Histoires de photographies. Collections du Musée des Arts Décoratifs

du 19 mai au 12 décembre 2021

Le Musée des Arts Décoratifs présente une exposition de ses collections de photographies, révélées pour la première fois au public. Ce fonds patrimonial exceptionnel, riche de plus de 350 000 phototypes, rassemble des photographies de mode, d’architecture, de paysage, de décor, mais aussi publicitaires, allant des années 1840 aux créations les plus récentes.

« Histoires de photographies » retrace, à travers 400 tirages originaux et négatifs, un siècle et demi d’histoires photographiques immortalisées par de grands noms tels Eugène Atget, Laure Albin-Guillot, Dora Kallmus, plus connue sous le nom de Madame d’Ora, Man Ray, Cecil Beaton, Robert Doisneau, Bettina Rheims, David Seidner...

Hashtag : #Histoiresdephotos

Commissariat
• Sébastien QUÉQUET, attaché de conservation en charge des collections photographiques, département des Arts graphiques

Avec la collaboration de :
• Sonia AUBÈS, documentaliste
• Max BONHOMME, docteur en histoire de l’art
• Iris CARTRON, élève de l’École normale supérieure
• Béatrice KRIKORIAN, chargée de mission

Scénographie
• Emmanuel PRÉVOT

Graphisme
• H5 (Alice ITO)

Impressions
• CLUMIC Arts Graphiques

EXPOSITIONALISÉE AVEC LE SOUTIEN DES FRIENDS OF THE MUSÉE DES ARTSCORATIFS.

Présentation
[TEASER] Histoires de photographies. Collections du Musée des Arts Décoratifs - YouTube

Chronologique et thématique, l’exposition dévoile la diversité des usages de la photo — politique, économique, juridique, artistique ou documentaire — et met en lumière les croisements, sensibles ou inattendus, avec les arts décoratifs. Elle offre ainsi un regard neuf sur le rôle de premier plan que le Musée des Arts Décoratifs a joué dans la reconnaissance de la photographie sur la scène artistique française.

Charles Marville, {Réverbère, square des Arts et Métiers}, vers 1862
Charles Marville, Réverbère, square des Arts et Métiers, vers 1862
Tirage sur papier albuminé. Don Préfet de la Seine, 1890
© Photo : MAD, Paris / Christophe Dellière

Dès son origine en 1864, l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie – aujourd’hui Les Arts Décoratifs – envisage la photographie comme un « art appliqué à l’enseignement et à la vulgarisation ». Elle est alors considérée comme l’un des vecteurs les plus efficaces pour inspirer les ouvriers et artisans en plein contexte d’émulation artistique et économique. Au temps des premières expositions d’arts industriels, l’institution produit ses propres photographies grâce au laboratoire qu’elle met en place en 1883 et appelle les photographes à rejoindre ses rangs afin de fournir des modèles, en vue de former le regard et d’éduquer par l’image. Au fil du temps, le musée et sa bibliothèque acquièrent des milliers de clichés ayant pour vocation de documenter les collections que les créateurs ont pu donner par ailleurs, à l’instar de Pierre Chareau, Jacques-Émile Ruhlmann ou Louis Sognot.

Au-delà des collections, c’est toute une politique d’expositions que la photographie nourrit tout au long du XXe siècle comme l’« Exposition des photographies de guerre » en 1916 ou l’« Exposition internationale de la photographie contemporaine » en 1936. La programmation propose et accueille les premières rétrospectives françaises consacrées à Henri Cartier-Bresson (1955) ou à Jacques Henri Lartigue (1975). En 2021, le musée rend un nouvel hommage à la photographie mais cette fois à travers le prisme de sa propre collection. Six sections permettent d’en saisir la profusion et la variété : la quête des modèles, les vues de pays comme objet d’étude et d’inspiration, la photographie au service du patrimoine, l’utilité commerciale de la photographie exploitée par la presse et la publicité, la reconnaissance de la photographie en France et la photographie de mode.

