Aiguière, Paris, 1603-1604

Argent
H. 18 ; l. 18,3 cm
Legs Jean Jacques Gérard Reubell, 1934
Inv. 30391
© Les Arts Décoratifs / Jean Tholance

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L’aiguière peut être destinée au lavage des mains – elle forme alors un ensemble avec son bassin – ou être réservée au service de la boisson – elle se présente alors seule. Cette pièce est un rare témoignage de la production de l’orfèvrerie civile française du XVIIe siècle, et plus particulièrement de la vaisselle de table, en raison des fontes successives, dictées par les nécessités de la guerre ou par les caprices de la mode. Ainsi reste-t-il peu d’exemples de ces aiguières, malgré un mode de fabrication relevant de la production en série. Cette œuvre s’inscrit dans la tradition des aiguières à « anse tournée », dites également à « anse droite ». Élaborée vers 1550, sa forme est caractéristique du goût français, et ce type d’aiguière restera en usage pendant plus d’un siècle. Sur une silhouette en forme de tulipe qui reste immuable, les orfèvres variaient certains éléments du décor, notamment sur le pied, partie la plus ornée, en fonction du matériel, des outils et des modèles gravés dont ils disposaient. Le corps de l’aiguière a été fabriqué selon la technique de la rétreinte : la feuille de métal, placée sur une enclume arrondie, la bigorne à rétreindre, est mise en forme par martelage sur la face convexe de l’objet. Progressivement, le volume de l’objet apparaît et pour conserver à la feuille de métal sa malléabilité, cette dernière est régulièrement passée au feu. Le polissage final de la pièce n’a pas fait totalement disparaître les traces du martelage. De silhouette plus massive qu’au XVIe siècle, cette aiguière présente un décor restreint qui se limite à un fin bandeau doré, gravé de rinceaux, et, sous le bec, à des armoiries surmontées d’un heaume gravé sur la panse. Ces armoiries, de gueules à quatre chevrons d’argent (?), sont trop courantes en France à l’époque pour qu’on puisse identifier la famille pour laquelle elles furent apposées. C’est sur le pied que se concentre l’essentiel du décor, non plus gravé mais en faible relief : une collerette de coquilles et de godrons surmonte la frise principale, ornée de masques grotesques inscrits dans des cartouches trilobés. Une seconde frise de coquilles et de fleurs enserre la base du pied. Ces motifs sont encore issus du répertoire décoratif de la Renaissance, notamment de planches gravées par Jacques Ier Androuet Du Cerceau (v. 1510-v. 1585). Ce type d’aiguière, dont la forme fut reprise et largement diffusée en étain et en faïence à Nevers et à Rouen, préfigure l’aiguière casque qui la supplanta dans la seconde moitié du XVIIe siècle.

S. M. Gérard Mabille, Orfèvrerie française des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles. Catalogue raisonné des collections du Musée des Arts Décoratifs et du Musée Nissim de Camondo, Paris, Union centrale des arts décoratifs-Flammarion, 1984, cat. 216, p. 144-146, repr. p. 145.
Michèle Bimbenet-Privat, L’Orfèvrerie parisienne de la Renaissance, Trésors dispersés, Paris, Centre culturel du Panthéon, 1995, repr. p. 147.

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