Né à Nicosie en 1970, Hussein Chalayan fait ses études à Chypre puis s’établit à Londres où il obtient, en 1993, le diplôme de la Central St. Martins College. L’année suivante, il crée sa maison et présente sa première collection avec les « Buried Dresses » : série de robes inhumées dans un jardin trois mois avant le défilé totalement métamorphosées par l’oxydation et l’altération des tissus. Cette présentation suscite un vif étonnement et les critiques sont unanimement élogieuses. Depuis, Hussein Chalayan ne cesse de surprendre et d’intriguer devenant l’une des figures les plus avant-gardiste de la mode britannique.
Créateur engagé, il sait imposer sa lecture de la mode, proposant une prise de conscience sur les enjeux de notre civilisation. Son engagement sur les grands sujets de société, n’est jamais là pour dénoncer, mais propose plutôt une quête spirituelle susceptible, un jour peut-être, de modifier le cheminement du monde. Cependant, Hussein Chalayan est conscient que ses collections doivent être portables et que les clientes ne cherchent pas nécessairement à connaître son processus créatif.
De collection en collection, il raconte sa formation intellectuelle, dévoile ses origines multiculturelles et s’interroge sur le monde. Ses influences font référence à son histoire personnelle, empreinte de voyages et de déracinements, et aux problèmes de société comme les conflits dans le monde. En pleine guerre du Kosovo, il imagine After Words (automne-hiver 2000), une collection faisant référence aux exilés et aux réfugiés en fuite, incarnant le statut de déraciné de l’homme contemporain. D’autres collections nous renvoient à la folie destructrice des hommes. Ventriloquy (printemps-été 2002) utilise la couleur rouge qui rappelle autant la simple beauté des coquelicots que le sang des soldats morts à la guerre.
La déclinaison d’une robe traditionnelle turque dont les éléments ethniques sont petit à petit relayés, au fil des passages lors du défilé, par des compositions occidentales caractérise la collection Ambimorphus (automne-hiver 2002). Quelques années après, le phénomène s’inverse. Les vêtements montrent le paysage urbain londonien et l’influence du monde qui nous entoure dans le défilé Earthbound (automne-hiver 2009). Ses collections se répondent par attractions réciproques et produisent les interactions à partir desquelles il fonde ses créations futures. Dans ses défilés, les corps, les voix, la musique, la lumière, le décor et la collection laissent le sentiment d’un témoignage autobiographique. Hussein Chalayan explore ainsi les interactions entre nature, culture et technologie, transformant ses idées en monuments.
Le défilé Temporal Meditations (printemps-été 2003) a, par exemple comme toile de fond, l’image d’un avion, symbole de la vitesse et image récurrente de son travail. Parmi ses robes les plus emblématiques, Remote Contrôle dress, avec sa structure lisse et blanche, amovible, semble directement sortie d’une usine aéronautique. Hussein Chalayan enquête également sur le monde, sa vitesse et son évolution. De même, Inertia (printemps-été 2009) symbolise la rapidité du déplacement où les motifs utilisés sont empruntés à l’univers de l’automobile. Hussein Chalayan n’ignore pas non plus l’univers domestique. La collection Repose (automne-hiver 2006), renvoie au cadre rassurant de l’habitat où l’artiste a incorporé aux vêtements des éléments du mobilier de la maison.
Hussein Chalayan cherche dans de multiples disciplines artistiques de féconds dialogues qui oscillent entre poésie, quête de sérénité et vivacité des mouvements. Il explore constamment de nouveaux champs de réflexion, s’interroge sur l’habit comme sur le corps qui le porte, redéfinit le contour du vêtement comme son rôle social n’oubliant jamais de rappeler que l’environnement tient, dans son travail, une place aussi importante que la recherche formelle.
L’exposition présentée sur deux niveaux, sans être chronologique, est un décryptage de l’univers du créateur. Au premier étage sont présentées les collections qui constituent le fondement de sa pensée, celles qui interrogent les barrières politiques, culturelles, religieuses, géographiques et techniques.
Le deuxième étage met davantage l’accent sur les notions de mouvement : déplacement du corps, migrations et vitesse...
Les collections et installations sont exposées dans une scénographie imaginée par Block Architecture, baignées dans une harmonie de sons et de lumières.