Thérèse Bonney, {Jardin conçu par Gabriel Guevrekian à la Villa Noailles}, 1928
Thérèse Bonney, Jardin conçu par Gabriel Guevrekian à la Villa Noailles, 1928
Négatif sur plaque de verre. Don Éditions Massin 1973-1974
© Photo : MAD, Paris / Christophe Dellière

Le parcours débute au commencement de l’histoire de la photographie dans le sillon des premières associations et institutions : la Société française de photographie voit le jour en 1854 et la Chambre syndicale de la photographie en 1862. Cette partie introduit le visiteur dans les premières images de ce milieu du XIXe siècle en rappelant leur vocation pédagogique pour les artistes et les artisans. L’acquisition de modèles photographiques – natures mortes mais aussi ornements ou figures – est alors au cœur des impératifs des institutions.

Raimund von Stillfried, {Samourai}, vers 1882
Raimund von Stillfried, Samourai, vers 1882
Tirage sur papier albuminé rehaussé de couleurs. Don Hugues Krafft, 1914
© Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

Le XIXe siècle est aussi une époque d’échanges et de mouvements. Les expositions universelles, plus particulièrement à partir de 1867, invitent à découvrir le monde, cet « ailleurs » que l’on méconnait alors, et la photographie participe à ce phénomène. Les clichés pris à l’étranger ont nourri l’imaginaire des artistes et des décorateurs, autant que celui des collectionneurs. De l’Amérique du Sud à l’Asie en passant par l’Europe et la Méditerranée, les photographies témoignent de différents points de vue : colonial, touristique, ethnographique ou personnel. La photographie est également l’une des ressources les plus convoquées à l’heure où s’organise la protection des monuments. En apportant un témoignage visuel de leur état et de leur transformation, elle joue un rôle essentiel à l’égard du patrimoine et de l’architecture à travers l’objectif d’Henri Le Secq ou de Charles Marville.

Jean Collas, {Double portrait de mannequins en cire}, entre 1925 et 1930
Jean Collas, Double portrait de mannequins en cire, entre 1925 et 1930
Tirage gélatino-argentique. Don Annick Collas, 1993
© Jean Collas / DR © Photo : MAD, Paris / Christophe Dellière

L’exposition entraîne le visiteur dans les années 1920-1930, qui voient l’apparition progressive de la photographie publicitaire. Cette partie dévoile comment l’essor du modernisme photographique doit autant aux photographes eux-mêmes qu’aux graphistes, éditeurs et décorateurs, qui font entrer l’image dans les domaines de la vie quotidienne. L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, qui se tient à Paris en 1925, est fondamentale pour le marché de la photographie et de l’édition. Certaines revues comme Art et Décoration ou L’Architecture d’Aujourd’hui, et Connaissance des arts ensuite, accordent une place croissante à l’illustration photographique. Publiées dans ces revues, les clichés de Thérèse Bonney, Dora Kallmus ou Jean Collas jouent également un rôle de diffusion de modèles, contribuant au renouveau de la création et à l’évolution des goûts.

David Seidner, {Modèle d'Yves Saint Laurent, Vogue Italia}, septembre 1985
David Seidner, Modèle d’Yves Saint Laurent, Vogue Italia, septembre 1985
Cibachrome
© David Seidner Archives International Center of Photography © Photo : MAD, Paris / Christophe Dellière

C’est également l’ambition de l’Union française des arts du costume (UFAC), créée en 1948, sous l’impulsion de François Boucher, qui rassemble un ensemble prestigieux de pièces de mode, textiles et de tirages dont la gestion est alors confiée au musée. L’alliance de ces deux collections, dont l’accord est scellé en 1981, devient le socle de la mode du Musée des Arts Décoratifs. Le corpus photographique apporte un témoignage artistique et intime sur les figures les plus marquantes de la haute couture parisienne : Charles Frederick Worth, Madeleine Vionnet, Paul Poiret... créateurs que les toutes récentes expositions « Harpers Bazaar, premier magazine de mode » et « Le dessin sans réserve » ont mis en lumière.

