Historicisme
La véritable renaissance du corset que nous connaissons aujourd’hui n’est pas arrivée subitement. Les créateurs l’ont lentement adopté puis consacré au cours des dernières décennies. (...) Christian Lacroix a fait monter le corset sur les podiums dès son arrivée dans la haute couture en 1981. (...) Le couturier avoue lui-même une certaine nostalgie du XIXe siècle. (…) L’historicisme qui se dégage de ses robes et ses corsets en est l’expression créatrice. Bien que les fanons de baleine aient été remplacés par des tiges de métal et de plastique, les corsets de Christian Lacroix restent formellement fidèles à leurs modèles du XIXe siècle.
(…) Bien loin des créations de Lacroix prônant la « joie de vivre1 » avec ses poufs épanouis, Vivienne Westwood s’inscrit volontairement, par l’emploi de structures vestimentaires du passé, dans une dimension provocatrice. Au début des années 1980, le mouvement punk dont elle fut l’une des pionnières s’est démocratisé, puis essoufflé. (…) « L’antiestablishment est devenu la norme, et donc inoffensif2 », souligne-t-elle. D’où un revirement soudain dans son œuvre. Après un an à étudier les riches collections de costumes du Victoria and Albert Museum de Londres, la créatrice fait germer sur les podiums un monde foisonnant de corps à baleines, de poufs et autres « Mini-Crini ». Si Vivienne Westwood puise dans les sources des XVIIIe et XIXe siècles à partir de 1981, ce n’est pas par conservatisme, mais à l’inverse, dans une nouvelle lecture de l’anticonformisme (…)
Futurisme
La fin du XXe siècle est une époque de bilan pour les créateurs comme pour le reste de la société. L’instabilité politique de nombreux pays et les crises économiques successives ont dégradé la confiance en l’avenir qui caractérisait les années 1950. Les couturiers vont alors donner un nouveau rôle au vêtement : non plus seulement protéger les corps, mais aussi les réparer. Les armatures du corset, de la crinoline et de la tournure deviennent des supports indispensables.
(…) Au lieu de guérir, d’autres préfèrent prévenir : c’est en protégeant les corps qu’on leur assurera une vie sans heurts. Poursuivant son exaltation de la femme forte, Mugler pallie la fragilité féminine par des matériaux résistants, tout en restant très attentif à l’érotisme qui s’en dégage. En 2007, il habille un mannequin d’une seule pièce de métal, moulée sur la forme d’un corset et d’un vertugadin.
(…) Le recours à des matériaux peu communs est récurrent chez les couturiers. Certains repoussent encore les limites par l’utilisation de matières nouvelles, voire futuristes. Dès 1980, Issey Miyake propose un bustier en plastique moulé sur le corps du mannequin.
(…) La jeune génération s’inscrit dans cet intérêt pour l’innovation, tout en gardant en mémoire l’histoire du costume. Iris Van Herpen, loin du vêtement fonctionnel, s’investit dans le monde actuel en plongeant son activité dans les hautes technologies.
(…) Iris Van Herpen a d’abord dessiné la robe par informatique, puis, avec l’aide de l’architecte-designer Isaïe Bloch, a réalisé un modèle par impression en trois dimensions sur polymère.
(…) L’autre métamorphose possible dans le monde de la couture : l’imposition d’une silhouette aux lignes nouvelles. Oser proposer un nouveau profil implique un positionnement radical du créateur.
(…) Les silhouettes que nous connaissons et reconnaissons sont un repère sur lequel le regard peut s’appuyer. En sortant de ces limites, le créateur prend le risque de désorienter le spectateur.