Prêt-à-porter printemps-été 1983, automne-hiver 1986-87, 1988-89 et printemps-été 1989
Rei Kawakubo a modifié l’image érotisée et conventionnelle de la femme. En créant avec ou sans, mais pas en dépit du corps, elle a annexé d’autres terrains d’autonomie et d’expression au vêtement. Ses ourlets schizophréniques, ses créations que ne dirige pas la recherche symétrique qui fait loi en Occident bousculent les habitudes. Les pulls troués de sa première collection à Paris ont choqué par leur misérabilisme affiché. Ceux du printemps été 1983 ensevelissent la femme sous la laine en vrac dont Kawakubo fait naître des volumes non répertoriés par la mode.
(…) En quelques saisons les défilés des Japonais ont choqué puis séduit par la réelle poésie qu’ils distillent. On a abusivement dit de Kawakubo qu’elle était créatrice de la déconstruction. C’est en partie vrai pour la période de 1983 à 1987 lorsqu’elle noie le corps sous les hardes maîtrisées, aux tons neutres, noirs sous blancs. Dès 1987, les emprunts au vestiaire masculin, leurs tissus ou leurs formes pimentent ses collections. (…) En gabardine stretch, les tissus d’allure masculin se drapent aussi élégamment qu’une robe du soir que la créatrice fait porter le jour. (…) Des collections aux tons de rouges virulents (…) d’aquarelles (…) font éclater une poésie (…).Fuyant les mécanismes créatifs, les logiques stratégiques et confortables, elle conçoit des collections qui, sans se contredire, sont des ruptures qui stimulent sa création. Kawakubo ne s’interdit rien. « Les vêtements, dit elle sont mes prises de positions. C’est une vieille mentalité japonaise ; c’est ce qui est fait qui compte ». Depuis 1983, ses défilés à Paris sont des manifestes vestimentaires dont on saurait trop mesurer l’influence.