« Histoires de photographies » s’inscrit dans une programmation initiée en 2020 avec « Le dessin sans réserve », à la suite de « Faire le mur. Quatre siècles de papiers peints » en 2016, qui s’attache à faire découvrir au public toute la richesse de fonds restés longtemps dans l’ombre. L’exposition révèle les contours d’un médium à part entière, ses personnalités fondatrices et ses expressions les plus surprenantes.

« Notre (autre) histoire de la photographie »
Par Olivier Gabet, directeur du Musée des Arts Décoratifs

Les histoires de musées révèlent souvent des situations paradoxales, ainsi la photographie au Musée des Arts Décoratifs : angle mort dans son approche globale, omniprésente dans la constitution des collections, évanescente photographie, comme soluble dans l’air, partout et nulle part à la fois.

André Durst, {Robe de Paquin et bijoux de Van Cleef & Arpels}, publié dans {Vogue Paris}, mars 1940
André Durst, Robe de Paquin et bijoux de Van Cleef & Arpels, publié dans Vogue Paris, mars 1940
Tirage gélatino argentique. Don Condé Nast, coll. Ufac
Photo : © MAD, Paris / Christophe Dellière

Dès 1851, lors de l’Exposition universelle de Londres, Léon de Laborde en relève les premiers pas – la photographie n’est pas même adolescente – et chante les accomplissements déjà prometteurs, art industriel parmi les arts industriels, merveilleux levier de progrès des arts, technique nouvelle aux potentialités impressionnantes : diffuser l’image, multiplier la connaissance, arpenter le monde, le posséder en quelque sorte, portant les ferments propices à l’idée généreuse de ce qui deviendra bientôt l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, fondée en 1864, la matrice des futurs musée et bibliothèque des Arts décoratifs. Pour les critiques et les gens de métier, la photographie est alors une technique propre à exprimer les vertus de l’enseignement et de la vulgarisation.

De Londres à Vienne, elle devient un des cœurs battants des musées des arts décoratifs efflorant un peu partout en Europe. […]

Les collections remarquables du musée trouvent un écho puissant dans l’histoire même des expositions, une histoire un peu oubliée dans le souffle épique de l’avènement moderne d’autres musées qui ont attiré une lumière que le musée des Arts décoratifs avait âprement défendue et transmise depuis sa fondation. […]

C’est de cette « mètis photographique » (Éléonore Challine) que l’idée s’est faite peu à peu jour depuis 2016 de donner à la photographie la place qui lui revient sans conteste au sein du Musée des Arts Décoratifs, comme d’autres pans de ses collections, à l’exemple du domaine asiatique, de la Chine au Japon.

Après ces « Histoires de photographies », qui tissent une autre histoire de la photographie en une rhapsodie inédite, il ne sera plus possible d’ignorer combien le musée et la bibliothèque des Arts Décoratifs ont contribué au rayonnement d’un domaine artistique en perpétuelle extension.

« Entre ombre et lumière : la photographie au Musée et à la Bibliothèque des Arts Décoratifs »
Par Sébastien Quéquet, commissaire de l’exposition

La photographie et les arts décoratifs sont au milieu du XIXe siècle au centre des attentions dans le contexte de la révolution industrielle et de la concurrence internationale émergente. […]

Anonyme
Anonyme
Tirage gélatino-argentique. Don Jules Maciet
Photo : © MAD Paris / Christophe Dellière

Et si l’alliance de la photographie et des arts dits industriels pouvait changer la société en pleine mutation technologique et améliorer le quotidien de tous ? C’est sur ce champ des possibles, imprégné de saint-simonisme, que s’ouvre la relation entre les deux disciplines. Celles-ci ont de nombreuses similarités : elles sont alors en marge des systèmes académique et politique, n’ont ni musée ni école gérés par l’État, ni accès plein et entier au Salon des beaux-arts. Leurs associations professionnelles sont récentes – la SFP est née en 1854, la Chambre syndicale de photographie (CSP) en 1862 et l’UCBAAI [Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie] en 1864 – et elles se lancent dans un long combat pour obtenir la reconnaissance de leur discipline. Elles craignent les progrès britanniques, à l’instar de toute l’industrie française depuis le traité de libre-échange avec l’Angleterre en 1860. Leur rapprochement se fait donc au nom d’ambitions artistiques, économiques et même sociales. […]

