Histoires naturelles. Dation François-Xavier et Claude Lalanne au Musée des Arts Décoratifs

du 14 avril au 29 mai 2022

Le Musée des Arts Décoratifs a l’honneur d’annoncer l’entrée dans ses collections de 16 œuvres majeures et 38 dessins du couple d’artistes français Claude et François-Xavier Lalanne, à l’occasion d’une dation exceptionnelle menée à bien en 2021. Afin de célébrer cet évènement, l’exposition « Histoires naturelles. Dation François-Xavier et Claude Lalanne au Musée des Arts Décoratifs » se tient dans la nef du musée, du 14 avril au 29 mai 2022.

#DationLalanne

Commissariat
• Olivier GABET, Directeur du musée des Arts décoratifs

Scénographie
• Kevin LEBOUVIER

Achat du Rhinocrétaire II grâce au mécénat de Gregory et Regina Annenberg Weingarten / GRoW @ Annenberg

Présentation

Présenté en regard d’œuvres des deux artistes déjà conservées dans les collections du musée, mais également de quelques pièces « clin d’œil » plus historiques, dont le célèbre hippopotame en faïence bleue des collections égyptiennes du musée du Louvre, l’ensemble se penche sur près de 60 années de création, des années 1960 à 2019. Le Musée des Arts Décoratifs, l’une des toutes premières institutions en France à leur avoir accordé une place de choix et une reconnaissance publique, notamment à travers la grande rétrospective « Les Lalanne » en 2010, se réjouit de leur rendre un nouvel hommage.

Teaser de l’exposition «  Histoires naturelles. Dation François-Xavier et Claude Lalanne au Musée des Arts Décoratifs  »
Réalisation : Anna Ostasenko / Musique : Wenceslas Ostasenko / Voix : Sacha Bogdanoff
© Les Arts Décoratifs / Anna-Claria Ostasenko Bogdanoff © Extraits sonores : Chantal Perrin / © ADAGP 2022

Sculpteurs inclassables, ne formant qu’un aux yeux du public, le couple formé par Claude et François-Xavier Lalanne est connu pour avoir fait de la nature et des animaux l’inspiration de leurs créations. De ces œuvres souvent hybrides naissent l’émotion, l’étonnement, l’amusement, une poésie nourrie de surréalisme, une vision artistique guidée par le jeu sur les mots, les formes et les matières. À cette liberté, ils jouent aussi de la hiérarchie des arts de manière pionnière, offrant des usages inédits à leur sculptures magistrales. Si les collections publiques françaises en présentent dorénavant des exemples d’exception, à travers cette dation notamment, la portée internationale de leur carrière a amené nombre de leurs œuvres à figurer dans d’importantes collections particulières à travers le monde.

François-Xavier Lalanne (1927-2008), {Rhinocrétaire II}, 1966
François-Xavier Lalanne (1927-2008), Rhinocrétaire II, 1966
Laiton, corne de rhinocéros, bois gainé de tôle de laiton polie, cuir, acier. Achat du Rhinocrétaire II grâce au mécénat de Gregory et Regina Annenberg Weingarten / GRoW @ Annenberg, 2010. Inv. 2010.1.1
© Les Arts Décoratifs / photo : Jean Tholance © Adagp, 2022

En France, le Musée des Arts Décoratifs conserve ainsi quelques pièces de grande qualité embrassant l’art et la carrière des Lalanne : le collier Bouche en or, un sautoir Ronces, un couvert en argent du service dit Iolas de Claude Lalanne mais également le secrétaire Deuxième Rhinocéros, chef-d’œuvre de François-Xavier Lalanne, ainsi qu’un banc Crocodile de Claude Lalanne.

Dans l’allée centrale de la nef, le parcours de cette exposition s’articule autour des 16 pièces issues de la dation qui mêlent œuvres uniques, jalons historiques de leur carrière, et créations que les éditions ont rendu fameuses, en parfait adéquation avec l’identité et l’histoire même des collections du Musée des Arts Décoratifs, « du beau dans l’utile ». Disposées sur des podiums en damier dans une scénographie minimaliste, elles dialoguent avec des œuvres du musée, représentatives de l’univers artistique des deux créateurs, mobilier et objets d’arts.

Sur les 16 œuvres du nouveau corpus, 9 sont dues à François-Xavier Lalanne parmi lesquelles, deux œuvres uniques : La Mouche (1966-1967) et l’Hippopotame I (1968-1969), qui renferme un lavabo et une baignoire. Ces deux pièces dénotent d’emblée les caractéristiques fortes du travail de François-Xavier Lalanne, son inscription dans l’histoire de la sculpture, le goût du monumental, et un sens certain de la poésie et de l’humour.

