La disparition soudaine et tragique du couturier londonien en février 2010 a souligné son importance dans la mode d’aujourd’hui. Iconoclaste, issu d’un milieu très modeste dont il a toujours tiré une certaine fierté et parfois quelque arrogance, Alexander McQueen a conjugué talent exceptionnel, charme et excentricité. McQueen est entré en apprentissage à seize ans chez les tailleurs de Savile Row et s’est passionné pour l’histoire des méthodes de coupes depuis le XVIe siècle. Cela explique et légitime les costumes tailleurs, les vestes et les pantalons qui sont chez lui au cordeau. Au gré des saisons, il s’est montré également habile dans les citations historiques, les pourpoints ou les casaques dont il accentue volontiers le dessin et coupe dans des tissus d’aujourd’hui. McQueen avait aussi un sens inné du spectacle. Il est des défilés dont la prestation scénique est si forte qu’elle l’emporte sur la proposition vestimentaire. Pour autant l’émotion qu’ils distillent est à inscrire au répertoire de la mode au titre de catalyseurs d’inspirations du moment. Dans la tradition des shows médiatiques orchestrés par Thierry Mugler, Alexander McQueen offre en 2004 trente minutes de mode, pastiche d’On achève bien les chevaux, le film de Sidney Pollack. Chorégraphié par Mickael Clark, le défilé développe une énergie cruelle. Sur la piste de la salle Wagram à Paris, danseurs et mannequins professionnels portant brassard au dos s’agitent avec précision selon trois tableaux. Ce défilé qui en a médusé plus d’un dans l’assemblée est probablement l’un des derniers défilés à grand spectacle dont le début du XXIe siècle ait été le témoin.