Grâce à son oncle, grand collectionneur d’objets d’art, Auguste Delaherche développa très tôt un goût pour la décoration et montra un grand intérêt pour la poterie traditionnelle de sa région natale, le Beauvaisis. Après avoir suivi les cours de l’École des arts décoratifs, il entra chez Christofle comme dessinateur et chef de l’atelier de galvanoplastie. Attiré par le métier de céramiste, il élabora ses premiers travaux dans les fours de la fabrique À l’Italienne, à Goincourt, un village du Beauvaisis, puis, à partir de 1887, se consacra entièrement à la céramique. Delaherche acheta l’atelier d’Ernest Chaplet, rue Blomet à Paris, et acquit aux côtés du maître céramiste la technique des grès flambés. En 1887, il exposa avec succès à l’Union centrale des arts décoratifs une sélection de vases, pots et plats variés, décorés de motifs de gui, d’œillet ou de trèfle. En 1889, il se distingua à l’Exposition universelle avec des grès décorés : des vases à grandes anses qui semblent surgir telles des tiges. Deux versions du vase Plumes de paon étaient exposées au centre de son stand. Delaherche remporta la médaille d’or et s’imposa comme l’un des plus grands artistes de l’époque, au moment même où triomphaient Ernest Chaplet avec son vase Mei-Ping et Émile Gallé avec son vase Orphée. Classique et élégante, la forme balustre du vase Plumes de paon est soulignée par les éléments du décor, disposés sur trois registres. Façonné en grès tourné, il combine décor peint et gravé sur un engobe blanc, enrichi par une gamme subtile d’émaux aux tonalités de bleus et un vernis plombifère craquelé, teinté de vert. L’éclat miroitant, lisse et translucide de la couleur vitrifiée par la cuisson offre une véritable parure aux motifs, rapprochant cette pièce de la somptuosité des faïences persanes. L’aspect craquelé du vernis, la couleur pâle de l’engobe, la fraîcheur des coloris évoquent la préparation fragile de certaines fresques crétoises. Le thème du paon – également visible sur un plat des collections du musée – inspira au cours des deux décennies suivantes nombre d’éditeurs de papiers peints ou de textiles, ainsi que les bijoutiers Art nouveau. À la manière des Japonais, Delaherche a isolé le motif de la plume et l’a répété en frise huit fois sur le tour de la panse, en alternant sa hauteur. C’est dans ce rapport étroit et rigoureux entre la matière et la forme que résident l’originalité et la force de son travail. La production de Delaherche, céramiste prolifique, compte 22.500 pièces. Il a par ailleurs conçu et réalisé des décors intérieurs (cheminées, frises murales de salle à manger, lambris) et extérieurs (carreaux, plaques, épis de faîtage). La collection du Musée des Arts Décoratifs – quatre-vingt-dix œuvres – est représentative de l’ensemble de sa carrière.
H. A.
Delaherche, catalogue d’exposition, Paris, Musée des Arts Décoratifs, Pavillon de Marsan, Paris, G. Kadar, 1907.
Céramique française contemporaine, sources et courants, Paris, Musée des Arts Décoratifs, Paris, Union centrale des arts décoratifs, 1981.
Geneviève Becquart et Dominique Szymusiak, Du Second Empire à l’Art nouveau. La création céramique dans les musées du Nord-Pas-de-Calais, Lille, Éditions de l’Association des conservateurs de la région, 1986
Bernard Giguet, « Auguste Delaherche (1857-1940) », Bulletin du Groupe de recherches et d’études de la céramique du Beauvaisis, n°21, Beauvais, G.R.E.C.B./Mutualité agricole, 1999