Sphinx, hydres, chimères, dragons, licornes, griffons, sirènes, centaures, tritons, harpies, phénix : du mobilier à la faïence en passant par les jouets, la publicité et le verre, ces créatures imaginaires ont constitué un répertoire de formes inépuisable et continuent de nous hanter comme elles ont hanté nos ancêtres.
Depuis des temps immémoriaux, les hommes ont donné corps aux chimères. Profusion de formes, déchaînement d’une créativité débridée et féconde, engendrant des monstres hideux, cette omniprésence dans tous les domaines des arts décoratifs est révélatrice de la place occupée par les animaux fantastiques dans l’imaginaire collectif. La raison s’efface devant l’imaginaire, et les songes engendrent des monstres. L’hybridation de leurs corps, qui relèvent de toutes les espèces sans appartenir à aucune, empêche de les nommer autrement que par
périphrases ou circonlocutions. Loin de les avoir fait reculer, les progrès engendrés par de nouvelles technologies comme la robotique et le développement des matières synthétiques, ainsi que les possibilités offertes par le numérique, ont suscité la création de nouveaux monstres. Modification irréversible de l’information génétique, la mutation fait partie du processus d’évolution des espèces mais, depuis le clonage de la brebis Dolly, l’homme est capable de manipuler des êtres vivants à des fins fonctionnelles ou purement décoratives. Méfions-nous des docteurs Faust qui cherchent par le « design génétique » à donner corps aux chimères.