François-Xavier Lalanne, {Bélier}, 2008 / {Agneau}, 2010 / {Brebis}, 2001
François-Xavier Lalanne, Bélier, 2008 / Agneau, 2010 / Brebis, 2001
Fondeur Landowski, édition 236/250 / Fondeur Blanchet, édition 290/500 / fondeur Landowski, édition 247/250. Bronze, résine époxy
© Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière © Adagp, 2022

La dation comprend aussi ses projets autour des Têtes habitables (datant du début des années 1970) dont deux maquettes, qui témoignent d’une réflexion née de projets de collaboration avec l’architecte Émile Aillaud, mais aussi des dessins d’études ou des sculptures plus emblématiques comme le Singe avisé (2010).

Un ensemble de la série des Nouveaux moutons (2008) évoque la suite logique de ses recherches reprenant le principe des troupeaux en laine en les adaptant à un usage extérieur, un sujet de réflexion majeur de la fin de sa carrière, lorsqu’il se passionne pour l’art des jardins.

Les 7 œuvres de Claude Lalanne rappellent quant à elles son ambition de sculptrice. Cette empreinte artistique montre combien, dans son esprit comme dans sa pratique, le sens de l’objet se détache du pur décoratif, à l’instar des pièces du mobilier Ginkgo (2010-2018) composé d’une table, d’une banquette et une paire de chaises qui font écho aux prospections esthétiques du XIXe siècle et de l’Art nouveau, comme à l’imagination libre et surréaliste d’un Emilio Terry.

Claude Lalanne, {Moyen Choupatte}, 2019
Claude Lalanne, Moyen Choupatte, 2019
Bronze patiné
© Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière © Adagp, 2022

L’artiste, nourrie de surréalisme mais aussi d’une vaste culture artistique, créé l’Homme à la tête de chou (1968) qui inspira Serge Gainsbourg à la fin des années 1960, mais également le Choupatte (2019), ainsi que la Pomme (2015). Plusieurs dessins préparatoires et croquis pour des œuvres clés, comme l’Âne attelé, le Canard, mais aussi l’Hippopotame de François-Xavier Lalanne et des études pour les couverts de Claude Lalanne, complètent l’ensemble.

Cette exposition présente ainsi un ensemble de François-Xavier et Claude Lalanne, totalement pertinent au regard de leur place dans l’histoire de l’art du XXe siècle et du début du XXIe. Elle offre au public une vision historique et harmonieuse de l’œuvre d’un couple devenu mythique et pour qui l’engouement médiatique connaît une ampleur sans précédent.

Histoires naturelles. À propos de Claude et François-Xavier Lalanne

François-Xavier (1927-2008) et Claude (1925-2019) Lalanne comptent aujourd’hui, sans nul doute possible, parmi les artistes français les plus connus au monde. Pendant trop longtemps, l’histoire de l’Art a hésité à leur accorder la juste place qui leur revenait, comme désarçonnée par leur incroyable liberté, leur sens inné du jeu sur les formes et les usages, par leur poésie et une singulière jubilation à bousculer les catégories lisses et surannées de la hiérarchie des arts. Sculpteurs intensément, s’affranchissant des idées toute faites, nourrissant leurs inspirations de la Nature, de l’humour, du Surréalisme, du bestiaire comme du jardin, ils ont conquis l’enthousiasme des amateurs d’art comme du grand public, au point qu’il y a une certaine tendresse, universellement partagée, à dorénavant les appeler « les Lalanne ».

Si chacun a eu son parcours, son imaginaire, ses modes d’expression, tous deux ont partagé une philosophie qui cimente leurs vies comme leurs œuvres, solidement enracinée dans une connaissance de l’art et des autres artistes jamais prise à défaut, dans une curiosité passionnée pour leur époque comme pour le passé, qu’expriment à merveille l’admiration de François-Xavier pour l’Égypte antique ou l’œuvre de Brancusi, son voisin de l’impasse Ronsin, l’émerveillement de Claude pour l’Art nouveau et les beautés végétales du Japon, leur goût du rêve et des utopies, têtes habitables ou paysages infinis, et leurs solides amitiés, d’Émile Aillaud à Yves Saint Laurent, de Max Ernst à Niki de Saint-Phalle ou Daniel Spoerri. Tous les admiraient comme les artistes véritables qu’ils étaient déjà, et au fil des œuvres exposées dans la nef du musée, c’est un pan entier de l’histoire des arts qui se dévoile et se raconte, à nouveau.

