La mort de Raoul Duseigneur, en mars 1916, plonge la marquise dans une profonde affliction, particulièrement perceptible dans la correspondance à son cercle d’amis proches. Parmi eux, Louis Metman, conservateur des collections du Musée des Arts Décoratifs, chez lequel elle trouve l’écoute et l’appui nécessaires à la mise en œuvre d’un hommage significatif au collectionneur disparu, avec l’aide de Pierre-Henri Rémon, architecte décorateur et trésorier de l’institution.

Lettre de la marquise Arconati Visconti adressée à Pierre-Henri Rémon, issue du dossier Don Arconati-Visconti, 1917
© Les Arts Décoratifs, service de l’inventaire

C’est ainsi que naît l’idée d’une salle créée « en souvenir de Raoul Duseigneur » et dédiée aux dons de la marquise. Les lettres reçues au musée et conservées au service de l’Inventaire montrent l’importance affective du projet pour la marquise : « Soyez mon avocat et je vous bénirai, car vous m’aurez donné la dernière joie de ma vie, de voir son nom dans le musée auquel il s’intéressait tant. » Elles donnent également des détails sur la mise en œuvre technique du projet. Alors qu’elle a désormais élu domicile à la Maison des Sœurs augustines, rue de la Santé à Paris, la généreuse donatrice choisit d’extraire les boiseries médiévales de la salle à manger de son hôtel particulier de la rue Barbet-de-Jouy pour les installer au musée, sous la houlette de M. Malard, menuisier.

Boiserie, France, fin du XVe siècle
Chêne sculpté. Don marquise Arconati Visconti en souvenir de Raoul Duseigneur, 1917, inv. 20772
© Les Arts Décoratifs / photo : Jean Tholance

Les aménagements sont terminés dans le courant de l’année 1918, permettant à Louis Metman de présenter, avec enthousiasme, en janvier 1919, la salle Raoul Duseigneur dans la revue « Renaissance des arts français et de l’industrie du luxe ». Il s’arrête notamment sur la fameuse boiserie à « motifs de serviettes », ancienne possession du collectionneur Charles Stein acquise par la marquise en 1899 et remaniée.

Sous un plafond de poutrelles peintes, sur un dallage de pierres blanches, le décor est composé d’un grand lambris avec armoires et crédence en bois sculpté, d’un chambranle de porte en pierre peint aux armes de la famille Pot provenant de Bruges ou encore d’une cheminée à bandeau en bois sculpté d’arcatures flamboyantes (la hotte était à l’époque ornée d’un écusson quadrilobé aux armes d’Antoine dit le Grand Bâtard de Bourgogne). L’ensemble est complété de vitraux des XVe et XVIe siècles, ordonnés dans une verrière créée pour l’occasion.

La volonté du conservateur ne tend alors pas vers la reconstitution scientifique : « Ces éléments décoratifs, réunis par le goût raffiné d’une femme éprise d’études médiévales, ont été présentés au Musée des Arts décoratifs avec un grand souci de simplicité et sans tenter une reconstitution dont l’archéologie aurait vite démêlé la puérile pédanterie ».

Ensemble de vitraux, France, XVIe et XVIe siècle
Don Marquise Arconati Visconti en souvenir de Raoul Duseigneur, 1917. Inv. 20769 A-M
© Les Arts Décoratifs

En 1923, année de la mort de la marquise, le guide du musée mentionne encore une chaire, un escabeau, un banc, un pupitre à vis du XVe siècle provenant du château de Saint-Maurice d’Ételan (où reposaient deux feuilles d’évangéliaire du XIVe). Dans une vitrine murale, est exposée l’argenterie de la marquise par Bossart de Lucerne dans la veine historiciste. Pour compléter cet ensemble, diverses pièces de mobilier et objets d’art provenant essentiellement des legs Émile Peyre et Jules Maciet sont choisis.

Ce lieu, avec ses boiseries, porte, cheminée et vitraux, existe toujours au Musée des Arts Décoratifs. Adapté et réaménagé pour devenir une period room évoquant l’intérieur d’une chambre à coucher à la fin du XVe siècle, il laisse voir plusieurs pièces provenant du château de Villeneuve Lembron, résidence auvergnate de Rigaud d’Aureille, sénéchal de Gascogne.

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