Stefan Sagmeister est célèbre. Les graphistes célèbres sont excessivement rares. En effet, traditionnellement, le graphisme est un métier qui n’attire pas beaucoup de publicité. (…)
Il faut être capable de communiquer avec le commun des mortels, avec les foules, et ceci est difficile parce que, pour plaire, il faut avoir quelque chose de spécial. Ce qui veut dire qu’un don personnel doit se muer en ce petit quelque chose qui donne au public le sentiment de vous connaître : vous êtes accessible tout en étant spécial. Sagmeister se sert du graphisme pour donner forme à sa propre vie et à ses passions. A l’origine, le graphisme est une forme d’art appliqué, mais depuis quinze ans, il est devenu le refuge du texte et de l’image ainsi qu’une composante des images qui nous bombardent en permanence.
Sagmeister vit à travers le design – le design qui implique la recherche constante du juste milieu entre style et authenticité, dépendance et maîtrise, glamour et marchés de niche. (…)
Sagmeister met le graphisme sur un piédestal. Son choix réitéré d’images qui promeuvent des marques importantes, des institutions caritatives ainsi que des idées incroyablement libres, garantit au média le droit d’exister. Son travail traduit le dynamisme de l’information, de la politique et de l’économie.
Dans les années 1980, Stefan a travaillé pour des vedettes de la musique telles que Lou Reed, Talking Heads et les Rolling Stones. Depuis le statut de la musique pop a changé. (…) Ce sont les politiciens et les visionnaires qui parcourent le monde comme des pop stars, mettant en scène des interventions qui font appel aux technologies les plus récentes. Sagmeister est l’un de ces visionnaires : la première pop star du graphisme. Dans ses présentations, il raconte sa propre histoire comme prolongement de son travail, dans lequel la beauté, la moralité, l’argent et l’éthique jouent un rôle considérable. De nos jours, le graphisme ne se limite plus à la conception d’imprimés ; il s’est élargi désormais à un domaine en grande partie conceptuel qui lie diverses disciplines entre elles par l’image, via les médias. Nous communiquons bâtiments, voitures, personnes et choses : la moralité du siècle précédent a été remplacée par le large éventail d’un monde globalisé et médiatisé. (…) Il y a quelque chose d’obsessionnel dans le travail de Sagmeister. Sa manière de disposer soigneusement des millions de pièces de monnaie, d’empiler des milliers de bananes, d’attendre le passage du soleil et du vent. (…) Son travail est temporaire et fugace, mais il exprime précisément la vraie nature de la vie. Aussi indépendant soit-il, le travail de Sagmeister n’en reste pas moins au service de ses clients. Aujourd’hui, nous nous sommes rendus compte que le graphisme avait émergé, il y a 100 ans, pendant la période du dadaïsme et du Bauhaus – des mouvements au sein desquels le graphiste était aussi un visionnaire, un architecte et un artiste. Sagmeister représente aujourd’hui cette sorte de graphiste particulier qui, en observant le monde du XXIe siècle, en constate l’envergure culturelle. (…) Les graphistes pourraient bien redevenir des visionnaires, des interprètes, des architectes et des artistes.