La Société du progrès de l’art industriel (SPAI), prédécesseur de l’UCBAAI, avait organisé en 1861 et en 1863 deux expositions des beaux-arts appliqués à l’industrie présentant déjà des photographies, mais la troisième édition en 1865 semble sceller un lien. […] Le but de ces expositions est d’« offrir un asile temporaire aux œuvres que repoussent les jurys des expositions des beaux-arts, par la raison que des artisans ont dû intervenir dans leur exécution ; leur associer les produits de l’industrie plus modestes dans lesquels les arts du dessin sont encore nécessaires ; fournir aux entrepreneurs des industries d’art l’occasion de se mettre directement en rapport avec le consommateur […] ; montrer les procédés anciens et nouveaux employés pour la reproduction des œuvres d’art, soit par la plastique, soit par l’impression ». La photographie intègre donc la politique de l’UCBAAI sous l’angle de la diffusion. Dans chacune de ses expositions, au sein du parcours, une section « Art appliqué à l’enseignement et à la vulgarisation » est destinée à accueillir ces techniques de reproduction et occupe le premier étage du palais de l’Industrie. Mais derrière le terme « vulgarisation », dont l’apparition est récente, se cache une grande diversité de photographies. L’intérêt du médium réside davantage pour certains dans ses usages possibles que dans les sujets qu’il saisit. […]

Les thèmes

La quête de modèles

Dès sa fondation, l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie envisage la photographie comme un « art appliqué à l’enseignement et à la vulgarisation », une ressource pour inspirer les ouvriers et les artisans. Comme dans les institutions similaires qui émergent au même moment dans toute l’Europe, les photographies sont acquises afin d’améliorer la production nationale et régénérer les arts décoratifs. La technique alors récente doit en effet renouveler les ressources offertes par le dessin et la gravure. Ces nouveaux modèles, que l’Union centrale reçoit en don, achète ou produit grâce à son laboratoire photographique, sont alors accessibles à la bibliothèque, située sur la place Royale, actuelle place des Vosges, au cœur du quartier manufacturier. Elle accueille dessinateurs, peintres, décorateurs, sculpteurs, architectes, couturier, bijoutiers ou encore ébénistes. Elle s’enrichit progressivement d’albums iconographiques, commencés vers 1887 par le bibliothécaire Alfred de Champeaux et par le collectionneur Jules Maciet. Les pratiques liées à ces albums sont uniques dans le champ des bibliothèques d’art puisqu’il est possible d’y calquer des motifs librement pour les reprendre ou les réinterpréter ensuite, ce qui est interdit dans les autres bibliothèques.

L’autre et l’ailleurs

Paul Nadar, Entrée du mausolée de Shadi Mulk-Aka dans la nécropole Chakhi Zinda Samarkand}, 1890
Paul Nadar, Entrée du mausolée de Shadi Mulk-Aka dans la nécropole Chakhi Zinda Samarkand}, 1890
Tirage sur papier albuminé
© Photo : © MAD Paris / Christophe Dellière

L’industrialisation et le développement des échanges et des mouvements à l’échelle internationale modifient la perception du temps et de l’espace au XIXe siècle. Les photographies accompagnent ce phénomène : elles documentent les voyages, les découvertes et les explorations scientifiques, et se font souvenirs, œuvres d’art ou documents ethnographiques. Elles sont aussi les témoins de l’impérialisme et du colonialisme européen en Afrique comme en Asie. Avec les objets et les textiles rapportés par les Occidentaux – marchands, photographes, collectionneurs, scientifiques ou membres d’institutions –, les photographies sont une façon de découvrir le monde et de se l’approprier. La circulation des images profite aux artistes et aux décorateurs qui y trouvent d’autres modèles, à la fois exotiques et universels. C’est la raison pour laquelle bibliothèques et musées en acquièrent en abondance. L’Union centrale, qui accorde une place privilégiée aux arts islamiques et asiatiques dès sa création, compte parmi ses membres des collectionneurs-voyageurs, qui sont autant de photographes ou d’amateurs de photographie. Ils lui offrent leurs collections et les photographies qui permettent de les contextualiser, créant ainsi des ensembles documentaires destinés à un usage artistique, qui relègue souvent au second plan leurs dimensions ethnographique, archéologique, touristique ou politique originelles.

