Le trio Cros et le tout-Paris de la fin du XIXe siècle
Henry est le frère du célèbre inventeur
et poète Charles Cros et du médecin
Antoine Cros. Ce fameux trio participe
à la modernité littéraire et artistique des
années 1860-1870. L’exposition aborde
les diverses personnalités des mondes
artistiques et littéraires autour desquels
gravitent les trois frères avec des
portraits dessinés par Henry Cros : celui –
rare – de Paul Verlaine jeune dédicacé,
du caricaturiste André Gill, de l’éditeur des
poètes Parnassien Alphonse Lemerre,
du comédien Coquelin cadet et bien sûr
de la mythique figure de la salonnière libre
et scandaleuse Nina de Vilars de Callias,
l’amante de son frère Charles. Le recueil
de poèmes d’Antoine, illustré d’une
estampe d’Henry en 1882, évoque l’autre
frère, médecin de son état, qui dirige
également un salon politico-littéraire.
Le dessin
Une sélection parmi les carnets
personnels de l’artiste et de nombreux
dessins, esquisses, projets, feuilles plus
abouties et aquarellées, majoritairement
inédits, permettent d’entrer dans
le processus de création des œuvres
de Cros. Les portraits évoquent les
relations amicales et intellectuelles
de l’artiste et de ses frères. Encres,
graphites, sanguines côtoient de grands
projets aquarellés pour les œuvres
en verre à la fin de sa vie.
Une maîtrise de la couleur
La double pratique de peintre
et de sculpteur et la redécouverte
contemporaine de la plastique polychrome
ancienne guident Cros sur la voie
de la sculpture en couleur. Ses projets
monochromes restent nombreux jusqu’en
1880, l’exposition en présente quelques-
uns en terre cuite, marbre et bronze dont
l’émouvant Portrait de petit garçon daté
de 1875. Parmi les œuvres présentées,
on découvre le vase fondu par Hébrard
d’après le modèle du vase en verre du
musée des Arts décoratifs. De nombreux
dessins et esquisses pour des portraits
ou photographies originales sont mis
en lumière, tel le dessin préparatoire
du buste de Nina de Vilars.
Peintures et sculptures en cire
L’exposition dévoile une grande peinture
à l’encaustique, Uranie (1882), muse
de l’astronomie, importante commande
d’État démontrant l’aboutissement des
recherches de Cros.
La peinture antique à l’encaustique alors
utilisée pour la colorisation des marbres,
est l’une des sources de sa recherche.
Ses portraits modernes inspirés par
ceux modelés à la Renaissance, qui
marquent ses contemporains, restent
d’une originalité et d’une présence
psychologique rares. Le portrait de sa
jeune épouse ou celui de l’étonnant
Shah de Perse, Nasse el Din, en sont
des exemples.
Ses compositions proches de l’univers
poétique de la première Renaissance
correspondent aux grands succès des
débuts de l’artiste. L’exposition met en
valeur cinq d’entre eux, parmi lesquels
La Promenade du Salon de 1874, où l’on
observe le contraste entre la précise
délicatesse des figures et la liberté des
fonds aux touches impressionnistes,
dont la mise au point photographique
est remarquable.
Une terre cuite polychrome
exceptionnelle
À la charnière de ses deux périodes
techniques, entre cires et pâtes de verre,
Henry Cros réalise quelques bustes
en terre cuite polychromées aux argiles
de couleur (engobes). Il donne une vie
et une présence à ces jeunes figures
à l’instar de la gitane des Pyrénées
du musée de la Cité de la céramique
de Sèvres. Un exemple éloigné de ses
recherches parallèles sur l’image
archétypale d’un idéal féminin.
Henry Cros, artiste des pâtes de verre
« Pâte de verre » est le nom donné par
Henry Cros à une nouvelle technique
de moulage de poudres de verre
polychromes, qui lui permettent de réaliser
des sculptures en couleurs et ouvre
une nouvelle voie dans la création
du verre moderne. Il consacre les vingt
dernières années de sa vie à ce medium,
et réalise les œuvres les plus marquantes
de sa carrière artistique. Une grande
partie de l’exposition lui est consacrée,
avec les remarquables projets aquarellés,
mais aussi les masques, médaillons
et bas-reliefs, qui retracent cette période.
L’exposition permet de mettre en valeur
les deux grands projets aquarellés
et la version fondue en bronze par
Hébrard, ainsi que le rare vase en verre
produit par la main d’Henry Cros. Parmi
les œuvres en pâtes de verre, le portrait
en médaillon de François Coppée
jeune, La Nymphe Galatée, le masque
La Flamme de l’Exposition universelle
de 1900 ou encore la coupe Le Silence,
illustrent la grande richesse et diversités
des thématiques abordés par l’artiste.
Cette monographie démontre l’empreinte
que laisse cet artiste unique, célébrant
un homme dont la créativité audacieuse
et les recherches innovantes et poétiques
ont assurément marqué l’histoire de l’art
du XIXe siècle et particulièrement une
certaine histoire du verre moderne.