La précédente rétrospective parisienne consacrée à Christian Dior s’est tenue en 1987 au Musée des Arts Décoratifs. Elle était centrée sur les dix années de création du couturier, de 1947 à 1957. Pour célébrer les soixante dix ans de la Maison, cette nouvelle rétrospective montre comment Christian Dior et les six directeurs artistiques qui lui ont succédé ont conçu et construit le rayonnement d’un nom aujourd’hui synonyme de haute couture en France et dans le monde entier. Avec leur propre sensibilité, Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, Raf Simons et aujourd’hui Maria Grazia Chiuri ont ainsi élaboré une grammaire stylistique fidèle à l’élan initial et contribué à définir l’identité de Christian Dior dans sa relation avec l’époque. Accompagnant cette évocation de la haute couture, résonnent aussi les créations de Frédéric Castet pour la haute fourrure, celles de Serge Lutens, de Tyen et de Peter Philips pour la beauté, ainsi que de François Demachy pour les parfums.
Personnage-clé de la mode du XXe siècle depuis sa collection « New Look » du printemps-été 1947, Christian Dior a profondément modifié l’image de la femme, renvoyant au passé la silhouette masculine des années de guerre. Ses robes expriment une féminité moderne, celle de sa femme-fleur, dessinant un corps aux courbes sinueuses et dont le port fait référence à la culture académique du ballet classique. Les épaules sont douces, la poitrine précisée, la taille marquée et les hanches magnifiées par l’envolée des jupes corolles. Christian Dior a, non sans scandale, relancé l’industrie textile en exigeant, après les années de pénurie de l’Occupation, l’emploi de grands métrages d’étoffe. Il a su renouer avec la tradition de la couture, redonnant une place prépondérante aux brodeurs et aux paruriers. Il a inventé une mode internationale réaffirmant le rôle séculaire de Paris comme capitale de la mode.
L’exposition s’ouvre sur un rappel de la vie de Christian Dior, son enfance à Granville, ses « années folles » de découverte de l’avant-garde de l’art et des spectacles parisiens, son apprentissage du dessin de mode et son entrée dans la haute couture. Avant de se diriger vers la mode, Christian Dior a été directeur de galerie de tableaux en association avec ses amis Jacques Bonjean, puis Pierre Colle, de 1928 à 1934. Cette activité est évoquée à travers des tableaux, sculptures et documents rappelant une programmation éclectique, dans laquelle la génération des artistes déjà célèbres rencontrait les jeunes artistes de la génération de Dior. Parmi ces derniers figuraient Giacometti, Dalí, Calder, Leonor Fini, Max Jacob, Jean Cocteau ou Christian Bérard. Amateur d’antiquités et d’objets d’art, collectionneur d’Art nouveau et décorateur passionné par le XVIIIe siècle, amoureux des jardins, il a puisé dans toutes ces sources tant pour agrémenter ses résidences privées que pour définir l’esthétique de sa maison de couture et de ses créations. On découvre, en effet, que ses robes sont empreintes de références à la peinture, à la sculpture, mais aussi à tout ce qui compose l’art de vivre : papiers peints, étoffes, porcelaines ou chinoiseries.
Toutes ces thématiques créatives, sur lesquelles ses successeurs sont revenus comme sur des leitmotivs, sont tour à tour dévoilées : l’art et la photographie, la profusion des couleurs et des textures, l’élégance stricte parisienne, la référence au décor néoclassique, les trésors de l’exotisme, la fascination pour le thème floral. Ces thèmes sont mis en scène par Nathalie Crinière, dans des ambiances évoquant successivement une galerie d’art, un atelier, une rue, un boudoir, les voyages, ou encore un jardin merveilleux. Tout au long de l’exposition, tableaux, sculptures et objets d’arts décoratifs éclairent les goûts et sources d’inspiration du couturier, selon une sensibilité partagée par les directeurs artistiques qui lui ont succédé.
La visite se poursuit dans la nef par un parcours chronologique de 1947 à 2017 montrant l’élan fondateur et l’héritage de l’esprit Dior à travers les décennies. La silhouette du tailleur Bar caractéristique du « New Look », inaugure cette traversée du temps. Cet ensemble en noir et blanc concentre toute la nouveauté de l’esthétique Dior qui frappe le coup d’envoi des trente glorieuses de la mode. Depuis, ce tailleur a hanté l’imaginaire de la mode et de nombreux couturiers et créateurs.
Mais la permanence de l’esprit de Christian Dior tient aussi aux différents directeurs artistiques qui ont pris la relève du couturier après sa disparition en 1957. Une succession de six galeries leur est dédiée pour décrypter comment leur propre création s’inscrit dans la poursuite de cette vision de la haute couture. Au choix risqué du tout jeune Saint Laurent succède la réaction rationnelle de la nomination de Marc Bohan. Puis c’est l’arrivée flamboyante de Gianfranco Ferré, puis celle à grand fracas du punk de la mode John Galliano, l’affirmation « minimaliste » de Raf Simons et, enfin, le choix d’une femme, Maria Grazia Chiuri et de sa vision engagée de la féminité.
Les savoir-faire et la technique, sans lesquels la haute couture ne saurait exister, sont mis en scène dans un atelier où des ouvrières sont à l’ouvrage, entourées de mannequins de couturières, de croquis et de toiles. Une galerie propose un résumé de l’évolution de la ligne et de l’allure Dior depuis 1947, illustrée de robes et d’extraits de films ou de vidéos de défilés.
Le parcours s’achève dans le cadre somptueux de la nef, décorée telle une salle de bal pour une présentation des robes du soir les plus fastueuses, parmi lesquelles brillent de nombreuses créations réunies pour la première fois à Paris. Certaines ont été portées par des clientes célèbres qui ont contribué au rayonnement de la maison Christian Dior, de la princesse Grace de Monaco à Lady Diana, de Charlize Theron à Jennifer Lawrence. Révélation inédite, résultat de recherches menées pour ce projet, parmi ces toilettes de grand bal figure une robe baptisée Soirée brillante qui a défilé du temps de Christian Dior au Musée des Arts Décoratifs en novembre 1955.
À l’occasion d’une exposition présentant les grands ébénistes français du XVIIIe siècle, Christian Dior comptait au nombre des prêteurs, et l’inauguration prit la tournure d’un événement culturel, mondain et élégant grâce à la présence de ses propres créations. Ce jour-là, des mannequins de la maison Dior déambulaient en robe du soir, prenant la pose parmi les meubles et objets d’art. Une façon d’affirmer, en ce mercredi 30 novembre 1955, la place naturelle qu’occupent les ornements de la féminité au cœur des arts appliqués et le rôle prépondérant joué par Christian Dior dans l’histoire des arts décoratifs.
Pour cet ambitieux projet, la plupart des œuvres présentées sont issues du fonds Dior Héritage, le plus souvent jamais vues à Paris, auxquelles s’ajoutent les prêts exceptionnels provenant des collections du Musée des Arts Décoratifs et de l’Union française des Arts du costume, du Palais Galliera, du Costume Institute au Metropolitan Museum of Art de New York, du Victoria and Albert Museum de Londres, du De Young Museum de San Francisco, de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, du Museum of London, du musée Christian Dior de Granville, ainsi que des œuvres d’art prestigieuses, de tout temps et de toute époque, provenant des collections du musée du Louvre, du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, du Château de Versailles, du Centre Pompidou, du Musée des Arts Décoratifs et de nombreuses collections particulières.