Ruines et fondations

Henri Le Secq, {Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, Portail de droite}, 1851
Henri Le Secq, Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, Portail de droite, 1851
Cyanotype. Don Henri Le Secq des Tournelles, 1905
Photo : © MAD Paris

Une volonté nouvelle de préserver le patrimoine se développe en France dans les années 1830, héritière de la Révolution et du romantisme qui ont engagé un nouveau rapport à l’Histoire. Saisissant les opportunités offertes par la photographie, la Commission des monuments historiques, fondée en 1837, lance la Mission héliographique en 1851 dont l’objectif est de photographier le patrimoine en péril sur tout le territoire. Elle entame alors un processus d’inventaire et de classement, que la photographie vient étayer, et marque la naissance des relations puissantes entre photographie et architecture. Les architectes font appel aux photographes pour documenter leurs travaux : ainsi les grands chantiers de restauration, de rénovation et d’urbanisme sont-ils enregistrés par l’objectif de photographes qui s’en font une spécialité.

L’Union centrale s’enrichit de ce phénomène car plusieurs de ses membres sont architectes tels Gabriel Davioud, César Daly ou Lucien Magne. Lorsque la bibliothèque des Arts décoratifs s’installe dans l’enceinte du palais du Louvre en 1904, la proportion d’architectes parmi ses usagers augmente considérablement. [...] Dès la Première Guerre mondiale, l’institution organise plusieurs manifestations sur des sujets patrimoniaux et architecturaux, autant d’occasions d’accueillir les premières expositions dédiées à la photographie.

Éditer et documenter la modernité

René Herbst, {Cabine de bateau}, Exposition de l'OTUA au Salon d'automne, Paris, 1934
René Herbst, Cabine de bateau, Exposition de l’OTUA au Salon d’automne, Paris, 1934
Impression photomécanique collée sur tirage gélatinoargentique. Don René Herbst, 1982
René Herbst / DR. Photo : © MAD Paris / Christophe Dellière

L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes à Paris en 1925 fonctionne comme un catalyseur non seulement pour le monde des arts décoratifs, mais aussi pour le marché de la photographie et de l’édition. À cette époque, de nouveaux débouchés s’ouvrent pour les photographes, grâce à l’essor de la presse, à de meilleures techniques de reproduction et à une forte demande d’images. De l’entre-deux-guerres aux Trente Glorieuses, le métier de photoreporter et celui de photographe « industriel » spécialisé dans les vues d’architecture ou de décoration connaissent un essor sans précédent. Ce sont des photographes qui alimentent en images les revues spécialisées en répondant à des commandes. Dans le même temps, la photographie se voit considérée comme une forme d’expression artistique à part entière. Le milieu du graphisme a contribué à cette reconnaissance comme en témoigne la publication, à partir de 1930, par la revue Arts et métiers graphiques, d’un numéro annuel spécial dédié aux nouvelles tendances de l’expression photographique. Le médium fait l’objet d’audacieuses expérimentations : photomontages, photogrammes, surimpressions, solarisations. Loin de se limiter à des expériences d’ateliers, ces procédés nouveaux trouvent leur application dans la publicité, l’édition et la décoration. Le Musée des Arts Décoratifs s’en fait l’écho en accueillant les expositions de l’Union des artistes modernes en 1930 et 1932, puis « La publicité de demain » en 1946 et « L’art et la publicité dans le monde » en 1955.