Dation Claude et François-Xavier Lalanne

À la suite du décès de Claude Lalanne en 2019, près de onze années après celui de François-Xavier en 2008, il a été proposé à l’État par leurs héritiers un important projet de dation dont l’exposition présente témoigne. En droit français, la dation en paiement des droits de succession est un mécanisme qui permet de s’acquitter de certaines obligations fiscales par la cession d’une œuvre ou d’un ensemble d’œuvres, dont la dimension artistique ou historique présente un intérêt majeur pour le patrimoine national. Par le passé, la dation en paiement a permis de régler des successions d’artistes de premier ordre, au premier rang desquels Pablo Picasso, une dation historique qui est à l’origine même du musée Picasso de Paris. C’est ainsi qu’entre aujourd’hui dans les collections nationales un corpus remarquable et représentatif de l’œuvre de Claude et François-Xavier Lalanne, 54 œuvres, 16 sculptures et 38 dessins - 54 « lalannes » pour reprendre la belle expression de l’écrivain François Nourissier lors d’une exposition en 1966 à la galerie Alexandre Iolas à Paris.

Claude Lalanne (1925-2019), Guéridon {Ginkgo}, 2010
Claude Lalanne (1925-2019), Guéridon Ginkgo, 2010
Bronze doré. Dation en paiement de droits de succession, 2021. Inv. 2021.102.11
© Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière © Adagp, 2022

Cet ensemble exceptionnel illustre parfaitement leur travail respectif, comme il réunit des créations pionnières, plus anciennes, à des œuvres plus récentes, éditions devenues mythiques par leur présence à travers le monde. Cet équilibre entre l’œuvre unique et le multiple est à l’image même des collections du Musée des Arts Décoratifs. Par décision gouvernementale, ces 54 œuvres ont été confiées au musée qui conservait déjà un bel ensemble des Lalanne, exposé au côté de leurs pairs comme pour les y accueillir. En 2010, dans ces mêmes lieux, une rétrospective couronnée de succès avait été organisée par le musée d’après une scénographie de Peter Marino. Ces œuvres sont dorénavant inscrites à son inventaire, un geste symbolique qui reste au cœur de la mission de toute institution muséale. Le plus bel hommage que l’on puisse rendre à des artistes.

L’homme à la tête de chou, Moyen Choupatte, Pomme Rouge
Claude Lalanne (1925-2019), {L'homme à la tête de chou}, 1968-2005
Claude Lalanne (1925-2019), L’homme à la tête de chou, 1968-2005
Bronze. Dation en paiement de droits de succession, 2021. Inv. 2021.102.8
© Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière © Adagp, 2022

L’Homme à la tête de chou est sans doute l’une des sculptures les plus connues de Claude Lalanne, un bronze étonnant où un homme assis voit sa tête remplacée par un chou évoqué de manière ultraréaliste et naturaliste grâce à la technique de la galvanoplastie, une technique de moulage chère à l’artiste. Exposée pour la première fois en 1968 à Paris, elle est aussitôt achetée par Serge Gainsbourg qui l’installe dans la cour de sa maison rue de Verneuil, où elle se trouve toujours. En 1976, elle lui inspire une chanson et le titre d’un album, avec l’accord de Claude qui en crée pour elle-même une seconde version en 2005. À elle seule, cette œuvre illustre parfaitement l’art de Claude Lalanne, suscitant le sentiment étrange d’une rencontre improbable et surréaliste de deux éléments irréductibles, comme en écho à Lautréamont.

Dès la fin des années 1970, Claude poursuit avec délice l’exploration créatrice du chou, en imaginant des réinterprétations aviaires, ainsi la série des Choupatte, certains plus expérimentaux, d’autres édités selon des tailles variables. Passionnée d’objets anciens, curieuse des choses étranges, comment ne pas associer en clin d’œil cet amour du chou avec les merveilleux trompe-l’œil céramiques du XVIIIe siècle, tout comme la Pomme ou les couverts rappellent les prospections formelles des Surréalistes.

Singe avisé, Nouveaux Moutons, Gingko
François-Xavier Lalanne, {Singe avisé}, 2010
François-Xavier Lalanne, Singe avisé, 2010
Fondeur Bocquet, édition 8/8. Bronze patiné
© Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière © Adagp, 2022

Attaché à la grande tradition de la sculpture, tant par son admiration pour l’œuvre de François Pompon que par son amitié éblouie pour Constantin Brancusi, François-Xavier aime à s’inspirer du bestiaire pour nombre de ses œuvres, ainsi le Singe avisé, qui rappelle son intérêt pour le sujet simiesque depuis les années 1970 et dialogue ici avec le singe sculpté par Le Bourgeois, ou ses Nouveaux Moutons, à la suite de ses premiers troupeaux de moutons de laine qui, dès les années 1960 et 1970, suscitent l’enthousiasme et tant de photographies joyeuses. Ici, leur réalisation en bronze et époxy permet de braver l’extérieur et son climat changeant, quand le sculpteur se passionne de plus en plus pour l’art des jardins. Depuis lors, les moutons de François-Xavier se promènent, comme une signature, dans nombre de paysages à travers le monde.

