Buffet à deux corps, vraisemblablement Paris, vers 1730

Chêne sculpté ciré, fer
H. 320 ; l. 188 ; pr. 67 cm
Achat, 1949
Inv. 36189
© Les Arts Décoratifs

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Le buffet, dont la forme est dérivée de l’armoire à deux corps, s’en distingue par la différence de hauteur entre un corps inférieur à hauteur d’appui, dont le plateau est fortement débordant, et un corps supérieur beaucoup plus développé. Réservé aux salles à manger, il est réalisé en bois massif, noyer ou chêne, pour plus de solidité, et en général est simplement mouluré, suivant le panneautage des portes. Toutefois, dans les intérieurs les plus riches, le buffet peut constituer une pièce de prestige par la profusion de son décor sculpté où le travail du menuisier s’efface devant celui du sculpteur. Non seulement destiné à renfermer la vaisselle la plus précieuse, il permettait également de la mettre en valeur, portes ouvertes, comme le rappelle Roubo en 1771 dans son Art du menuisier : la partie supérieure « est remplie par trois ou quatre tablettes au plus, sur lesquelles on place les plats et les assiettes, et autres choses nécessaires au service de la table ; & comme ces plats sont quelques fois très-riches, ou d’une matière précieuse et fragile, comme, par exemple, la porcelaine, on les met debout sur ces tablettes. » Ces tablettes présentent une découpe galbée en façade « de manière qu’elles aient à leurs extrémités toute leur largeur, afin qu’on puisse y placer commodément des piles d’assiettes ». Ce rôle d’ostentation avait conduit les menuisiers à inventer un système d’ouverture des portes à double brisure, spécifique à ce type de meuble, permettant de replier les battants en position ouverte sur les côtés du meuble. Ce buffet ne présente pas cette disposition car il devait être à l’origine intégré à une boiserie, et, plus que son contenu, c’est son décor sculpté tout à fait exceptionnel qui devait avant tout être admiré. Fruit d’une demande spécifique, ce décor encadre le monogramme du commanditaire qui figure au centre des vantaux supérieurs, dans des cartouches rocailles. Les bustes en très fort relief de Minerve et de Diane qui les somment, entourés de leurs attributs respectifs, sont associés à des trophées évoquant les sciences et la chasse. Le traitement des bustes évoque les espagnolettes, bustes féminins de personnages de théâtre, apparus au début du XVIIIe siècle et mis à la mode dans le décor mobilier par le sculpteur et ébéniste Charles Cressent. La même inspiration se retrouve au sommet du cintre de la corniche, où une tête de personnage de la commedia dell’arte, sans doute Arlequin, arbore fièrement sa coiffe empanachée. Les palmiers et dragons qui ornent les pans coupés du meuble sont également propres à l’univers décoratif des premières décennies du XVIIIe siècle. Apparus pour la première fois au buffet d’orgue de la chapelle de Versailles en 1710, les palmiers au tronc feuillu s’imposent alors dans le décor des boiseries, principalement en encadrement de glace. Le sculpteur en fait ici les supports de deux coquilles dans lesquelles des dragons semblent cracher. Cette disposition strictement décorative devait répondre à la fontaine et sa vasque de marbre, traditionnellement placées dans la même pièce.

B. R.

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