Joseph Poitou (attr. à), Armoire, Paris, vers 1715-1720
Bronzes attribués à Charles Cressent (1685-1768)
Bâti en chêne, placage en bois de violette, bronze doré
H. 275 ; l. 163 ; pr. 56 cm
Legs Laure Mottart, en souvenir de son mari, Paul Mottart,
1949
Inv. 36222
© Les Arts Décoratifs / photo : Jean Tholance
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Cette grande armoire, longtemps attribuée à l’ébéniste Charles Cressent, est en fait une œuvre sortie de l’atelier de Joseph Poitou, maître menuisier auprès duquel Cressent se forma. Neveu de l’ébéniste André-Charles Boulle, Poitou s’était spécialisé dans la marqueterie de métal, comme son père, ébéniste du duc d’Orléans, qui avait réalisé de nombreux parquets précieux pour les résidences royales. Ayant longtemps travaillé dans l’atelier paternel, Poitou ne devint maître que tardivement, en 1717. Sculpteur de formation, Charles Cressent semble avoir dès cette époque donné les modèles des bronzes les plus riches, utilisés dans l’atelier. Il en conserva d’ailleurs un certain nombre lorsqu’il reprit l’entreprise, en 1719, à la mort de Poitou. Ceux qui ornent les quatre panneaux de cette armoire sont incontestablement de son invention et se retrouveront sur des meubles de la décennie suivante. Le décor de bronze doré forme une véritable composition arabesque où de jeunes enfants, symbolisant l’astronomie et la poésie, répétés deux fois, sont placés sous une sorte de pavillon sommé d’un dais orné de lambrequins, dans l’esprit des compositions de l’ornemaniste Jean Berain (1646-1711) et de ses successeurs Claude III Audran (1658-1734) et Antoine Watteau (1684-1721). Le décor de bronze largement ajouré est mis en valeur par la qualité du frisage de bois de violette. Cette technique de décor, qui joue sur les compositions géométriques issues du débit et de l’agencement des pièces d’un même bois précieux, connut ses plus grands développements au début du XVIIIe siècle, éclipsant les décors de marqueterie florale pendant plusieurs décennies. Sur les vantaux, le motif géométrique combine deux dispositions : une disposition en diagonale, dite en losange, encadre un motif central en rosace, appelé également en cœur, obtenu à partir de placages débités non pas dans le fil du bois mais en oblique, et sur lequel se détache le motif de bronze doré. L’armoire s’était imposée à la fin du XVIIe siècle comme le meuble d’apparat, supplantant le cabinet dans la faveur des collectionneurs. Pendant la première moitié du XVIIIe siècle, elle constitua la part la plus en vue de la production d’un atelier, avant que la commode ne la remplace. L’inventaire après décès de Joseph Poitou révèle que deux armoires étaient encore en cours de fabrication au moment de sa mort. Et Charles Cressent, succédant à son maître Poitou, reprit cette tradition, créant des armoires plus précieuses encore, plaquées généralement non pas de bois de violette mais de bois satiné.
B. R.
Alexandre Pradère, Charles Cressent, sculpteur, ébéniste du Régent, Dijon, Éditions Faton, 2003, p. 312, cat. 302.