Si Claude a également observé le répertoire animal, ce sont les sources végétales et florales qui ont souvent eu sa préférence, y mêlant sa curiosité pour le Japon et son enthousiasme pour les effets du bronze, comme dans ses bijoux, déjà conservés dans les collections du musée, ou l’incroyable ensemble Gingko ici réuni, où elle se plaît à déployer ces grandes feuilles si graphiques comme autant de motifs propices au repos et à la rêverie.

Claude Lalanne, Banc {Ginkgo}, 2018
Claude Lalanne, Banc Ginkgo, 2018
Bronze
© Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière © Adagp, 2022
Crocodile, Hippopotame I, La Mouche

Sans conteste l’inspiration du bestiaire, qu’il soit rural ou plus exotique, a suscité tout l’intérêt de François-Xavier et Claude Lalanne, chacun avec sa sensibilité le réinterprète, dans la griserie du réalisme qu’offre le moulage ou la galvanoplastie chez Claude, marquée par Bernard Palissy, le grand céramiste de la Renaissance, ainsi le banc Crocodile donné par l’artiste en 2010, ou sous le prisme de l’abstraction et de l’épure chez François-Xavier.

Figurine d'hippopotame, Moyen Empire (-2106/-1786)
Figurine d’hippopotame, Moyen Empire (-2106/-1786)
Faïence siliceuse. Musée du Louvre, Département des Antiquités égyptiennes
Photo © Musée du Louvre, Dist. RMNGrand Palais / Christian Décamps

Jeune artiste en devenir, ce dernier gagne sa vie comme gardien posté dans les salles des Antiquités égyptiennes du Louvre, où un petit hippopotame de faïence bleue datant du Moyen Empire ne cesse pas de le fasciner. De cet attrait puissant naît l’idée du monumental Hippopotame I datant de 1968-1969, sculpture ambitieuse qu’il a conservée toute sa vie. La résine bleue semble faire de lui le digne descendant du mammifère des bords du Nil, mais l’esprit vif de François- Xavier le détourne en le faisant enfermer un lavabo dans sa gueule et une baignoire dans sa panse. Sans conteste une œuvre qui exprime parfaitement l’esprit créatif de l’artiste, elle retrouve ici, comme un fait du destin, le Rhinocéros de 1968-1969 en laiton poli, qui abrite en son flanc un secrétaire, acquis par le musée en 2010.

Avec ces deux œuvres historiques vient dialoguer une troisième toute aussi majeure, la Mouche de 1966 aux délicates ailes d’altuglas. Se relevant d’un geste, elle dévoile la lunette de palissandre qui dissimule des toilettes, évocation pleine d’humour d’une quasisynecdoque, la « mouche à… ».

Tête treillage, Tête habitable

À la sculpture, François-Xavier n’assigne pas seulement une finalité esthétique et si, très tôt, il la met au défi de l’usage et du détournement, il s’intéresse également à la question du monumental qui lui est naturellement associée.

François-Xavier Lalanne, Projet de tête habitable, 1973
François-Xavier Lalanne, Projet de tête habitable, 1973
Graphite sur papier, calque
© Les Arts Décoratifs © Adagp, 2022

Au début des années 1970, François- Xavier travaille intensément autour du motif de la tête humaine : il dessine, posant des têtes comme englouties dans un paysage fantomatique. Il s’affranchit peu à peu de la sculpture pour aller vers l’architecture, une démarche nourrie dès 1970 par ses collaborations avec l’architecte Émile Aillaud, dans la cité de la Grande Borne à Grigny. Il explore une utopie, faire de ces têtes des lieux à vivre, habitation ou espace public, allant jusqu’à en imaginer un exemple pour le plateau de La Défense à Nanterre.

Hélas, au moment même où son vieil ami Tinguely conçoit son Cyclop dans la forêt de Fontainebleau, ce dernier découvre le projet de ce qui aurait pu devenir la Tête de Nanterre. Quiproquo, disputes entre deux amis partageant un rêve trop semblable, parti pris de l’establishment des arts, de Pontus Hultén à Pierre Restany, en faveur de Tinguely, François- Xavier abandonnera ce projet digne de Piranèse ou de Ledoux. En témoigne l’ensemble historique ici réuni, maquettes et dessins, un morceau de l’histoire de l’art contemporain.

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