D’origine polonaise, Roman Cieslewicz suit l’enseignement de l’école des Beaux-Arts de Cracovie, dont il sort diplômé en 1955. Il devient un acteur important de l’École de l’Affiche polonaise qui, dans les années cinquante, en renouvela le genre et le rôle, et dont l’influence et la notoriété dépassèrent les frontières. Mais le contexte politique compliqué et la volonté de confronter son œuvre aux « néons de l’Occident » sont quelques-unes des raisons qui poussent Roman Cieslewicz à s’exiler.
Il s’installe à Paris en 1963 et, engagé par Peter Knapp comme maquettiste, il collabore avec le magazine Elle et devient son directeur artistique. En 1967, il accompagne la naissance d’un nouveau magazine d’art, Opus International, dont il définit alors la formule graphique. Il travaille également pour Vogue, les éditions 10/18 ou encore Jacques-Louis Delpal. Il est le premier directeur artistique de l’agence de design et de communication MAFIA.
Si très vite il abandonne l’esthétique et les techniques picturales qui étaient les siennes en Pologne, pour l’utilisation du photomontage, il conserve l’idée que l’affiche et le graphisme avaient pour mission d’instruire la population autant d’un point de vue intellectuel qu’esthétique. Il voulait être un aiguilleur de rétine dont le travail cherchait à « dépolluer l’œil ».
Ses travaux de commandes se doublent d’une production qu’il menait en « atelier », composé et rythmé par des séries de collages ou de photomontages, créant des « collages répétitifs », « collages centrés », et dont il résulte d’autres séries remarquables à l’exemple de Changement de climat, et Pas de Nouvelles Bonnes Nouvelles. Membre du groupe Panique, fondé en 1960 entre autres par Arrabal, Topor et Jodorowski, Olivier O. Olivier, Cieslewicz crée en 1976, Kamikaze, la revue d’information inspirée par le mouvement Panique.
En France, c’est en 1972 que Roman Cieslewicz fait sa première grande exposition au Musée des Arts Décoratifs. En 1993, le Centre Georges Pompidou lui consacre une importante rétrospective, ainsi que le Musée de Grenoble en 2001. Si de grands musées ont déjà célébré l’œuvre de cet artiste, l’exposition du Musée des Arts Décoratifs analyse le processus de création de Roman Cieslewicz en montrant pour la première fois au public ses documents d’archives et aborde d’une manière innovante son œuvre. Elle propose à travers un parcours rétrospectif évoquant les thématiques chères à Cieslewicz à l’exemple de l’œil, la main, le cercle, le Che, la Joconde. Ses œuvres dialoguent avec les archives iconographiques, conservées à l’IMEC (Institut Mémoires de l’édition contemporaine), dont certaines, inédites, seront dévoilées pour la première fois au public.
De salle en salle, le visiteur est plongé dans l’univers riche d’une création graphique, évoquée par des affiches, publicités, couvertures de magazines mais aussi vidéos et reconstitution de son atelier, offrant un regard intime et passionnant sur le processus de construction des images propre à l’artiste. C’est en effet par l’utilisation et la fabrication des images que les travaux de Roman Cieslewicz méritent d’être interrogés.
Chaque jour, il consultait la presse, la dépouillait, puis la classait dans plus de 350 boîtes couvrant une grande variété de thèmes. Si les archives de Roman Cieslewicz constituent la matière première dans laquelle l’artiste puise pour créer, elles sont également le miroir de l’homme qu’il était. Elles parlent de ses préoccupations essentielles, de ses références artistiques – dada, Avant-garde Russe, Bruno Schultz – sans oublier ses amitiés – Topor, Arrabal, Depardon, etc. Elles sont également le regard d’un homme sur son époque : il commente l’actualité et offre à travers des images de communication un regard critique sur le monde et en livre une autre vérité. Il s’inspire des célébrités de son époque et n’hésite pas à détourner les icônes de l’art.
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Cette exposition s’accompagne d’un ouvrage de référence qui invite à plonger dans la démarche même de l’artiste lorsqu’il fabriquait des images. Organisé sous forme d’un abécédaire, il réunit des textes des contemporains de Roman Cieslewicz qui l’ont côtoyé et est richement illustré à partir du fonds d’archives constitué par l’artiste lui-même.
Le Musée des Arts décoratifs, qui renferme l’une des plus riches et plus anciennes collections de graphisme en France, en lui rendant un nouvel hommage, est heureux de présenter au public cette rétrospective, l’une des plus importantes jamais réalisées.