Armand Point (1861-1932), « La Dame au cygne », Bourron-Marlotte, 1904

Peintre symboliste membre de la Rose-Croix, Armand Point se tourne dans les années 1990 vers les arts décoratifs pour embrasser une carrière d’artiste complet. En 1896, il fonde dans sa maison de Marlotte, en forêt de Fontainebleau, un phalanstère d’artistes. Considéré comme le « William Morris français », Armand Point s’inspire de l’expérience du mouvement anglais Arts and Craft, plaçant toutes les expressions artistiques au centre de la vie quotidienne. Peintres, céramistes, brodeurs ou encore émailleurs y mènent une vie en communauté sur le modèle des corporations de la Renaissance.

Exécutée à Marlotte en 1904, la Dame au cygne se déploie dans une baie cintrée en bronze doré portée par deux colonnettes émaillées, ornée de fleurettes, de feuilles et de bandeaux de perles et sertie sur son pourtour de pierres semi-précieuses. La dame, vêtue d’une robe brodée de fleurs et les cheveux tressés en chignon, joue d’une double flûte au bord d’un lac sur lequel un cygne aux ailes déployées s’est arrêté pour écouter le concert.

Armand Point met ici savamment en œuvre les différentes techniques de l’émail, champlevé et cloisonné, qu’il pratique depuis 1899. Il dévoile l’excellence de sa maîtrise des dégradés et des effets de transparence des couleurs. À cette Arcadie retrouvée, dans laquelle toute la nature communie au son de la musique, répond la synesthésie des matériaux : l’ivoire pour la peau, les cheveux de la dame et sa double flûte, le bronze doré, les émaux, les pierres semi-précieuses.

La beauté toute botticellienne de cette joueuse de flûte est une traduction en émail des peintures et des dessins d’Armand Point. Cette œuvre se distingue des manifestations japonistes de l’Art nouveau français et présente une autre facette de la modernité, au carrefour des courants symboliste et préraphaélite.

Éventail de deuil, vers 1830

Sur l’une des faces des personnages évoluent de part et d’autre, habillés de costumes de deuil noirs et blancs d’une grande diversité, typique de la mode du début des années 1830. Au milieu de différents monuments funéraires (bustes, chapelle, pierres tombales, stèles) ils conversent, pleurent, méditent et rendent hommage à leurs morts en leur offrant des fleurs et des couronnes. L’autre face présente une scène elle aussi liée à la mort, mais placée dans un contexte d’Antiquité égyptienne. On peut y voir une urne et une pyramide sur du sable planté de palmiers, le tout sur un fond noir d’une belle intensité. Des fleurs garnissent le haut de la feuille, et notamment des pensées, associées au souvenir des défunts. Au centre, sous la figure de l’homme agenouillé, il est écrit « Belleville 346 ». Il s’agit sans nul doute de la signature de Jean-Pierre Belleville, peintre, graveur et éditeur d’éventails depuis 1822 et demeurant à Paris. 346 évoque vraisemblablement le numéro du modèle.

Cette pièce est très intéressante. Elle illustre de multiples manières le rapport à la mort à l’époque romantique, autant par les costumes, la dévotion envers les disparus, le développement des monuments funéraires, la symbolique végétale des pensées, des cyprès et des saules pleureurs. De plus, l’objet lui-même témoigne des pratiques funéraires de cette époque durant laquelle les règles du deuil réglementaient jusqu’aux accessoires de ceux qui en étaient affligés. Enfin, en dehors de sa fonction et de son sujet, cet éventail est assez exceptionnel pour sa qualité artistique. Nous soulignons la finesse des détails, la justesse de ce camaïeu de blancs, de noirs et de gris, la délicatesse de l’ombré et des lavis donnant une réelle impression de profondeur et l’originalité d’une scène concentrée non pas au centre mais véritablement déployée sur tout l’arc de la pièce.

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