Marie Louise Jeanne Peyrat, née le 26 décembre 1840 à Paris, est la fille d’Alphonse Peyrat, journaliste et homme politique, opposant à Napoléon III, député puis sénateur de la Seine. Élevée « dans le culte des principes républicains », elle grandit dans un milieu modeste et anticlérical qui ne semble en rien la prédestiner à devenir l’héritière de l’une des plus grandes fortunes italiennes. Les frères Goncourt, dans leur Journal, mentionnent plusieurs fois la marquise au début des années 1860 alors qu’elle n’est encore que mademoiselle Peyrat, et en dressent un portrait peu flatteur. Elle y est décrite comme singulière, « élevée par le XVIIIe siècle », de petite intelligence. Ils résument d’ailleurs avec leur sarcasme habituel qu’elle se préoccupait de ce qui ne regardait pas les femmes ! La jeune Marie est cependant dotée, en plus d’un tempérament affirmé, d’une grande curiosité intellectuelle qu’elle nourrit en suivant en auditrice libre les cours de l’École des chartes.
C’est là qu’elle rencontre vraisemblablement, à l’âge de 33 ans, Gianmartino Arconati Visconti. Ce jeune aristocrate voyageur (il alla jusqu’en Arabie Pétrée, partie de l’actuelle Jordanie) est issu d’une grande famille milanaise dont le père, partisan du Risorgimento, a été exilé à Paris puis en Belgique. Le mariage est célébré en 1873, en présence de Victor Hugo et Emmanuel Arago. L’union ne dure malheureusement pas puisque le marquis meurt en 1876 d’une fièvre typhoïde, scellant la première partie de l’existence de son épouse, devenue seule détentrice d’un patrimoine immense.
1Ces lignes furent prononcées par l’universitaire Gustave Lanson (1857-1934) lors de l’éloge funèbre de la marquise le 5 mai 1923.