portugal. En satin noir, entièrement brodée de lame plaquée or avec une longue traîne, elle témoigne de la persistance du faste des Cours dans une Europe en pleine mutation. Sous le Second Empire, Paris redevient la capitale de l’élégance. Les crinolines règnent en emblèmes de la mode. Ces cages à cerceaux métalliques, sont aussi le reflet de l’industrialisation des moyens de production du XIXe siècle. Parallèlement, le développement des chemins de fer incite les citadins à voyager. Les tenues de bord de mer font ainsi leur apparition. Elles sont réalisées dans des matières et des formes se prêtant au climat et aux activités maritimes sans se départir d’accessoires plus adaptés à la vie citadine. Un ensemble dit « saute en barque » brodé mécaniquement et porté sur une crinoline-cage est un parfait exemple de ces tenues.
On constate que c’est essentiellement au cours du XIXe siècle que le corps féminin subit le plus de remaniements successifs et offre une importante variété de silhouettes. Peu avant 1870, la tournure ou « faux cul » remplace la crinoline et accentue la chute des reins. Les drapés, glands et franges de passementerie, inspirés de l’ameublement, viennent orner ces nouveaux profils. Cette tendance baptisée style « tapissier » cohabite avec l’apparition de vêtements créés pour les nouvelles pratiques sportives telle une rare robe de tennis anglaise en toile de coton lavable. La garde-robe masculine, quant à elle, n’a pas véritablement subi de grandes transformations depuis le début du XIXe siècle. Seuls certains éléments tels le veston dont l’usage se fait plus fréquent et le complet ont fait leur apparition.
A l’aube du XXe siècle, les formes se font plus sinueuses avec la silhouette dite en S, modelée par un corset au laçage très serré. Les bottines ou autres cuissardes entièrement lacées révèlent le foisonnement de la lingerie et le renouvellement des tenues d’intérieur. Le temps est aussi au Japonisme : un kimono japonais à peine modifié pour le confort occidental fait face à une robe de chambre taillée et brodée en Extrême-Orient pour le marché européen.
Vers 1906, Paul Poiret modifie profondément la silhouette féminine et impose la ligne droite inspirée du Premier Empire, interdisant à ses clientes le port du corset. Séduit par Les Ballets russes de Serge Diaguilev, il crée alors tout un univers oriental : des jupes entravées, des tuniques et des turbans agrémentés d’une aigrette comme celui que porte son épouse, Denise, lors du célèbre bal persan intitulé « La mille et deuxième nuit ». Cette mode orientaliste se retrouve aussi chez les Sœurs Callot comme en témoigne un ensemble avec pantalon de harem en charmeuse turquoise. Cette silhouette symbolise à elle seule l’éternelle fascination européenne pour l’Orient.