Les acteurs de la découverte
En acceptant l’ouverture aux principales puissances occidentales entre 1854 et 1858, le Japon met fin à plus de deux siècles d’isolationnisme. Ses échanges avec l’Occident se multiplient et s’accélèrent avec l’avènement de l’ère Meiji (1868-1912). Vitrines des pays industrialisés, les Expositions universelles lui offrent, dès 1867 à Paris, des occasions inégalées de présenter ses savoir-faire aux visiteurs qui s’y rendent par millions. De leur côté, institutions, collectionneurs et marchands organisent des expositions où l’art japonais devient incontournable. Les récits de voyageurs, les critiques et les premiers ouvrages dédiés à l’art japonais participent à sa diffusion et à sa connaissance. En 1865, l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, ancêtre du MAD, est l’une des premières institutions à exposer l’art japonais. Depuis 150 ans, le Musée des Arts Décoratifs n’a cessé de porter un intérêt majeur au Japon par une politique d’enrichissement de ses collections et d’expositions. Il a été et reste encore aujourd’hui un acteur important de cette découverte.
La nature
L’influence de l’art japonais sur les artistes, les artisans et les industriels français se manifeste dès les années 1860. La nature et sa représentation sont au cœur du japonisme : iris, chrysanthème, bambou, ombelle, nénuphar, papillon, hirondelle, paon, langouste, thèmes chers au Japon, sont alors d’inépuisables sources d’inspiration pour la création d’objets, de textiles, d’affiches, etc.
Cette section met en regard des objets japonais et français, anciens et contemporains. À la fin du XIXe siècle, les artistes occidentaux adoptent, notamment pour les représentations de paysages, les principes japonais de composition sans perspective et s’inspirent de certains types de format ou de cadrage. Le japonisme évolue de l’Art nouveau à l’Art déco par une plus grande géométrisation des formes et des décors. Il se manifeste également dans la mode, tant par les motifs que par l’adoption de la coupe à plat des kimonos. Aujourd’hui encore, la nature demeure une source d’inspiration importante au Japon.
Le temps
Au Japon, le temps pourrait se transcrire en une ligne ininterrompue et immuable, telle la transmission des savoir-faire génération après génération. Le temps s’y décline en quatre saisons dont les célébrations rythment la vie quotidienne comme les fêtes liées à la religion Shinto ou au bouddhisme. Le temps joue un rôle essentiel dans les rituels, notamment ceux des cérémonies du thé. Les œuvres littéraires classiques de l’époque de Heian (794-1185), premier âge d’or de l’art japonais, demeurent des sources d’inspiration majeures à l’époque d’Edō et le sont aujourd’hui encore. De leur côté, les Occidentaux admirent la perfection des objets japonais, la patience et le temps nécessaire à leur fabrication et leur beauté intemporelle. Ces objets souvent appelés « bibelots » connaissent un fort engouement, sans pour autant que leurs usages et leurs décors soient compris. Après le temps du japonisme, cette section est dédiée à la compréhension des fonds japonais acquis par le musée et les replace dans le contexte de leur création.
Le mouvement
Le mouvement est d’abord abordé dans un sens littéral, celui des déplacements, par exemple en palanquin, et ceux, plus codifiés, des spectacles (cirque, sumo, théâtre, danse rituelle) où masques et costumes permettent d’interpréter les évolutions scéniques. Puis sont présentés des motifs figurant le mouvement, ceux des décors de l’école Rinpa, les grues en vol, les vagues, l’écume d’où jaillissent avec force de grosses carpes, celui implicite des éventails et enfin celui que traduit la calligraphie. À l’heure de l’invention et du développement des techniques photographiques, les Occidentaux sont fascinés et saisis devant l’aptitude des artistes japonais à transcrire les gestes pris sur le vif, l’instant capté, et dont le maître incontesté est Hokusai Katsushika (1760-1849) et son œuvre, la Manga.
La thématique du mouvement est aussi représentée à travers des exemples de mobilier ou d’objets d’art. Il est évoqué par les échanges commerciaux et artistiques entre la France et le Japon depuis le XVIIe siècle. (...) Cette thématique aborde également l’exemple du mouvement Mingei, créé en 1925 pour revaloriser les productions artisanales japonaises, et les échanges nombreux qui se sont instaurés entre les créateurs de ce mouvement et le céramiste anglais Bernard Leach, puis entre Charlotte Perriand et la seconde génération du mouvement Mingei.
L’innovation
En plus d’apporter aux artistes de nouvelles manières de composer, de mettre en page le décor, l’art japonais entraîne les créateurs occidentaux à utiliser certains matériaux à des fins artistiques, comme le grès, jusque-là réservé à la vaisselle populaire. Il leur permet aussi de découvrir de nouvelles techniques dans les domaines de la céramique, de la laque, ainsi que des alliages et patines métalliques. Depuis les années 1970, les innovations dans les champs de la mode, de l’objet et du graphisme sont de nature technologique, économique et commerciale.
Les influences mutuelles entre la France et le Japon et les échanges entre ces deux pays prennent des formes multiples qui se renouvellent sans cesse. Aujourd’hui, dans un monde globalisé, l’innovation réside dans les façons dont artisans, artistes, designers et industriels, japonais ou français, pensent et conçoivent leur métier et
leur collaborations.