Alors qu’une grande partie des jouets trouvent leurs racines dans l’Antiquité (hochets, poupées, jouets à tirer, véhicules divers et variés, jeux de société, etc.), l’ours en peluche, contrairement à ce que son immense succès pourrait laisser supposer, est un jouet relativement récent : la star incontestée des chambres d’enfants n’est en effet née qu’au début du XXe siècle !

Ce n’est pas le seul paradoxe que soulève l’existence de l’ours en peluche. La nature même de l’ours, dangereux et menaçant, semble mal convenir à un doudou d’enfant. Comment un animal féroce et sauvage a pu devenir, une fois transformé en jouet, le symbole de l’enfance, de la douceur et de la nostalgie ?

L’ours en peluche apparaît au même moment, à deux endroits différents du globe.

Margarete Steiff, à la tête d’un petit atelier de couture près de Stuttgart, réalise, dans les années 1880, des coussins d’aiguilles en feutre en forme d’éléphant.

Ours, vers 1905
Steiff ?, Fabricant, Allemagne. Inv. 999.91.1
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Elle comprend vite que ces accessoires anthropomorphes sont appréciés des enfants de ses clientes, qui les détournent en jouets. Dès les années 1890, Steiff est une marque de jouets prometteuse, dans laquelle entre Richard, le neveu de Margarete. Il observe les animaux au zoo et les dessine pour permettre d’affiner les postures et les expressions des jouets Steiff. Crée par Richard et produit en 1902, le premier ours en peluche Steiff connaît un succès retentissant : la marque en fabrique un million en 1907, faisant de l’Allemagne le premier producteur d’ours en peluche. Afin de se démarquer de ses concurrents attirés par ce jouet populaire, Steiff fait breveter sa marque de fabrique, le bouton de métal dans l’oreille toujours utilisé aujourd’hui.

Ours « Huggy Bears », 1980
Dakin, Créateur, États-Unis, San Francisco, Fabricant, 1980, Corée. Inv. 49346
© MAD, Paris / Jean Tholance

Le volet américain de sa naissance explique le nom anglais “Teddy Bear” : en 1902, le président des États-Unis Théodore Roosevelt participe à une chasse à l’ours dans le Mississippi. Pour lui empêcher de rentrer bredouille, son équipe se met en quête d’un ours, mais ne trouve qu’un ourson, qu’on accroche à un arbre. Roosevelt refuse catégoriquement de tirer sur un ourson sans défense, l’histoire est reprise dans la presse, notamment sous la plume du dessinateur Clifford K. Berryman, qui contribue à la populariser. Morris Michtom, propriétaire d’une boutique de bonbons à New York, réalise un jouet en tissu représentant un ourson, qu’il envoie à Roosevelt, affectueusement surnommé “Teddy” par les Américains. Cet ourson en peluche nommé Teddy Bear, vendu dans la boutique de Michtom, a tant de succès qu’il permettra à son créateur de fonder, en 1907, la marque de jouets Ideal Novelty and Toy Company.

Ours, 1916
France. Inv. 994.69
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Avant le succès de l’ours en peluche, l’ours faisait déjà partie du quotidien des ruraux comme des citadins, possédant le statut ambigu de bête sauvage pourtant facilement domptable dans sa jeunesse, comme en témoignent le nombre de montreurs d’ours qui se produisent dans toutes les villes d’Europe. Déjà, à la fin du XIXe siècle, la chasse et la capture des oursons fait des ravages sur l’espèce.

La rivalité franco-allemande s’exerçant également dans le domaine du jouet, les marques françaises fabriquent, après la Première guerre mondiale, nombre d’ours en peluche au faciès très reconnaissable.  

L’ours en peluche s’adapte à sa condition de compagnon favori de l’enfance, et évolue tout au long du XXe siècle afin de pouvoir remplir ce rôle le plus loyalement possible. Le mohair et la paille de bois des débuts laissent la place, après la Seconde Guerre mondiale, à des matières artificielles plus molles et plus douces qui facilitent prise en main et câlins pour les enfants, mais qui peuvent également être lavables et ignifugées, afin de se conformer à des normes d’hygiène et de sécurité toujours plus strictes.  

Ours, 1993
Ajena, Fabricant, France ; Jean-Charles, Castelbajac, Créateur, 1993, France. Inv. 994.127.1
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Le nounours s’éloigne ainsi de l’ours, en devenant toujours plus rond, toujours plus doux, et en se parant de robes introuvables dans la nature, couleurs vives parfaites pour éveiller les sens des enfants, ou pastel pour décorer leur chambre, quand il n’est pas habillé comme une poupée. 

Les designers et créateurs de mode se sont emparés de cet objet qui a accompagné leur enfance, et proposent une cure de rajeunissement à un héros plus que centenaire, dont le règne est loin d’être fini.  

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