Juste-Aurèle Meissonnier (1695-1750) et Claude Duvivier (v. 1688-1747), Candélabre, Paris, 1734-1735

Juste-Aurèle Meissonnier (1695-1750) et Claude Duvivier (v. 1688-1747), Candélabre, Paris, 1734-1735

Argent
H. 38,5 ; l. 21,5 cm
Don David et Flora David-Weill, 1937
Inv. 32632
© Les Arts Décoratifs

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La conception traditionnelle du candélabre est ici complètement transformée par la recherche de dynamisme et de contraste. Partant de la base asymétrique, un mouvement en spirale enveloppe l’objet, accentué par l’opposition entre éléments ascendants et descendants. Des forces contraires semblent s’affronter et parcourir l’argent de leur frémissement, jusqu’à l’extrémité des branches qui s’abaissent dans un vigoureux contre-mouvement. Allusion au monde nocturne, parmi les ornements floraux du fût, un papillon de nuit paraît inexorablement s’approcher de la flamme qui va le consumer. Ce chandelier est composé de trois éléments qui s’emboîtent les uns dans les autres, permettant de modifier l’intensité de l’éclairage. Un grand flambeau destiné à recevoir une chandelle constitue l’élément principal. Venant s’adapter sur le binet, une girandole composée de trois branches permet de transformer le flambeau en un candélabre à trois lumières. À la jonction des bras, un quatrième binet, caché par un bouchon en forme de rocaille, porte le nombre total de chandelles à quatre. À l’origine, comme le prouve l’inventaire du commanditaire, une autre girandole, aujourd’hui perdue, composée de deux bras, pouvait également être adaptée au flambeau, renforçant l’aspect modulable de ce luminaire. Le candélabre porte, sous une couronne de duc, le cimier des armes d’Evelyn Pierrepont, duc de Kingston (1712-1773), entouré de la devise de l’ordre de la Jarretière. Le jeune duc francophile avait commandé à Paris en 1733 un service de table à l’orfèvre et ornemaniste français le plus audacieux du règne de Louis XV, Juste-Aurèle Meissonnier. Parmi les pièces principales de ce service devaient figurer un surtout, qui ne fut finalement pas réalisé, deux terrines en forme de coquille et une paire de grands candélabres dont aujourd’hui seul cet exemplaire est connu. Le duc avait fourni des pièces d’argenterie démodées pour les faire fondre et les intégrer à la masse énorme de métal précieux nécessaire à la réalisation de sa commande. Fils d’un orfèvre d’Aix-en-Provence installé à Turin, Meissonnier vint s’établir à Paris vers 1715. Cet artiste aux talents variés – il fut graveur de médaille, ciseleur, orfèvre, sculpteur, dessinateur, décorateur, peintre, architecte –, occupa le poste prestigieux de dessinateur de la Chambre et du Cabinet du roi à partir de 1726. Avant tout inventeur de formes, il créa sur le papier un univers merveilleux et surprenant, où triomphe l’asymétrie, et ses idées novatrices contribuèrent au triomphe du goût rocaille à Paris dans les années 1730. Il diffusa ses modèles par la gravure – en grande partie réunis dans un ouvrage publié sous le titre d’ OEuvre de Meissonnier –, confiant la réalisation à d’autres qui travaillaient sous son étroit contrôle. Ainsi l’orfèvre Claude Duvivier, reçu maître en 1720, fut chargé de fondre et ciseler le candélabre de la commande du duc de Kingston, alors que deux autres orfèvres restés tout aussi discrets, Pierre-François Bonnestrenne et Henry Adnet, étaient chargés des deux terrines sur lesquelles toutefois Meissonnier grava sa signature en tant qu’architecte.

B. R. Gérard Mabille, Orfèvrerie française des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, catalogue raisonné des collections du Musée des Arts Décoratifs et du Musée Nissim de Camondo, Paris, Union centrale des arts décoratifs-Flammarion, 1984, n° 95, p. 66-68
Peter Fuhring, Juste-Aurèle Meissonnier : un génie du rococo, 1695-1750, Turin, Londres, Allemandi, 1999, vol. II, n°49, p. 214-217.

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