Jacques-Émile Ruhlmann - Décor d’une chambre, page de carnet
© Les Arts Décoratifs
Jacques‑Émile Ruhlmann (1879‑1933), figure emblématique de l’Art déco, est avant tout célébré pour ses meubles d’exception mais son génie créatif va bien au‑delà. Dans ses décors intérieurs, il orchestre une parfaite harmonie entre mobilier, textiles et revêtements muraux. Lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, ses créations s’imposent comme des références majeures, faisant de lui l’un des décorateurs les plus admirés de son époque. Ruhlmann se forme auprès de son père qui dirige une entreprise de peinture, papiers peints et miroiterie. Il en hérite en 1907, ce qui lui permet de financer ses rêveries esthétiques. Les projets de revêtements qu’il invente, ou que d’autres, comme Henri Stéphany, créent pour lui, servent aussi bien pour du papier peint que pour du textile. Ils peuvent être édités dans sa propre entreprise, Ruhlmann et Laurent, ou confiés à des manufactures spécialisées.
Parallèlement, l’exposition présente des papiers peints que Ruhlmann a réalisés
en collaboration avec les manufactures Desfossé & Karth et ESSEF. Les projets gouachés et les petits échantillons qui préparent les grands lés de papiers peints, géométriques, floraux ou abstraits, permettent de découvrir les différentes étapes de leur création, et les variations de couleurs proposées. Ils indiquent parfois les techniques d’impression utilisées, telles que l’impression à la planche de bois ou au cylindre.
Ruhlmann éditait lui‑même des papiers peints de moindre qualité. Il participe ainsi à la décoration de la nouvelle Cité Universitaire Internationale de Paris, entre 1924 et 1933. Des chambres d’étudiants de trois importantes Fondations ont été ornées de papiers de la firme Ruhlmann et Laurent, qui se trouvait au 27, rue de Lisbonne à Paris. Des reproductions photographiques de la Maison des Province de France, tirées des archives de la Cité, offrent un témoignage du confort moderne et de l’intimité des
pièces. Elles permettent de montrer en situation les papiers peints ornés de cellules fleuries et de roses stylisées et de constater l’harmonie qu’ils forment avec le mobilier contemporain et les tissus d’ameublement.
Des photographies historiques de l’Hôtel du collectionneur de l’Exposition de 1925, surnommé le Pavillon Ruhlmann, montrent la capacité du créateur à faire œuvre d’ensemblier. Les vues du grand salon frappent par la cohérence, le luxe et l’originalité de la pensée de Ruhlmann. De nombreux artistes et artisans participent au projet, dont il est le chef d’orchestre. Jean Lambert‑Rucki donne ainsi un dessin animalier réjouissant, où la stylisation devient humoristique, pour un bahut fabriqué par les ateliers Ruhlmann mais laqué par Jean Dunand. De même, un éclatant damas
bicolore ornait les murs du grand salon et de la chambre à coucher : il a été
fabriqué à Lyon par Cornille frères à partir d’un projet d’Henry Stéphany, collaborateur de Ruhlmann et grand fournisseur de modèles de papier peint.
Les vingt‑six carnets de croquis, que la veuve de Ruhlmann a légués au musée en 1959, donnent à voir toute l’inventivité et la fantaisie du décorateur qui pense
le crayon ou la plume à la main. Au fil de ses journées, il y consigne ce qu’il voit, comme des paysages ou des personnages croqués sur le vif, aussi bien que ce qu’il conçoit. Partout se glissent des motifs graphiques, d’un trait volontairement tremblé, où le géométrique se fait aléatoire et vibrant : ils servent ensuite indistinctement à orner des tapis, revêtir des murs, animer une marqueterie…
La numérisation complète de ces carnets permet au public d’explorer en détail ces
trésors. Deux fac‑similés viennent enrichir l’expérience en permettant au visiteur de se plonger dans ces esquisses et ces réflexions.
À travers les dessins et les projets de papiers peints, pour la plupart inédits, cette exposition‑dossier révèle toute l’originalité de la pensée ornementale de Ruhlmann, dont l’héritage est durable dans le monde du design.
Le nouveau cabinet des Dessins, Papiers peints et Photographies a été créé pour faire découvrir au public les très riches collections d’œuvres sur papier qui, en raison de leur fragilité, ne peuvent être exposées en permanence dans le musée. Il offre aux visiteurs un cocon chaleureux, intime, pour révéler des œuvres parfois
célèbres, souvent inédites. Il se veut un miroir de la recherche menée dans cette source inépuisable de découvertes par de nombreux jeunes chercheurs ou experts confirmés.