La reconnaissance de la photographie

Rémy Duval, Affiche de l'exposition de 1936
Rémy Duval, Affiche de l’exposition de 1936
Papier, lithographie couleur
Photo : © MAD Paris / Christophe Dellière

Avant les années 1980, la photographie est peu considérée par les institutions en France. La Bibliothèque nationale, sous la direction de Jean Adhémar, et le Musée français de la photographie de Bièvres, ouvert en 1964, font figure d’exception. Le Musée des Arts Décoratifs qui expose toutes les disciplines, comme l’architecture, la bande dessinée, les arts populaires et l’art contemporain, sous la direction de François Mathey, est une terre d’accueil pour ce médium, d’autant qu’il a organisé par le passé des manifestations importantes, telle l’Exposition internationale de la photographie contemporaine en 1936. À partir de 1955, il lance une programmation spécifique et présente notamment Lucien Clergue, Denise Colomb, Thérèse Le Prat, Gjon Mili ainsi que les premières expositions en France sur le travail d’Henri Cartier-Bresson et de Jacques Henri Lartigue. Cependant, le musée ne constitue qu’un lieu éphémère pour les photographes et peu d’acquisitions sont réalisées, limitant les traces de ces expositions temporaires à des tirages collés dans les albums Maciet, des archives et des affiches.

Avant les années 1980, la photographie est peu considérée par les institutions en France. La Bibliothèque nationale, sous la direction de Jean Adhémar, et le Musée français de la photographie de Bièvres, ouvert en 1964, font figure d’exception. Le Musée des Arts Décoratifs qui expose toutes les disciplines, comme l’architecture, la bande dessinée, les arts populaires et l’art contemporain, sous la direction de François Mathey, est une terre d’accueil pour ce médium, d’autant qu’il a organisé par le passé des manifestations importantes, telle l’Exposition internationale de la photographie contemporaine en 1936. À partir de 1955, il lance une programmation spécifique et présente notamment Lucien Clergue, Denise Colomb, Thérèse Le Prat, Gjon Mili ainsi que les premières expositions en France sur le travail d’Henri Cartier-Bresson et de Jacques Henri Lartigue. Cependant, le musée ne constitue qu’un lieu éphémère pour les photographes et peu d’acquisitions sont réalisées, limitant les traces de ces expositions temporaires à des tirages collés dans les albums Maciet, des archives et des affiches.

Photographier la mode

La photographie de mode semble souvent incarner à elle seule l’histoire de la photographie. D’abord rejetée parce que considérée comme uniquement commerciale, elle a peiné à trouver un autre statut que celui de l’illustration de revues. Pourtant, ses usages sont pluriels et mouvants au cours du temps : documentaires, juridiques, publicitaires, artistiques.

Joe Gaffney, {Modèle portant une robe de Balenciaga dans les combles du pavillon de Marsan du Musée des Arts Décoratifs}, 1982
Joe Gaffney, Modèle portant une robe de Balenciaga dans les combles du pavillon de Marsan du Musée des Arts Décoratifs, 1982
Cibachrome
© Joe Gaffney. Photo : © MAD Paris / Christophe Dellière

Après la Seconde Guerre mondiale, la haute couture connaît un nouvel âge d’or mais ne dispose pas d’institution faisant oeuvre de conservatoire. Les professionnels soutiennent alors la fondation de l’Union française des arts du costume (Ufac) par François Boucher en 1948, qui a pour but d’encourager les études spécialisées et de créer un musée. Un premier centre de documentation est ouvert en 1962, comptant des milliers de photographies – à la fois « témoignage de l’art photographique et documents » selon Boucher – en plus des gravures, dessins, ouvrages et costumes. Dans les années 1980, la considération portée à la photographie de mode change car les galeries et les musées anglo-saxons commencent à l’exposer. Au même moment, l’Ufac met à disposition ses collections pour ouvrir le musée des Arts de la mode (devenu le département Mode et Textiles du Musée des Arts Décoratifs). Signe d’une évolution notable, pour son inauguration en 1986, des photographies sont commandées à David Seidner. Là encore, le phénomène de l’exposition semble s’accompagner d’un processus de légitimation parce qu’il confère à la photographie une visibilité nouvelle.

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